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Manuéla Kéclard-Mondésir
Question N° 28403 au Ministère auprès de la ministre de la transition écologique


Question soumise le 14 avril 2020

Mme Manuéla Kéclard-Mondésir appelle l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports, sur la situation du secteur touristique, et notamment de celui des outre-mer, qui, en plus de l'arrêt brutal de son activité qui représente une part essentielle de l'activité économique de ces territoires, est doublement lésé par les pratiques abusives des compagnies aériennes et de leur représentant l'IATA. En effet, en dehors de toute dérogation au règlement européen 261/2004 instituant le remboursement comme norme en cas d'annulation, de nombreuses compagnies aériennes imposent à leurs clients et aux agences de voyages, lorsque le vol est annulé et non volé, des avoirs sur 12 mois non garantis. Au-delà d'un risque de non-utilisation de l'avoir par les Français qui, au moment de contractualiser leur achat et connaissant leur droit en matière de remboursement, ne considéreraient pas la possibilité de se voir donner un avoir, un réel risque demeure pour le consommateur ou le voyagiste en cas de faillite de la compagnie aérienne. L'injustice est grande pour ces professionnels à qui l'on impose de garantir financièrement leur billet d'avion lorsque celui-ci est intégré dans un voyage à forfait. Ce manque d'équité de traitement n'est financièrement pas soutenable pour la seule filière touristique et présente un réel danger pour le consommateur ayant acheté des billets « secs ». Certes, le Gouvernement a pris une ordonnance permettant aux voyagistes (agences de voyages et TO) d'établir des avoirs valables 18 mois pour les prestations annulées du fait du covid-19, mais sauf pour les « vols secs ». Ces avoirs sont garantis par les organes de garantie financière habituels. Connaissant les difficultés de trésorerie actuelles des entreprises du transport aérien, la pratique des avoirs par les compagnies aériennes ne peut être acceptable que si, et seulement si, elle est encadrée et garantie, ceci permettant de sécuriser l'ensemble de la chaîne commerciale, du consommateur aux professionnels du tourisme. Il ne peut y avoir de tourisme sans transport aérien et il ne peut y avoir de transport aérien sans tourisme. Pour les outre-mer, ce lien est vital. Il est donc dans l'intérêt de tous que le transport aérien soit solidaire du secteur touristique pour garantir un rebond commun. Or les défaillances des compagnies aériennes ne peuvent que nourrir une future peur du voyage, néfaste au rayonnement touristique des outre-mer et à leur développement économique. Elle lui demande donc ce qu'il compte faire pour sauver cette filière outre-mer, et s'il entend mettre en place d'urgence un « fonds passagers » spécifique à ces régions garantissant aussi bien les voyageurs que les voyagistes.

Réponse émise le 16 mars 2021

Les agences de voyages, tout comme les compagnies aériennes, sont confrontées depuis le début de la pandémie de Covid-19 à des annulations de vols et de séjours particulièrement massives, lesquelles ont généré un défi de trésorerie sans précédent, que vient renforcer le droit au remboursement en cas d'annulation prévu par la réglementation européenne. L'ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 a permis, s'agissant des agences de voyages, de trouver un aménagement du droit au remboursement en prévoyant la possibilité de proposer, pour les prestations achetées dans le cadre d'un forfait touristique ou assimilé, des avoirs dont la durée de validité a été étendue, et remboursables à terme. Cette ordonnance a ainsi provisoirement permis d'alléger la charge pesant sur la trésorerie des agences de voyages. Par la suite, le Gouvernement a mis en place un plan de soutien d'une ampleur exceptionnelle à destination du secteur touristique, comportant de nombreuses mesures destinées à venir en aide aux entreprises du secteur. Les relations commerciales entre les agences de voyages, en leur qualité de distributeurs de billets, et les compagnies aériennes membres de l'Association du transport aérien international (IATA, qui regroupe près de 290 transporteurs aériens de par le monde) relèvent, quant à elles, de la liberté contractuelle. Ainsi en est-il notamment des dispositions relatives aux procédures de remboursement à la clientèle des titres de transport aérien émis par l'intermédiaire de ces agences et ultérieurement non utilisés ou honorés. Les pouvoirs publics continueront bien entendu à veiller à ce que l'ensemble des entreprises liées au tourisme, qu'il s'agisse des agences de voyages ou des compagnies aériennes, puisse faire face à la crise que nous traversons, ils veilleront aussi à l'équilibre dans les relations entre les différents acteurs. C'est dans cet objectif que la France, avec d'autres Etats membres, a soutenu une proposition d'adaptation du règlement européen (CE) 261/2004 sur les droits des passagers aériens, pour permettre une possibilité de remboursement par les compagnies aériennes en priorité sous forme d'avoirs. Cette initiative, qui visait à apporter une réponse aux contraintes de trésorerie des compagnies aériennes, tout en fixant des critères harmonisés de nature à protéger efficacement les consommateurs dans l'hypothèse de défaillance ultérieure d'une compagnie ayant émis des avoirs, n'a cependant pas été suivie par la Commission européenne. Le Gouvernement demeure pleinement conscient des limites de la réglementation applicable en ce qui concerne la protection des passagers ayant acheté un billet sans autre prestation (« vol sec »), et non couverts à ce titre par les dispositions protectrices de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées. La situation actuelle, comme les faillites à l'automne dernier des compagnies françaises Aigle Azur et XL Airways, conduisent par conséquent à s'interroger sur les évolutions possibles en termes de protection des passagers aériens. Les services de la direction générale de l'aviation civile avec les autres ministères concernés, explorent actuellement les pistes d'amélioration envisageables sur un sujet qui a déjà fait l'objet d'échanges et de réflexions approfondies par le passé, y compris au plan européen. Aucune des solutions identifiées alors, parmi lesquelles la création d'un fonds général de réserve ou le recours à un dispositif d'assurance, n'avait pu être considérée comme pleinement satisfaisante pour l'ensemble des parties concernées (consommateurs, voyagistes, compagnies aériennes, assureurs et pouvoirs publics). Cela démontre la complexité de ce dossier comme la nécessité d'être innovant, tout particulièrement pour relancer les secteurs économiques les plus sévèrement touchés durant la période de crise sanitaire, et faire émerger des solutions favorables aux passagers et adaptées aux spécificités du secteur aérien. Des mécanismes assurantiels nouveaux pourraient ainsi, par exemple, être développés de même que le recours plus systématique à des comptes séquestres. Dans le contexte très mondialisé et concurrentiel du transport aérien, et profondément bouleversé par la pandémie de Covid-19, c'est en priorité au niveau européen que devraient s'établir les règles correspondantes dans la perspective attendue de révision des conditions d'exploitation des services de transport aérien en Europe, lesquelles devront assurer un équilibre satisfaisant entre les légitimes intérêts des passagers et les contraintes des compagnies qui les transportent. Le Gouvernement sera, à cet égard, attentif à toute opportunité pouvant permettre d'engager la discussion sur ce dossier.

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