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Michel Larive
Question N° 26643 au Ministère de la culture


Question soumise le 18 février 2020

M. Michel Larive attire l'attention de M. le ministre de la culture sur le phénomène de restauration dite « abusive ». Au début des années 2000, le mouvement d'interventionnisme a fait émerger l'idée de « restauration esthétique », en opposition à la restauration purement conservative. Alors que ce phénomène reste désapprouvé par la plupart des conservateurs de musée, il semble pourtant se généraliser dans les approches contemporaines de la restauration-conservation. La restauration dite esthétique repose cependant sur des méthodes scientifiques et des objectifs qui sont parfois contestés. L'effet produit sur les peintures, notamment les peintures dites « picturales », se révèle parfois décevant aux yeux de nombreux spécialistes de l'art. L'exemple de la restauration du Bacchus de Léonard de Vinci est ainsi régulièrement cité. Le département restauration du C2RMF (Centre de recherche et de restauration des musées de France) semble reconnaître, dans son communiqué de presse d'octobre 2019 à propos de la rétrospective Léonard de Vinci au musée du Louvre, une différenciation entre des « interventions de conservation » qui assurent la pérennité des œuvres, et des interventions de « restauration à proprement parler » qui visent à améliorer leur état de présentation. Il découle de cette distinction une certaine inquiétude. Comment déterminer ce qui relève de la restauration « nécessaire » d'une part et ce qui relève de la restauration dite « esthétique » de l'autre ? De plus, les restaurations dites esthétiques répondent à une politique de l'offre, avec une logique d'appel d'offres, qu'il convient d'interroger. Car un tel désengagement de l'État constitue une véritable porte ouverte au règne du quantitatif, des logiques financières et du pouvoir des mécènes. Des associations attachées à la préservation des chefs-d’œuvre de l'art pictural ont témoigné à M. le député leur crainte de voir émerger des interventions de restauration abusives, à grands frais et irréversibles (par définition) sur le patrimoine sensible de l'humanité. Or M. le député considère que ce patrimoine est un bien commun et qu'il ne saurait être un gisement à exploiter. Il souhaite rappeler que le groupe de travail « Couleur, éthique et restauration numérique » du Centre français de la couleur (une association reconnue d'intérêt général) demande en vain depuis plusieurs décennies que des examens finaux soient effectués à l'issue des interventions effectués par le C2RMF (Centre de recherche et de restauration des musées de France) et par un organisme indépendant, le but étant de savoir si, effectivement, les restaurations sont bien évaluées avant, pendant et après les interventions. Ainsi, il lui demande un état des lieux de cette politique patrimoniale. Il souhaite s'assurer que le patrimoine n'est pas soumis à une forme d'intolérance esthétique contemporaine à l'égard des œuvres passées et de leurs styles propres. Il lui demande s'il ne serait pas souhaitable de mettre en place des dispositions allant dans le sens du devoir de précaution. Enfin, il souhaiterait savoir s'il serait possible d'évaluer à la fois l'impact des substances chimiques utilisées lors de la restauration-conservation et l'impact de leurs effets secondaires, matériellement, techniquement, scientifiquement après les restaurations.

Réponse émise le 7 décembre 2021

La distinction entre conservation curative et restauration est connue depuis longtemps, mais elle n'a été clairement formalisée qu'en 2008, lors de la 15e conférence de l'« International Council of Museums – Committee for Conservation ». La conservation curative désigne l'ensemble des actions directement entreprises sur un bien culturel ou un groupe de biens ayant pour objectif d'arrêter un processus actif de détérioration ou de les renforcer structurellement. Elles ne sont mises en œuvre que lorsque l'existence même des biens est menacée, à relativement court terme, par leur extrême fragilité ou la vitesse de leur détérioration et modifient parfois l'apparence des biens. Le terme de restauration désigne, quant à lui, l'ensemble des actions directement entreprises sur un bien culturel, singulier et en état stable, ayant pour objectif d'en améliorer l'appréciation, la compréhension, et l'usage. Ces interventions ne sont mises en œuvre que lorsque le bien a perdu une part de sa signification ou de sa fonction du fait de détériorations ou de remaniements passés. Elles se fondent sur le respect des matériaux originaux. Le plus souvent, de telles actions modifient l'apparence du bien. En France, toutes les opérations de conservation et de restauration sont encadrées et soumises au contrôle scientifique et technique des services de l'État dans tous les domaines couverts par le code du patrimoine. Les restaurateurs du patrimoine, diplômés d'un master 2 en conservation restauration, opèrent selon une charte de déontologie. Ils ne travaillent pas seuls et sont systématiquement en dialogue avec les conservateurs et les attachés de conservation, responsables des œuvres, et avec les scientifiques qui réalisent des analyses. Ils peuvent bénéficier en outre d'un apport scientifique important (imageries UV et IR, radiographies, tomographie en cohérence optique…). Des comités scientifiques, incluant des spécialistes internationaux, sont régulièrement organisés pour le suivi des restaurations des œuvres les plus prestigieuses ou les plus complexes, afin de croiser les approches et les regards. Enfin, sur l'ensemble du territoire national, les commissions scientifiques régionales de restauration, organisées par les directions régionales des affaires culturelles, au sein desquelles siège systématiquement un représentant du centre de recherche et de restauration des musées de France, étudient et valident en amont et de façon collégiale tout projet de restauration des collections des musées de France.

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