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Raphaël Gérard
Question N° 27356 au Ministère de l’éducation nationale


Question soumise le 10 mars 2020

M. Raphaël Gérard attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur les enjeux de codification de la notion de « langues régionales », considérant la reconnaissance hétérogène des langues vernaculaires ultramarines au sein du code de l'éducation. Lors des questions au gouvernement, le 13 février 2018, en réponse à la question du député Mansour Kamardine au sujet de l'enseignement du shibushi et du shimaoré à Mayotte, M. le ministre a rappelé que, dans les académies d'outre-mer, les enseignants pouvaient mettre en place des approches pédagogiques spécifiques dans l'enseignement de l'expression orale ou écrite et de la lecture. Sur cette base, le vice-rectorat a mis en place deux dispositifs : « plurilinguisme » et « éveil aux langues », expérimentés dans les écoles maternelles en vue de favoriser pour les élèves mahorais l'apprentissage du français grâce à la structuration de la langue maternelle des enfants. Pour autant, l'alinéa 3 de l'article L. 321-4 du code de l'éducation exclut de son champ le territoire mahorais puisqu'il fait précisément référence aux « élèves issus de milieux principalement créolophone ou amérindien. » De même, M. le député formule des interrogations sur le champ d'application de l'article L. 312-11 du code de l'éducation en outre-mer. Si cette disposition présente un intérêt prégnant dans la différenciation des politiques éducatives et la bonne prise en compte des enjeux plurilingues dans les territoires ultramarins, en permettant aux enseignants des premier et second degrés de recourir aux langues régionales dès lors qu'ils en tirent profit pour leur enseignement, le renvoi à la notion de « langues régionales » soulève quelques difficultés. En effet, la circulaire n° 2017-072 du 12 avril 2017 relative à l'enseignement des langues et cultures régionales, qui codifie le champ de la notion de langues régionales au sens du code de l'éducation, précise que l'article L. 312-10 du code de l'éducation s'applique au basque, au breton, au catalan, au corse, au créole, au gallo, à l'occitan-langue d'oc, aux langues régionales d'Alsace, aux langues régionales des pays mosellans, au tahitien, aux langues mélanésiennes (drehu, nengone, païci, aïje) ainsi qu'au wallisien et au futunien. Ce faisant, elle exclut de son champ les langues amérindiennes et mahoraises, posant la question de l'applicabilité du dispositif dans l'ouest guyanais ou à Mayotte. Or, le shimaoré est parlé par 71 % de la population, et le shibushi, variante du malgache sakalave, par 22 % des Mahorais. Dans ce cadre, il lui demande si elle compte apporter des clarifications d'ordre légistique et rédactionnel en vue d'inclure le territoire de Mayotte dans le champ d'application des articles L. 321-4 et 312-11 du code de l'éducation et de garantir la sécurité juridique des dispositifs pédagogiques qui y sont expérimentés.

Réponse émise le 6 avril 2021

Le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports est attaché à la préservation et à la transmission des diverses formes du patrimoine linguistique et culturel des régions françaises, et la situation de l'enseignement des langues régionales fait l'objet de la plus grande attention dans les académies et territoires concernés. Par la circulaire n° 2017-072 du 12 avril 2017, le ministère a rappelé d'une part son attachement à la préservation et à la transmission des diverses formes du patrimoine linguistique et culturel des régions françaises, et d'autre part le cadre du développement progressif de l'enseignement des langues et cultures régionales. Ladite circulaire contient en outre la liste des langues vivantes qui font l'objet d'un enseignement de langue et culture régionales de l'école primaire au lycée. Pour l'outre-mer, cinq langues ou familles de langues sont concernées : le créole, le tahitien, les langues mélanésiennes (drehu, nengone, païci, aïje), le wallisien et le futunien. La mise en place de l'enseignement d'une langue vivante comme le shimaoré ou le kibushi demande un temps d'analyse et d'étude au regard de plusieurs critères, comme la disponibilité de ressources scientifiques, didactiques et pédagogiques et de professeurs formés, ainsi que l'existence d'un corpus littéraire écrit suffisant et varié. Le ministère doit également assurer la continuité pédagogique de cet enseignement et suivre ses élèves sur l'ensemble de leur parcours scolaire, ce qui a des incidences budgétaires importantes qu'il s'agit d'évaluer. De plus, le cadre légal ne permet pour l'instant pas une telle mesure : l'article L. 372-1 du code de l'éducation précise en effet que l'article L. 312-10 du même code portant sur les langues régionales n'est pas applicable à Mayotte. Pour autant, les langues de Mayotte sont prises en compte dès l'école maternelle avec la mise en place de dispositifs permettant la structuration de la langue maternelle des enfants, que ce soit le shimaoré ou le kibushi, et l'introduction progressive de la langue française dans les apprentissages. En effet, l'article L. 321-4 du code de l'éducation prévoit que « dans les académies d'outre-mer, des approches pédagogiques spécifiques sont prévues dans l'enseignement de l'expression orale ou écrite et de la lecture au profit des élèves issus de milieux principalement créolophone ou amérindien », principalement n'étant pas exclusivement. Les membres des équipes éducatives sont encouragés à s'appuyer sur la langue maternelle des élèves et sur les compétences linguistiques acquises par les jeunes enfants dans la maîtrise de cette langue pour favoriser leur apprentissage du français. C'est particulièrement le cas à Mayotte, où le vice-rectorat a mis en place des dispositifs spécifiques. Ainsi, le dispositif « Plurilinguisme » expérimenté à l'école maternelle depuis 2015 permet la structuration de la langue maternelle des enfants, que ce soit le shimaoré ou le kibushi, et l'introduction progressive de la langue française. Au fil des trois années, de la petite section à la grande section, la place faite au français augmente progressivement pour préparer les enfants à une scolarisation entièrement en français à partir du cours préparatoire et à l'apprentissage de la lecture et de l'écriture en français. En outre, afin de donner des repères partagés et de faciliter l'intégration de l'école dans le quotidien, les parents sont encouragés à visiter la classe et à y intervenir. Un autre dispositif, appelé « Éveil aux langues », permet aux élèves de maternelle la mise en contact avec des corpus oraux et écrits dans différentes langues. Plusieurs actions sont déclinées (formation des professeurs des écoles, élaboration d'une mallette, évaluation des progrès des élèves). Il ne s'agit pas de l'enseignement d'une langue particulière, mais de la découverte, par des activités qui sensibilisent les élèves avec des corpus oraux et écrits dans différentes langues, de la diversité des langues du monde : langues de tous pays, variétés linguistiques de tout statut présentes dans l'environnement, langues d'origine, dont le shimaoré et le kibushi. Ce dispositif s'inscrit pleinement dans le cadre de la recommandation pédagogique parue au BOEN n° 22 du 29 mai 2019 pour la sensibilisation des élèves de maternelle à la diversité linguistique. Le rectorat encourage en parallèle le développement d'outils pédagogiques : un imagier plurilingue multimédia, construit par des enseignants, est ainsi mis à la disposition des écoles. Enfin, l'accent est mis sur la formation des personnels enseignants. Dans le second degré, des formations ont été mises en place pour aider les enseignants locuteurs natifs à utiliser les deux langues vernaculaires au service de l'acquisition des compétences du socle commun, conformément aux termes de l'article L. 312-11 du code de l'éducation, qui dispose que les enseignants peuvent « recourir aux langues régionales, dès lors qu'ils en tirent profit pour leur enseignement » et « s'appuyer sur des éléments de la culture régionale pour favoriser l'acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture et des programmes scolaires ». Ce recours au shimaoré et au kibushi est alors un moyen qui permet d'aider les élèves à dépasser d'éventuelles inhibitions et à rester engagés dans les apprentissages. Le contexte plurilingue de Mayotte et les langues shimaoré et kibushi sont donc bien reconnus, pris en compte et valorisés par l'éducation nationale afin de favoriser la réussite de tous les élèves scolarisés dans ce département.

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