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Anne Blanc
Question N° 26621 au Ministère du travail


Question soumise le 11 février 2020

Mme Anne Blanc attire l'attention de Mme la ministre du travail sur le statut d'autoentrepreneur créé par la loi du 22 juillet 2008 qui a permis à un grand nombre de créateurs d'entreprises de démarrer leur activité en bénéficiant d'un régime souple et adapté aux entreprises de petite taille. Ce régime de l'autoentrepreneur est de plus en plus plébiscité et vise à dynamiser le travail indépendant. Il convient de noter toutefois que, à l'occasion de contrôles diligentés par certaines URSSAF, le statut d'auto-entrepreneur a été contesté conduisant ainsi à la requalification en contrat de travail du contrat existant entre un autoentrepreneur et son donneur d'ordre sous le motif de subordination. Bien que cela puisse aller contre le bon sens commun, les cas de recours à des autoentrepreneurs faute de main d'œuvre salariée se multiplient sur de nombreux territoires et ne sont pas le fait de donneurs d'ordre peu scrupuleux tentés de couvrir l'externalisation abusive de salariés ou de maquiller sciemment une relation salariale en contrat d'entreprise pour échapper à ses obligations d'employeur. Bien au contraire, quand ils souhaitent embaucher, ils peinent à recruter et trouver les compétences nécessaires au fonctionnement et au développement de leurs entreprises. Dans la pratique, certaines entreprises (TPE, PME bien souvent installées sur des territoires ruraux), faute de main d'œuvre disponible et qualifiée, ont recours à des autoentrepreneurs compétents de plus en plus nombreux sur le marché du travail tenant à conserver leur liberté d'entreprendre et réticents à l'embauche en CDI. En effet, le marché de l'emploi et les attentes des individus dans leurs pratiques professionnelles ont changé et s'inscrivent de plus en plus dans des pratiques à la carte donnant plus de souplesse, de liberté et moins de contraintes. Cette situation crée une insécurité juridique dont pâtissent aujourd'hui les autoentrepreneurs comme leurs donneurs d'ordre mettant ainsi en péril un certain nombre d'entreprises, créatrices d'emplois et de richesse, sous la menace d'un redressement de l'URSSAF. Par conséquent, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles dispositions peuvent être mises en œuvre afin de clarifier et sécuriser la situation des entreprises ayant recours à ce dispositif dans un contexte où ces situations risquent de se développer de plus en plus.

Réponse émise le 6 avril 2021

Le régime de l'autoentrepreneur a été créé par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie pour simplifier la création et les déclarations sociales et fiscales d'entreprises individuelles relevant du régime fiscal de la micro-entreprise. La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a réformé le régime de l'autoentreprise, dénommée désormais microentreprise en fusionnant les régimes du micro-social et du micro-fiscal. Le recours par une entreprise donneuse d'ordre à des travailleurs indépendants autoentrepreneurs ou microentrepreneurs est autorisé sous réserve, d'une part, de s'assurer le cas échéant du respect des conditions légales et réglementaires d'exercice de la profession et, d'autre part, de ne pas recourir à de faux travailleurs indépendants autoentrepreneurs ou microentrepreneurs. Ainsi, d'une part, un prestataire indépendant doit se conformer le cas échéant aux conditions légales et réglementaires d'exercice de la profession. D'autre part, le prestataire extérieur doit être et demeurer indépendant et ne peut en aucun cas se substituer, dans les faits, à des salariés en étant, notamment, intégré au sein d'un service organisé sous la responsabilité d'une entreprise donneuse d'ordre. En effet, le régime de l'autoentrepreneur ou microentrepreneur est destiné à dynamiser le véritable travail indépendant. Il n'a nullement été conçu en vue d'avoir pour effet, ou pour objet, d'externaliser ou de sous-traiter de manière abusive une activité et/ou des salariés sous couvert du recours à de faux travailleurs indépendants y compris pour pallier des difficultés de recrutement de salariés qualifiés. Comme tout travailleur indépendant, l'autoentrepreneur ou microentrepreneur fournit un bien ou effectue une prestation de services, hors de tout lien de subordination juridique permanente qui constitue le critère essentiel du salariat. Un autoentrepreneur ou microentrepreneur est également supposé posséder, comme tout travailleur indépendant, le matériel et les équipements de travail nécessaires à l'accomplissement de sa prestation et être techniquement indépendant. Dans le cas inverse, le contrat entre l'autoentrepreneur ou microentrepreneur et son donneur d'ordre peut, sous réserve de l'interprétation souveraine du juge civil ou pénal, être requalifié en contrat de travail salarié. Il existe, certes, en vertu de l'article L. 8221-6 du code du travail, un principe juridique de présomption simple de travail indépendant et d'absence de contrat de travail, lorsqu'une personne physique ou morale est régulièrement immatriculée au répertoire des métiers (pour les artisans), au registre du commerce et des sociétés (pour les commerçants et les mandataires), à des registres professionnels (comme le registre des transporteurs) ou affiliée auprès des organismes sociaux en qualité de travailleur indépendant (cas notamment des professions libérales et des autoentrepreneurs ou microentrepreneurs). De même, l'article L. 8221-6-1 du code du travail, introduit par la loi du 4 août 2008 susmentionnée, dispose qu'est présumé travailleur indépendant celui dont les conditions de travail sont définies exclusivement par lui-même ou par le contrat les définissant avec son donneur d'ordre. Le code du travail, dès la création du statut d'auto-entrepreneur, a donc apporté la sécurité juridique nécessaire à l'exercice d'une activité sous ce nouveau statut, sans remettre en cause la frontière entre salariat et non-salariat. En effet, selon une jurisprudence abondante et constante de la Cour de cassation, l'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté des parties ni de la qualification donnée à la prestation effectuée mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur (Cour de cassation, assemblée plénière, arrêts n° 81-11.647 et 81-15.290 du 4 mars 1983, Barrat - Chambre criminelle, arrêt n° 84-95559 du 29 octobre 1985, Guegan). Est ainsi considéré comme travailleur salarié celui qui accomplit un travail pour un employeur dans un lien de subordination juridique permanente, défini comme « l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné » (Cour de cassation, Chambre sociale, arrêt n° 94-13187 du 13 novembre 1996, URSSAF c/Société générale). Les services de contrôle comme le juge, lorsqu'il est saisi, analysent de manière concrète la relation qui lie les parties selon la méthode dite du faisceau d'indices. Le fait de maquiller sciemment une relation salariale en contrat d'entreprise pour échapper à ses obligations d'employeur caractérise une infraction constitutive du délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, dans les conditions prévues par l'article L. 8221-5 du code du travail et passible de lourdes sanctions pénales, administratives et civiles. En conséquence, si des agents de contrôle de l'inspection du travail, ou des agents des organismes de protection sociale constatent qu'une entreprise donneuse d'ordre emploie des prestataires autoentrepreneurs ou microentrepreneurs de façon habituelle et régulière, dans le cadre de l'activité permanente et durable de l'entreprise, dans les mêmes conditions de fait que des salariés, ils peuvent relever par voie de procès-verbal une infraction de travail dissimulé par dissimulation de salariés sous couvert d'un faux statut de travailleur indépendant. Le Gouvernement est fortement mobilisé sur cette question. Ainsi, le plan national de lutte contre le travail illégal (PNLTI) 2019-2021, présenté le 8 juillet 2019 par la ministre du travail lors de la dernière Commission nationale de lutte contre le travail illégal (CNLTI) en présence notamment des partenaires sociaux, a retenu la lutte contre le recours aux faux travailleurs indépendants, et notamment aux faux autoentrepreneurs ou microentrepreneurs, comme l'un des objectifs prioritaires parmi ses grands axes. Le PNLTI 2019-2021 prévoit, en effet, de promouvoir le renforcement non seulement de l'information préalable sur le caractère illégal et les risques de toute pratique visant à dissimuler une relation salariale de subordination juridique sous la forme d'une relation commerciale d'externalisation ou de sous-traitance, mais également des contrôles effectués par les différents services compétents en matière de lutte contre le travail dissimulé et le travail illégal (Inspection du travail, URSSAF, Police, Gendarmerie, administration fiscale et Douanes) afin de vérifier le respect des règles de droit rappelées ci-dessus.

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