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Dino Cinieri
Question N° 2785 au Ministère de la justice


Question soumise le 14 novembre 2017

M. Dino Cinieri alerte Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la loi du 5 mars 2007 réformant la protection juridique des majeurs. Cette loi avait pour ambition de recentrer les régimes de protection sur les droits des personnes, de répondre à l'inflation du nombre de mesures de protection, de corriger certaines dérives en affirmant les principes de nécessité, de proportionnalité et de subsidiarité. Dix ans après sa promulgation, les derniers rapports de la Cour des comptes et du Défenseur des droits en date de septembre 2016 pointent les insuffisances de cette loi au regard des objectifs affichés. Ainsi, en l'absence de famille susceptible d'exercer la mesure, le juge désigne un professionnel. À ce titre, il a le choix entre la désignation d'une association tutélaire, d'un mandataire individuel, d'un préposé d'établissement. Les préposés mandataires judiciaires à la protection des majeurs exercent dans les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux publics. Le juge choisit de désigner un préposé d'établissement compte tenu de sa proximité avec les résidents et de sa connaissance des problématiques de ceux-ci (pathologies psychiatriques, effets du vieillissement, etc...). La loi indique que cette désignation est obligatoire dans un établissement public à partir d'un seuil de 80 places autorisées. Néanmoins, malgré les recommandations du rapport de l'IGAS en 2014, force est de constater que l'obligation de désigner un préposé d'établissement n'est pas intégralement respectée sur le territoire. Le nombre de préposés d'établissement a en effet fortement diminué ces dernières années. Sur un total d'environ 500 000 mesures confiées à un professionnel, le nombre de mesures confiées à un préposé ne représente que 5 %. Or le coût moyen annuel d'exercice d'une mesure de protection par un préposé d'établissement (1 200 euros) est nettement inférieur à celui des autres opérateurs tutélaires (1 800 euros). Dans un contexte économique contraint et d'inflation du nombre de mesures de protection au regard des perspectives d'évolution démographique, il s'étonne que cette piste d'économie ne soit pas privilégiée. Pour 100 000 mesures, l'économie pour la collectivité serait de 6 millions d'euros. Il suggère un mode de financement semblable aux autres opérateurs tutélaires c'est-à-dire un financement d'État basé sur des indicateurs d'activité. Dans les établissements de santé, une ligne de crédit serait alors spécialement dédiée à cette activité. Dans les établissements sociaux et médico-sociaux type EHPAD, il importerait également que le financement de cette activité soit clairement identifié. Par ailleurs, il existe un problème de reconnaissance de cette fonction particulière dans les établissements. Aucun statut spécifique ne régit cette fonction aux lourdes responsabilités en matière de protection des droits des personnes et de droits patrimoniaux. Cette fonction d'auxiliaire de justice au service des plus démunis mérite une attention particulière. Il constate que beaucoup de préposés (57 %) sont positionnés sur un grade de catégorie C alors que l'étendu des missions confiées et la responsabilité engagée mériterait un positionnement en catégorie A sur un statut correspondant à une fonction d'auxiliaire de justice. Aussi, il souhaite connaître la position du Gouvernement sur la nécessité de favoriser la désignation d'un préposé d'établissement, notamment en termes d'économie budgétaire pour la collectivité.

Réponse émise le 3 juillet 2018

Le choix du mandataire judiciaire à la protection des majeurs n'appartient au juge des tutelles lors de l'ouverture ou du renouvellement d'une mesure de protection que lorsqu'aucun membre de la famille ou aucun proche ne peut assumer la curatelle ou la tutelle. Seul un mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrit sur la liste prévue à l'article L. 471-2 du code de l'action sociale et des familles peut être désigné. Les conditions de désignation des préposés d'établissement de santé, sociaux et médico-sociaux, le respect de l'obligation réglementaire de désigner un préposé pour les établissements médico-sociaux de plus de 80 lits ainsi que le financement des mesures de protection judiciaire relèvent de la compétence du ministère des solidarités et de la santé mais le ministère de la justice reste vigilant quant aux conditions d'exercice particulièrement difficiles de ces fonctions dans un contexte de réduction du nombre de préposés d'établissement. La direction des affaires civiles et du sceau a été chargée par Madame la Garde des Sceaux de mettre en place un groupe de travail, en lien avec la direction générale de la cohésion sociale et le secrétariat d'état aux personnes handicapées en vue de dresser un bilan global sur les conditions d'application de la réforme du 5 mars 2007. Le Président de la République a en effet rappelé, lors de la rentrée solennelle de la Cour de cassation, son attachement à la protection des personnes les plus vulnérables et la nécessité de procéder à des réformes, afin de délimiter plus clairement les champs de l'action sociale et de la protection judiciaire. Ce groupe de travail, installé le 15 mars 2018, est composé de l'ensemble des acteurs de la protection juridique des majeurs, d'universitaires, de praticiens et de professionnels du droit. Il rendra son rapport à l'issue d'une réflexion globale et complète sur les évolutions et les aménagements à envisager en matière de protection juridique des majeurs pour favoriser leur autonomie et l'expression de leur volonté mais également s'assurer de la qualité de leur prise en charge. La Chancellerie, consciente de la nécessité d'améliorer les conditions de mise en œuvre de la protection juridique des majeurs, examinera les différentes pistes proposées par le groupe de travail, à l'issue de ce bilan interministériel et interprofessionnel et au regard des résultats de l'étude statistique menée par le pôle de l‘évaluation de la justice civile de la direction des affaires civiles et du sceau.

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