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Jean Lassalle
Question N° 28498 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 21 avril 2020

M. Jean Lassalle alerte M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les conséquences particulièrement inquiétantes de la crise sanitaire du covid-19 pour la filière des AOP laitières (des appellations d'origine laitières). Alors que la crise sanitaire que la France traverse est sans précédent, la crise économique qui l'accompagne est particulièrement grave et les producteurs de la filière des AOP laitières subissent très fortement ses conséquences. En effet, après la fermeture de la restauration hors domicile (5 % des ventes des fromages AOP) le 15 mars 2020, ce sont progressivement les grandes surfaces qui ont fortement réduit voire fermé les rayons à la coupe par manque de personnel ou par mesure d'hygiène, alors que 38 % des volumes des fromages AOP sont commercialisés dans ces rayons. Puis le 23 mars 2020, ce fut l'annonce de la fermeture des marchés (15 % des ventes) qui ont, à côté des commerces spécialisés et magasins de proximité, une place privilégiée pour favoriser l'achat des produits laitiers sous signe de qualité. En 15 jours, les entreprises laitières des AOP ont enregistré une forte diminution de leur chiffre d'affaires et la baisse des commandes est passée de 25 % à 80 %. Elles redoutent de surcroît que demain cela soit au tour des éleveurs laitiers de subir ces conséquences et qu'ils soient poussés à jeter leur lait, si rien n'est fait. Par ailleurs, le 25 mars 2020, un conseil européen des ministres de l'agriculture s'est tenu et aucune décision, aucune mesure n'a été prise pour soulager les entreprises laitières AOP composées de fromageries privées ou coopératives nationales, de PME, de TPE et d'ateliers artisanaux ou fermiers. Pourtant il est question de sauver sur le seul territoire français plus de 18 000 producteurs de lait, 1 300 producteurs fermiers et 350 établissements de transformation qui sont impliqués et vivent de ces filières de qualité, le plus souvent sur des territoires difficiles (70 %), pour un chiffre d'affaires annuel estimé à 2,1 milliards d'euros. Pour ce faire, plusieurs leviers sont proposés pour assurer une aide d'urgence à cette filière et à ses entreprises les plus fragiles, avant de pouvoir envisager une reprise totale, notamment : incitation à la baisse de production laitière (la mise en place des moyens techniques pour la limiter et l'indemnisation des pertes de production), aide à la mise en fabrication (logistique), modification temporaire des cahiers des charges (augmentation du délai d'emprésurage, congélation, affinage hors zone...), aide au stockage d'urgence (accès au moyen de stockage au froid positif ou de surgélation), mais également incitation aux dons plutôt qu'à la destruction. C'est pourquoi il lui demande quelles mesures d'urgence il envisage pour sauver cette filière des produits des AOP laitières qui par leurs spécificités, leurs valeurs et leurs savoir-faire reconnus contribuent au rayonnement de l'excellence agricole française, en France et dans le monde et qui font partie intégrante du patrimoine national.

Réponse émise le 4 août 2020

La crise sanitaire actuelle a des impacts importants pour de nombreuses filières agricoles et agroalimentaires. C'est notamment le cas de la filière laitière, et en particulier pour les petites entreprises fromagères, souvent dans des filières sous indication géographique (IG), et les producteurs laitiers fermiers, dont l'activité est si importante pour le patrimoine et l'économie des territoires. Ces filières font face à des difficultés liées à des pertes de débouchés, compte tenu de la fermeture d'une majorité du secteur de la restauration hors domicile, de celle d'un nombre important de marchés, et de l'orientation des achats alimentaires vers des produits de première nécessité et moins d'achats festifs par les consommateurs. En outre, la période de forte production laitière (du fait du pic de collecte annuel) aggrave la problématique. Au niveau local, des réorganisations de collecte du lait et de leurs débouchés ont été mises en place pour optimiser les capacités de valorisation du lait, avec notamment la mobilisation de certaines grandes entreprises, en particulier coopératives. Il convient de saluer la solidarité exemplaire qui s'exerce dans la filière laitière et permet d'atténuer les difficultés rencontrées par les plus petites entreprises pour lesquelles les alternatives sont réduites. De plus, des efforts sont entrepris par les enseignes de grande distribution pour maintenir ouverts les rayons à la coupe et préserver la diversité des produits proposés aux consommateurs. Les fromages sous IG maillent l'ensemble du territoire, avec une production souvent issue de très petites entreprises (TPE) et de petites et moyennes entreprises (PME), dont certaines qui apparaissent durement touchées par la crise. C'est bien pour préserver ce type d'entreprise que le Gouvernement a annoncé des mesures immédiates de soutien, dont peuvent bénéficier les exploitations agricoles et les entreprises de transformation, notamment les TPE et PME. Le détail de ces mesures est disponible sur le site du ministère de l'économie et des finances : www.economie.gouv.fr/coronavirus-soutien-entreprises. De plus, le ministère chargé de l'agriculture a porté au plan européen la nécessité d'activer des mesures de gestion des marchés. Il était indispensable que la Commission européenne active sans plus attendre ces outils et le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a mobilisé l'ensemble des partenaires européens pour porter conjointement cette demande. Concernant la filière laitière et fromagère, il s'agissait en particulier d'activer rapidement une aide financière au stockage privé. Pour le secteur laitier, la Commission européenne a apporté des réponses en proposant fin avril des mesures de stockages privés pour la poudre de lait écrémé, le beurre et l'ensemble des fromages, sous indication géographique ou non. Au niveau national, le ministère chargé de l'agriculture a travaillé avec les services de l'institut national de l'origine et de la qualité pour mettre en place une procédure rapide pour permettre aux fromages sous IG qui le souhaitent d'adapter temporairement leur cahier des charges pour faire face à la crise actuelle. Il s'agit pour eux de pouvoir continuer à bénéficier de leur appellation, malgré les évolutions des conditions de production compte tenu de la crise actuelle (en permettant la congélation d'une partie des volumes sous forme de caillé ou de fromages en blanc par exemple), tout en veillant à préserver ce qui fait la typicité de ces fromages. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation travaille également avec le conseil national des appellations d'origine laitières sur l'évolution des dispositifs de régulation de l'offre (RRO) de fromages sous IG déjà mis en œuvre pour huit des fromages sous appellation, ou à la mise en place de telles règles pour de nouveaux fromages pour permettre une meilleure maîtrise de l'offre de ces derniers. Les RRO pour les appellations fromagères qui le souhaitent pourront par exemple prévoir une application saisonnière temporaire avec l'établissement de références mensuelles ou trimestrielles. Les services du ministère de l'agriculture assureront une gestion rapide des dossiers qui seront déposés, en lien avec ceux du ministère de l'économie et des finances. Avec la crise, la situation des populations les plus précaires se détériore et les besoins de soutien augmentent, en particulier en ce qui concerne les besoins alimentaires. Afin de faire face aux besoins, le Gouvernement a annoncé le lancement d'un plan d'urgence pour soutenir l'aide alimentaire. Doté de 39 millions d'euros (M€), ce plan comprendra deux volets : 25 M€ de soutien financier aux associations d'aide alimentaire pour acheter des denrées alimentaires et 14 M€ destinés à certains foyers dans des territoires particulièrement impactés par la crise économique. Les producteurs et les entreprises de la filière laitière font régulièrement preuve de solidarité en donnant une partie de leurs productions pour les personnes les plus démunies. Ces dons, qui peuvent être effectués par les producteurs ou par les entreprises de transformation, bénéficient d'une défiscalisation à hauteur de 60 % ou 75 % du don, en fonction des conditions réglementaires prévues par le code général des impôts. L'ensemble du Gouvernement, dont le ministère de l'agriculture, reste pleinement mobilisé pour suivre l'évolution de la situation pour l'ensemble des filières agricoles et apporter les solutions appropriées le plus rapidement possible. La propagation mondiale du covid-19 place le monde entier dans une situation inédite avec un double défi, sanitaire et économique auquel il convient de faire face collectivement.

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