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Bérengère Poletti
Question N° 27596 au Ministère de l’europe


Question soumise le 17 mars 2020

Mme Bérengère Poletti interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la coopération antiterroriste. Alors que Daech dispose toujours d'un trésor de guerre estimé entre 30 et 45 millions de dollars selon un rapport onusien, alors que les djihadistes africains se financeraient par le trafic de faux médicaments, alors que la Russie arme les forces aériennes maliennes et alors que le secrétaire d'État américain a exprimé sa volonté de développer de nouveaux accords de coopération antiterroriste avec le Maroc, elle souhaiterait connaître les intentions de la France pour continuer d'assurer une lutte efficace contre le terrorisme et les perspectives européennes en matière sécuritaire à l'heure du Brexit.

Réponse émise le 1er décembre 2020

Réponse La conduite d'une lutte déterminée contre la menace que font peser les groupes terroristes, au premier rang desquels Daech et al-Qaeda, sur la sécurité internationale constitue une priorité pour la politique étrangère de la France. Cette priorité se traduit par une mobilisation constante sur l'ensemble des dimensions de la lutte contre le terrorisme. En matière militaire, la France est pleinement engagée au Levant dans le cadre de la Coalition internationale contre Daech dont l'action a permis de libérer l'ensemble des territoires contrôlés par l'organisation terroriste. Mais malgré les succès indéniables qu'ont représentés la reprise de Baghouz en mars 2019, marquant ainsi la fin du califat auto-proclamé sur un plan territorial, et la neutralisation d'Abou Bakr al-Baghdadi en octobre 2019, la menace posée par Daech reste réelle, et s'est même accrue dans le contexte de la pandémie de Covid-19. Consciente des enjeux et de la nécessité de ne pas sacrifier les succès douloureusement acquis au cours de ces dernières années, la France entend donc continuer à se mobiliser pour assurer la pérennité des activités de la Coalition internationale au Levant, dans le plein respect de la souveraineté irakienne. La France est également le pays le plus engagé aux côtés de ses partenaires sahéliens dans la lutte contre les groupes terroristes armés qui font peser une menace majeure sur la stabilité de l'ensemble de la région. Cet engagement militaire, au travers de l'opération Barkhane, a permis depuis le début de l'année d'obtenir des résultats importants contre l'État islamique au Grand Sahara, filière locale de Daech, notamment dans la région du Liptako. Les efforts se sont également concentrés sur la lutte contre les groupes qaedistes sahéliens, le Rassemblement pour la Victoire de l'Islam et des Musulmans, et al-Qaeda au Maghreb islamique dont le leader, Abdelmalek Droukdel, a été neutralisé en juin 2020, à l'issue d'une opération conduite par les troupes françaises. Une action militaire seule, aussi déterminée soit-elle, ne saurait cependant suffire pour enrayer la spirale de violence et l'expansion de plus en plus marquée des zones d'activité des groupes terroristes armés qui menacent désormais de gagner les pays côtiers du Golfe de Guinée. Seul un effort multidimensionnel, coordonné avec l'ensemble des acteurs internationaux et des pays de la région pour renforcer les capacités des armées et des forces de sécurité sahéliennes, favoriser le retour de l'Etat sur l'ensemble des territoires et accompagner le développement économique, permettra d'apporter une réponse durable à la menace terroriste. C'est dans cet esprit que la France a mis en place la Coalition internationale pour le Sahel en avril 2020. La France joue en outre un rôle moteur en matière de lutte contre le financement du terrorisme. Le Président de la République a ainsi été à l'initiative de la conférence « No Money for Terror », organisée à Paris en avril 2018 en présence de plus de 70 États et 20 organisations internationales. Cet événement a permis une véritable prise de conscience qui s'est traduite par une série d'engagements politiques (l'Agenda de Paris) visant à intensifier l'effort collectif contre toutes les sources de financement des organisations terroristes. La dynamique ainsi créée a permis à la France, moins d'un an plus tard, de porter la résolution 2462 à l'occasion de sa présidence Conseil de sécurité des Nations unies (mars 2019), un texte qui constitue le nouveau cadre de référence international pour la lutte contre le financement du terrorisme. Cet effort doit être maintenu dans la durée, car les organisations terroristes apportent quotidiennement la preuve de leur capacité à exploiter toutes les failles de notre dispositif pour préserver leurs sources de revenus, que ce soit en investissant dans l'économie légale, en ayant recours à des réseaux ancestraux de type hawalah, en s'appuyant sur les réseaux criminels organisés (trafic de médicaments, de stupéfiants ou d'êtres humains) ou en utilisant les nouvelles technologies comme les cryptomonnaies. La France continuera donc à faire de cette question l'un des axes forts de sa politique étrangère, en poursuivant le cycle de conférences « No Money for Terror » (une seconde édition s'est tenue à Melbourne en novembre 2019 et une troisième se tiendra à New Dehli dès que la situation sanitaire le permettra), en intensifiant sa coopération avec les principales organisations internationales actives en la matière (Groupe d'action financière (GAFI), Interpol, ONU) et en s'astreignant, à titre national, à respecter les standards les plus élevés en matière de lutte contre le financement du terrorisme, comme elle entend en apporter la preuve dans le cadre de son évaluation en cours par le GAFI. La lutte contre le financement du terrorisme doit également s'accompagner d'une mobilisation collective pour prévenir la dissémination de la propagande terroriste, notamment en ligne. L'Appel de Christchurch, lancé par le Président de la République et la Première Ministre de Nouvelle-Zélande en mai 2019, a permis de poser les bases d'un véritable partenariat avec les principales entreprises du secteur privé en la matière. Il a aujourd'hui été rejoint par 48 États et a conduit à la refonte du Forum mondial de l'Internet contre le terrorisme pour plus de transparence et d'efficacité. La France poursuit également cette priorité au niveau européen, où elle est pleinement mobilisée pour obtenir l'adoption d'un règlement ambitieux permettant le retrait des contenus terroristes en ligne moins d'une heure après leur signalement. Dans les mois à venir, il faudra prolonger cette action, toujours au niveau européen, dans le cadre de la négociation du « Digital services act », sur le retrait des contenus haineux illicites en ligne. La France porte cet effort à titre national mais entend également continuer à l'amplifier en mobilisant ses partenaires au sein de l'Union européenne (UE). La nouvelle Commission européenne, dirigée par Mme Von der Leyen, a établi des priorités claires en la matière et le budget européen pour la période 2021-2027 traduit une ambition sans précédent avec 8,5 milliards d'euros destinés à la défense : 7 milliards d'euros pour le Fonds européen de défense (FEDEF) et 1,5 milliard d'euros pour la mobilité militaire. Si ces montants restent en deçà du niveau d'ambition fixé initialement, ils constituent néanmoins une avancée majeure sur laquelle l'Union doit capitaliser. En parallèle, la mise en œuvre des principales initiatives européennes de défense se poursuit et la coopération structurée permanente comprend désormais 47 projets à la fois capacitaires et opérationnels, dont 9 sont pilotés par la France. La sortie du Royaume-Uni aura un impact indéniable sur l'UE, mais celui-ci ne conduira en aucun cas à réduire les ambitions de l'Union en matière de sécurité et de défense. Le contexte sécuritaire auquel les pays de l'Union sont collectivement confrontés et les attentes des citoyens ne le permettent tout simplement pas. La France entend continuer à porter la vision d'une Europe forte, qui protège, et est déterminée à utiliser sa présidence du Conseil de l'UE, au premier semestre 2022, pour réaffirmer cette ambition.

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