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Bérengère Poletti
Question N° 27242 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 10 mars 2020

Mme Bérengère Poletti attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les attentes du monde agricole concernant la résolution de la crise du lait. Les deux décennies qui viennent de s'écouler ont été celles d'une transformation en profondeur de l'activité agricole avec l'accroissement de la productivité, la mise en place de normes et de standards de qualité, la concentration des exploitations. La suppression des quotas et la réforme voire l'abandon de la PAC constituent une nouvelle étape qui pose une réelle question sur l'avenir de l'agriculture française comme européenne et plus particulièrement sur celui des producteurs de lait. Dans le contexte de la mondialisation, la crise financière récente rappelle que la libéralisation doit être accompagnée par des mesures de réglementation très strictes pour en éviter les effets pervers et les conséquences excessives. La libéralisation du marché agricole prônée par l'Union européenne n'échappe pas à cette règle. Avec ce système, un retour aux pires moments des crises agricoles ne serait pas exclu avec des alternatives entre périodes de surplus et de pénuries difficilement envisageables pour un produit frais et rapidement périssable tel que le lait. La libéralisation non réglementée du lait amènera immanquablement l'ensemble des exploitations européennes à se restructurer au sein de fermes géantes telles qu'elles existent au Danemark ou aux Pays-Bas. Des fermes qui transforment indéniablement les paysages et les rapports entre les hommes et la nature. D'ores et déjà, les producteurs sont livrés, pieds et mains liés aux industriels qu'ils soient privés ou coopératifs. L'organisation actuelle des producteurs est atomisée, de ce fait les producteurs sont condamnés à se faire intégrer verticalement dans de grands groupes industriels qui englobent les filières de bout en bout et qui dictent leurs conditions. Les derniers chiffres d'Eurostat portant sur le coût de production et le prix du lait montrent que parmi les six plus grands producteurs de laits européens, la France est le pays où l'écart entre ces deux indices est le plus important (24 %). Face à cette situation de plus en plus intenable pour les producteurs du lait, elle lui demande dans un premier temps quelles mesures le Gouvernement entend mettre en œuvre afin de leur permettre d'avoir une influence sur la formation du prix du lait, puis dans un second temps elle le prie de lui expliquer de quelle façon la France prévoit d'agir sur la régulation de l'offre au niveau national et européen.

Réponse émise le 15 septembre 2020

La filière laitière française et européenne a connu de grandes évolutions ces dernières années et deux crises majeures, en 2009 puis en 2015-2016 suite à l'arrêt du dispositif des quotas laitiers le 31 mars 2015. Pour accompagner la sortie des quotas laitiers, l'organisation commune des marchés des produits agricoles, qui encadre les mesures de marché prévues au sein de la politique agricole commune (PAC), a renforcé pour les acteurs des filières les outils pour s'adapter à ce nouveau contexte et accroître leur organisation et leur durabilité économique : outils de structuration économique des producteurs à travers des organisations de producteurs reconnues pouvant, dans certains secteurs comme le lait, négocier au nom de leurs membres des contrats écrits avec les acheteurs, reconnaissance au niveau européen et renforcement du rôle des organisations interprofessionnelles, renforcement des outils de contractualisation écrite. Par ailleurs, la PAC apporte des soutiens importants aux agriculteurs, notamment aux éleveurs. Il s'agit, en particulier, des droits à paiement de base (DPB) et du paiement redistributif, payé en complément des DPB dans la limite de 52 hectares par exploitation et qui permet de valoriser les productions à forte valeur ajoutée ou génératrices d'emploi, de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels pour soutenir les agriculteurs installés dans des territoires où les conditions de productions sont plus difficiles qu'ailleurs ou des aides couplées notamment pour les éleveurs de bovins laitiers en zones de montagne et hors zones de montagne. Par ailleurs, une politique d'appui à l'installation forte vise à faciliter le renouvellement des générations, notamment au travers du versement de la dotation jeunes agriculteurs. La PAC est une priorité française et la France portait une position ambitieuse sur le budget de la PAC dans les négociations sur le futur cadre financier pluriannuel (CFP) de l'Union européenne. L'accord auquel sont parvenus, le 21 juillet 2020, les chefs d'État et de Gouvernement sur le futur CFP européen 2021-2027 et sur le plan de relance consacre un budget ambitieux qui ouvre la voie à une plus grande intégration européenne. Grâce à la mobilisation de la France, le budget de la PAC augmente de près de 6 milliards d'euros par rapport à la période actuelle et de près de 22 milliards d'euros par rapport à la proposition de la précédente Commission de mai 2018. Les paiements directs qui assurent le premier filet de sécurité pour le revenu des exploitations agricoles sont renforcés par rapport aux propositions initiales de la Commission. L'enveloppe allouée à la France est maintenue à hauteur de 62,4 milliards d'euros et l'enveloppe allouée au développement rural est en particulier revalorisée de plus de 1,5 milliards d'euros sur la période. Cet accord obtenu permettra que cette politique relève avec succès les défis économiques, sanitaires et environnementaux qui se posent à l'agriculture française. Depuis 2015, en France, les dispositions législatives et réglementaires concernant l'organisation économique des filières ont évolué de façon importante. La loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable (loi dite EGALIM) a été promulguée le 1er novembre 2018. Les dispositions de la loi EGALIM et de ses ordonnances doivent permettre de rééquilibrer le rapport de force et de mieux répartir la valeur ajoutée tout au long de la filière et en particulier pour le producteur. La contractualisation écrite est obligatoire pour le secteur du lait de vache depuis 2011, une mise à jour du décret rendant la contractualisation obligatoire est prévue dans les mois à venir pour une meilleure cohérence avec cette nouvelle loi. Avec les dispositions de la loi EGALIM, il revient désormais au producteur ou à son organisation de producteurs de faire une proposition de contrat et donc une proposition de prix ou de formule de prix à son acheteur. La proposition doit obligatoirement prendre en compte des indicateurs de coûts de production et de leur évolution, ainsi que des indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires sur les marchés sur lesquels opère l'acheteur. La proposition de contrat devient ainsi le socle de la négociation et doit être annexée au contrat signé. Toute réserve de l'acheteur sur cette proposition doit être motivée. Le principe dit de « la cascade », qui permet que tout au long de la chaîne d'approvisionnement les contrats avals indiquent les indicateurs prévus au contrat amont ou, lorsque les indicateurs ne sont pas indiqués dans le contrat amont, les indicateurs des prix des produits agricoles concernés, renforce par ailleurs la responsabilisation tout au long de la filière s'agissant du prix payé à la production agricole. En décembre 2019, le centre national interprofessionnel de l'économie laitière, l'interprofession laitière nationale, a publié un tableau de bord d'indicateurs économiques de référence pour l'ensemble de la filière. Ce tableau de bord doit permettre à chacun de disposer d'informations économiques fiables et communes et de créer des conditions de négociations commerciales plus transparentes, réactives et source d'équité entre les acteurs. Par ailleurs, le dispositif d'interdiction de cession à un prix abusivement bas a été étendu par ordonnance à l'ensemble des produits agricoles et des denrées alimentaires afin de dissuader les acheteurs d'acquérir des produits à un prix qui ne permet pas à l'amont d'en tirer un revenu équitable, et ce, indépendamment des situations de crise conjoncturelle, et en tenant compte des indicateurs de coûts de production. Depuis 2019, les dispositions de la loi EGALIM commencent à être mises en œuvre et ont permis des améliorations sur le prix du lait payé aux producteurs en 2019. Ces améliorations doivent se poursuivre. Enfin, dans le cadre du plan d'urgence sanitaire lié à la pandémie du covid-19, le Gouvernement a pris des mesures qui peuvent bénéficier à l'ensemble des entreprises qui respectent les critères d'éligibilité définis, dont celles de la filière laitière, en particulier les mesures fiscales et sociales, les garanties de prêts et celles relatives à l'emploi, qui ont pour objet d'apporter de la trésorerie aux entreprises et de faciliter le recours au chômage partiel si nécessaire. Par ailleurs, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a porté et obtenu au plan européen la nécessité que des mesures rapides et adaptées à chaque filière soient activées, en particulier des mesures de gestion des marchés laitiers de la PAC prévues par le règlement (UE) n° 1308/2013 relatif à l'organisation commune des marchés agricoles.

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