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Bruno Duvergé
Question N° 2719 au Ministère de l'enseignement supérieur


Question soumise le 7 novembre 2017

M. Bruno Duvergé attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation sur le rôle et la situation de la France en matière de géodésie. Alors que la France disposait d'infrastructures géodésiques depuis les campagnes menées sous l'égide de l'Académie des sciences au XVIIIe siècle, au temps où il s'agissait d'établir par des méthodes nouvelles les dimensions de la planète, les acteurs de ce domaine s'alarment du retard que prend la France en termes d'investissement et de recherche dans les nouvelles technologies liées à la « mesure du monde », telle que la télémétrie laser. Désormais, en matière de géodésie spatiale, il est question de précision centimétrique voire millimétrique, et les enjeux liés à la détermination des références d'espace et de temps touchent un champ d'applications extrêmement large, comme, par exemple, tous les secteurs économiques et tous les champs de la connaissance concernés par le programme Galileo. La nécessaire participation de la France à des réseaux d'observation mondiaux reposant sur des structures variées comme des EPIC, des EPA ou des établissements à pure vocation de recherche fondamentale, semble aujourd'hui compromise par la faiblesse des moyens financiers et humains dont ces structures disposent désormais. Cette situation fait prendre du retard à certaines communautés scientifiques (chercheurs, ingénieurs), et aux applications qui en découlent, à la plus-value pourtant potentiellement extraordinaire : débris spatiaux, télécommunications à haut débit etc. Par ailleurs, les applications sociétales de la détermination des références spatio-temporelles n'est plus à démontrer (ainsi de leurs larges contributions à la prise de conscience des conséquences du changement climatique par la mesure des variations du niveau moyen des mers). Il semble que le financement en « mode projet » de la participation française à ces réseaux internationaux n'est apparemment pas adapté à toutes les situations. En effet, alors que la France finance pourtant, quasiment à elle seule, certains de ces réseaux mondiaux, ce mode de financement freine la mise à niveau de certaines infrastructures, bloque certaines énergies et le développement de certaines applications. Aujourd'hui, concrètement, cela risque de mettre en péril dans un avenir proche certaines des réalisations pour lesquelles la France est encore leader (citons la réalisation, en France, du système terrestre international de référence). Il apparaît qu'une volonté politique coordonnée à haut niveau est indispensable pour préparer l'avenir dans ce secteur, et maintenir la visibilité et la crédibilité de la France au niveau international dans ces domaines, ainsi que le recommandent d'ailleurs divers documents, dont des livres blancs rédigés aux niveau national et international au cours des dernières années. C'est la raison pour laquelle il lui demande de bien vouloir lui faire part des ambitions du Gouvernement dans ce domaine et, notamment, de la manière dont celui-ci entend procéder pour que la France, à la pointe de tout ce qui se faisait encore au niveau mondial il y a encore une dizaine d'années dans ce secteur, puisse rattraper un retard de plus en plus difficile à combler.

Réponse émise le 30 janvier 2018

La France a une longue tradition géodésique, depuis le 17ème siècle, à laquelle les autorités du pays ont largement contribué au cours des siècles et notamment depuis le début de l'ère spatiale. Les équipements et infrastructures nécessaires à dimensionner la Terre et à positionner précisément (au centimètre près actuellement) les orbites des satellites artificiels sont devenus indispensables tant au niveau scientifique, pour mesurer et comprendre certains phénomènes physiques (par exemple les mouvements tectoniques), qu'au niveau sociétal pour nombre d'applications requérant une métrologie précise de l'espace et/ou du temps. La surveillance de l'environnement terrestre, l'observation et la mesure globales, homogènes et continues de ses variations sur le très long terme sont désormais devenues une ardente obligation, exprimée notamment dans le cadre de la récente COP 21. La France à travers le CNES, l'ESA et de nombreuses coopérations internationales, participe de manière très importante à toutes ces missions de suivi de l'environnement terrestre océanographie, cryosphère, météorologie, climatologie, biosphère… Dans ce contexte, la France intervient à plusieurs niveaux : - Elle investit dans le développement des techniques géodésiques (ex. : système DORIS, télémétrie laser). - Elle met en place les équipements et le réseau de balises DORIS (CNES-IGN) et le réseau REGINA (CNES) d'une trentaine de récepteurs GNSS (Global Navigation Satellite System). - Elle maintient et opère deux observatoires géodésiques fondamentaux gérés par l'Observatoire de la Côte d'Azur (à Calern) et par l'Université de Polynésie Française (à Tahiti) avec l'appui des organismes (CNRS-INSU, CNES, IGN), et en coopération avec la NASA à Tahiti. - Elle s'investit par ses chercheurs du GRGS (Groupement de Recherche en Géodésie Spatiale) qui, sous l'égide de l'International Association of Geodesy, traitent les données de géodésie spatiale pour fournir à tout public les produits officiels de la rotation de la Terre et des systèmes de références spatio-temporels, et maintient à cet effet les bases de données nécessaires. - Elle contribue à l'amélioration de l'instrumentation ainsi que des procédures de traitement pour apporter une précision accrue aux produits. Envergure et collaboration Internationale : Les activités d'analyse des diverses données SLR (Satellite Laser Ranging), GNSS, DORIS, VLBI (Very Large base Interferometry) sont maintenant organisées dans de grands services internationaux sous l'égide des unions internationales, UAI (Union Astronomique Internationale) et UGGI (Union Géodésique et Géophysique Internationale). Les objectifs de ces grands services sont avant tout de fournir un support à la recherche dans divers domaines comme l'astronomie, la géodésie et la géophysique, et de promouvoir les activités de recherche et de développement au sein de ces techniques. La diffusion des produits finaux est assurée dans la plupart des cas par l'IERS (International Earth Rotation and Reference Systems Service), dans lequel les équipes françaises sont très impliquées ; aussi bien sur les systèmes de référence terrestre et céleste que sur le lien entre les deux qui est la rotation de la Terre (Earth Rotation Parameters, ERP et nutation). Politique scientifique nationale et organismes impliqués : Le CNRS, et plus particulièrement son Institut national des Sciences de l'Univers, les Observatoires des Sciences de l'Univers, les organismes nationaux tels le CNES et l'IGN jouent un rôle majeur et essentiel en France pour assurer la continuité et la pérennité des mesures en matière d'observation et de surveillance de la Terre et de l'univers. Cette politique de recherche nationale est inscrite dans la Stratégie Nationale de Recherche publiée en 2015 au travers du défi 1 « Gestion sobre des ressources et adaptation au changement climatique (orientation 1 suivi intelligent du système Terre) » et du programme d'action dédié « Système Terre : observation, prévision,  adaptation », ainsi que du défi 9 « Une ambition spatiale pour l'Europe ». Les moyens spatiaux sont en France et en Europe sous la responsabilité technique du CNES et de l'ESA, il importe qu'une coordination d'ensemble soit maintenue entre tous ces organismes sur le très long terme. Cette coordination doit aussi faire intervenir les différents organismes nationaux responsables des applications sociétales fondées sur les observations de la Terre comme Météo France, le CNES, le SHOM, l'IFREMER, l'IGN et l'IRD. Dans le paysage national, les acteurs en « amont », sont, l'International GNSS Service au CNES et à CLS (filiale du CNES), le centre de l'International Laser Ranging Service à l'Observatoire de la Côte d'Azur, deux centres de l'International Doris Service DORIS au CNES, à CLS et à l'IGN, le centre d'analyse opérationnel de l'International VLBI Service à l'Observatoire de Paris et le centre d'analyse « spécialisé » de ce même service international à l'Observatoire de Bordeaux. En « aval », se trouvent le centre de production officiel des paramètres d'orientation de la Terre : Centre de Convention de l'International Earth Rotation and Reference Systems Service (IERS) au département Syrte de l'Observatoire de Paris, le centre de production de l'International Celestial Reference Frame à l'Observatoire de Paris, le centre de production de l'International Terrestrial Reference Frame à l'IGN et le Bureau Gravimétrique International (BGI) à l'Observatoire Midi-Pyrénées. La métrologie de l'espace et du temps s'appuie sur deux aspects principaux qui sont : - l'élaboration des systèmes de référence (au sens large avec : les repères, l'altimétrie des océans, la rotation de la Terre et le champ de gravité terrestre) en interconnexion terrestre / céleste, indispensable aux missions d'astronomie et en relation forte avec les secteurs de la géophysique et de l'océanographie ; - le temps-fréquence : maintien et stabilité des échelles de temps, qui est essentiel pour les missions spatiales, dont le GNSS, qu'elles soient en orbite terrestre ou en trajectoire interplanétaire, en relation avec la physique fondamentale. Dans ces domaines, les chercheurs du CNAP (Corps National des Astronomes et Physiciens) ont une forte implication au titre de leurs activités de service car le maintien des références et des échelles de temps (nationales et internationales) s'appuie sur des réseaux internationaux dont la responsabilité incombe bien souvent à des instituts français (e.g. ITRF à l'IGN, centres des paramètres d'orientation de la Terre et ICRF à l'Observatoire de Paris). En outre, l'apport scientifique des groupes du CNES, du CNRS, de l'IGN et du SHOM est aussi très important puisque les programmes d'observations et campagnes étant décidés au plan national, il est nécessaire de coordonner les équipes tant au plan des observations et des campagnes au sol qu'au plan du traitement des données spatiales. L'Observatoire Géodésique fondamental de Tahiti : L'Observatoire Géodésique de Tahiti (OGT) a été fondé en 1997 par le professeur Alain Bonneville de l'Université de la Polynésie française (UPF) avec l'aide du CNES et du CNRS ainsi qu'avec le support du GRGS. L'OGT est une structure isolée, avec peu de moyens humains, et non adossée à une structure locale plus large de type OSU (Observatoire des Sciences de l'Univers). Il est régi par une Convention entre la NASA, le CNES et l'Université de la Polynésie française concernant la gestion de la station laser, et ne dispose, d'un point de vue national, que d'une seule labellisation par le ministère en charge de la recherche comme « Fédération de Recherche » (FED). L'OGT a fonctionné de 1997 à 2011 sous un double chapeau : celui de la Convention CNES-NASA-UPF et celui d'un plan pluri-formation (PPF) reconnu par le ministère en charge de la recherche. En janvier 2012, l'Université de la Polynésie française a redémarré pour un nouveau contrat quinquennal (2012-2016). D'autre part, l'autonomie financière de l'UPF (la dernière université française à passer à ce régime) a été effective au 1er janvier 2013. Deux techniciens de l'OGT ont leurs salaires directement payés par l'UPF et un technicien a son salaire financé par le CNES. En 2014, il a été labellisé par l'Institut National des Sciences de l'Univers du CNRS en tant que site instrumenté, pour lui donner une meilleure visibilité à la fois nationale et internationale. Le GRGS propose une évolution de l'OGT qui est plébiscitée par la communauté géodésique internationale et appuyée par la NASA. Ce projet émane du constat de manque d'infrastructure VLBI (interférométrie à très longue base) dans le Pacifique sud et des considérations des instances géodésiques internationales, des agences spatiales et des centres de recherche scientifique, de l'ONU pour combler ce manque. Un projet d'observatoire géodésique fondamental à Tahiti est en cours d'élaboration et de structuration.

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