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Jean-Michel Mis
Question N° 27289 au Ministère de l’économie


Question soumise le 10 mars 2020

M. Jean-Michel Mis attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur le démarchage à domicile en matière de fourniture de gaz et d'électricité. En 2019, 61 % des ménages déclaraient avoir été sollicités pour la souscription d'une offre de fourniture d'électricité ou de gaz naturel. Parmi eux, 29 % avaient été démarchés à leur domicile. Les pratiques de démarchage en matière de fourniture de gaz et d'électricité touchent tout particulièrement les consommateurs les plus vulnérables. Ces pratiques risquent de s'intensifier dans le contexte de la fin des tarifs réglementés de vente de gaz, qui doit intervenir en 2023. De nombreux consommateurs abusés se plaignent en général que leur accord n'a pas été réellement exprimé. En outre, lorsque les démarcheurs incitent les consommateurs à demander le commencement de l'exécution du contrat avant la fin du délai de rétractation, le changement de fournisseur se fait sans délai. Les consommateurs abusés rencontrent alors des difficultés pour obtenir le rétablissement du contrat dont ils étaient préalablement titulaires, notamment lorsqu'il s'agit d'un contrat de fourniture aux tarifs réglementés de vente. Selon le médiateur national de l'énergie, la mesure la plus efficace pour protéger les consommateurs serait l'interdiction totale du démarchage à domicile dans le domaine de la fourniture d'électricité et de gaz, au moins pendant la période la plus sensible qui est celle, qui arrive, de la fin des tarifs réglementés de vente de gaz. Il lui demande en conséquence de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'il compte prendre afin de renforcer la protection des consommateurs et d'éviter qu'ils ne se retrouvent engagés contre leur gré avec un autre fournisseur que celui qu'ils souhaitent.

Réponse émise le 26 janvier 2021

Dans le contexte de l'ouverture à la concurrence des marchés de l'énergie, le démarchage constitue un canal de prospection commerciale qui apparait utile pour que les consommateurs aient un accès rapide à l'information et puissent faire jouer la concurrence au bénéfice du meilleur tarif. En effet, la loi Energie et Climat du 8 novembre 2019, transposant le cadre juridique européen relatif aux marchés de l'énergie, met fin aux tarifs réglementés de vente du gaz naturel à l'horizon 2023. Par conséquent, 3,8 millions de consommateurs résidentiels vont devoir quitter leur contrat aux tarifs réglementés de vente avant le 30 juin 2023. Dans ce contexte il est nécessaire que les fournisseurs alternatifs soient en mesure de démarcher commercialement les clients souscrivant actuellement un contrat aux tarifs réglementés pour leur proposer des offres de marché compétitives. C'est la raison pour laquelle la loi Energie et Climat impose aux fournisseurs historiques de gaz naturel de partager leurs fichiers de clients avec les fournisseurs alternatifs. Dans ces conditions, une mesure d'interdiction totale du démarchage à domicile risquerait de freiner le développement d'offres alternatives à celles des fournisseurs historiques. Toutefois, il est indispensable que les consommateurs bénéficient d'un cadre protecteur. Les règles en vigueur en matière de démarchage visent ainsi à offrir aux consommateurs un haut niveau de protection. Le code de la consommation prévoit notamment que le professionnel doit fournir au consommateur, sur un support durable, la liste des informations précontractuelles obligatoires (caractéristiques du service, prix, possibilité de recourir au médiateur national de l'énergie (MNE), etc.), un exemplaire daté du contrat confirmant l'engagement exprès des parties ainsi qu'un formulaire type de rétractation. Le consommateur bénéficie en effet dans le cadre de la vente hors établissement d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation sans avoir à motiver sa décision et n'est redevable que des montants correspondant au service fourni jusqu'à la communication de sa décision de se rétracter. De façon plus générale, le code de la consommation protège les consommateurs contre toute pratique commerciale déloyale susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur, notamment les pratiques commerciales trompeuses. Il existe donc un cadre juridique complet, qui permet d'appréhender les abus en matière de démarchage. En tout état de cause, il convient de noter que le cadre juridique relatif à la protection des consommateurs constitue un droit harmonisé au niveau européen par la directive UE n° 2011/83 du 25 octobre 2011 relative à la protection des consommateurs. Par conséquent, les États-membres ne peuvent pas adopter des mesures plus restrictives que celles prévues par le droit européen. En particulier, cette directive ne permet pas aux États-membres d'adopter des mesures interdisant de fait la conclusion d'un contrat au domicile d'un consommateur. De même, il ne permet pas d'envisager des mesures telles qu'une interdiction de recueillir la signature des consommateurs sur les lieux du démarchage, ou une interdiction du changement de fournisseur avant l'expiration du délai de rétractation du consommateur. Par ailleurs, notre droit prévoit déjà la nullité absolue de tout contrat de fourniture d'électricité ou de gaz qui aurait été souscrit sans respecter le formalisme contractuel prévu pour les contrats conclus hors établissement (code de la consommation article L. 242-1). Enfin, le retrait de l'autorisation de fourniture comme mode de sanction des démarchages abusifs paraît devoir être expertisé au regard du principe constitutionnel de proportionnalité. Sous réserve de ces remarques, dans le cadre de la transposition de la directive (UE) 2019/2161 prévue par la loi DDADUE du 3 décembre 2020, une concertation sera réalisée par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et couvrira la possibilité de predre certaines mesures pour mieux encadrer le démarchage à domicile. Cette analyse a été communiquée au MNE avec lequel la DGCCRF agit en étroite collaboration afin de lutter contre les abus en matière de démarchage, à domicile comme téléphonique, dans le secteur de l'énergie, tant sur le volet répressif que sur le volet normatif. S'agissant du volet répressif, les services du MNE transmettent systématiquement à la DGCCRF les plaintes de consommateurs qui relèvent de ses missions de contrôle. Ce contrôle régulier des pratiques des fournisseurs d'énergie se fait notamment au travers d'enquêtes diligentées spécifiquement sur la problématique du démarchage. Les services de la DGCCRF du département des Hauts-de-Seine (92) ont ainsi prononcé ces dernières années plusieurs sanctions administratives à l'encontre de fournisseurs de gaz et d'électricités pour des pratiques de démarchage abusives. Par ailleurs, la plupart des fournisseurs d'électricité et de gaz naturel font appel à des sociétés prestataires spécialisées en démarchage à domicile avec lesquelles elles signent des contrats de partenariat. Une enquête est donc en cours afin de déterminer le degré d'implication des fournisseurs d'énergie dans les pratiques déloyales de leurs prestataires de démarchage commercial, afin de déterminer notamment si les fournisseurs d'énergie ont un degré de responsabilité dans les pratiques abusives constatées chez certains de ces partenaires. Les actions de contrôles de la DGCCRF ont amené les fournisseurs d'énergie à développer des procédures de suivi de la qualité des pratiques de démarchage de leurs prestataires, comme, par exemple, l'appel systématique, par des conseillers de clientèle, des clients ayant souscrit un contrat dans le cadre d'un démarchage à domicile. Ces appels ont pour but de contrôler la loyauté du message délivré par le démarcheur et la bonne compréhension par le client de la portée de son engagement. Ces procédures peuvent donner lieu à l'invalidation des contrats conclus dans des conditions déloyales, voire la rupture des partenariats avec certains sous-traitants.

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