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Pierre Morel-À-L'Huissier
Question N° 29131 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 5 mai 2020

M. Pierre Morel-À-L'Huissier attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur concernant le contrôle des conditions d'éligibilité effectué par les services de préfecture. En effet, l'article L. 231 du code électoral prévoit plusieurs cas d'inéligibilité fonctionnelle pour les candidats à l'élection des conseils municipaux. Lors du dépôt de la déclaration de candidature pour les élections municipales, les articles L. 255-4 (commune de moins de 1 000 habitants) et L. 265 du même code (communes de 1 000 habitants et plus) prévoient que l'administration ne délivre le récépissé définitif valant enregistrement de la candidature que si, outre les conditions de présentation, les conditions posées par les deux premiers alinéas de l'article L. 228 sont remplies (à savoir être âgé de dix-huit ans révolus et être électeur de la commune ou être inscrit au rôle des contributions directes ou justifier devoir y être inscrit au 1er janvier de l'élection). Le respect des conditions prévues à l'article L. 231 du code électoral n'est pas explicitement mentionné et, par conséquent, la loi ne prescrit pas de contrôler l'existence d'éventuelles inéligibilités des candidats. Le contrôle des inéligibilités fonctionnelles peut être opéré a posteriori par le juge de l'élection conformément à l'article R. 128 du code électoral, qui précise que « la délivrance du récépissé par le préfet ne fait pas obstacle à ce que l'éligibilité du candidat puisse être contestée devant le juge de l'élection », le contentieux post-électoral semblant dissuasif pour assurer le respect des dispositions relatives aux inéligibilités selon le Gouvernement (question n° 18589 de M. Olivier Marleix le 10 septembre 2019). Une certaine latitude est ainsi laissée à l'autorité chargée de recueillir les candidatures, qui est libre de procéder ou non au contrôle de l'existence d'éventuelles inéligibilités des candidats. Les pratiques semblent différer d'une préfecture à l'autre. Certains préfets s'assurent de la recevabilité sur le fond et refusent d'enregistrer une liste aux élections municipales ou une candidature individuelle motivée par l'inéligibilité d'un candidat, tandis que d'autres semblent adopter une attitude plus souple en renvoyant au contrôle a posteriori du juge en cas de contentieux. Ces divergences ont pour conséquences d'entraîner une inégalité de traitement des dossiers de candidature ainsi que de priver d'effet l'inéligibilité prévue par le législateur, le candidat élu pouvant dès lors faire cesser son inéligibilité en démissionnant d'une des fonctions énumérées à l'article L. 231 du code électoral, si bien qu'en cas d'annulation de son élection par le juge électoral, il pourra se présenter de nouveau sur une élection partielle organisée pour pourvoir à son remplacement, en respectant cette fois le délai de six mois. Aussi, afin de remédier à ces différences d'application, sources d'insécurité, il lui demande si la prescription d'un contrôle a priori de l'éligibilité avant l'enregistrement des candidatures pourrait être envisagée.

Réponse émise le 9 février 2021

L'article L. 231 du code électoral prévoit plusieurs cas d'inéligibilité fonctionnelle pour les candidats à l'élection des conseils municipaux. Lors du dépôt de la déclaration de candidature pour les élections municipales, les articles L. 255-4 (communes de moins de 1 000 habitants) et L. 265 du même code (communes de 1 000 habitants et plus) prévoient que l'administration ne délivre le récépissé définitif valant enregistrement de la candidature que si, outre les conditions de présentation, les conditions posées par les deux premiers alinéas de l'article L. 228 sont remplies, à savoir : être âgé de dix-huit ans révolus et être électeur de la commune ou être inscrit au rôle des contributions directes ou justifier devoir y être inscrit au 1er janvier de l'élection. Le respect des conditions prévues à l'article L. 231 du code électoral n'est pas explicitement mentionné, ni d'ailleurs celui des conditions prévues à l'article L. 230 du code électoral (personnes placées sous tutelle, sous curatelle ou privées du droit électoral par le juge). Le contrôle des inéligibilités fonctionnelles prévues à l'article L. 231 du code électoral est opéré par le juge de l'élection a posteriori comme cela est permis par l'article R. 128 du code électoral : « La délivrance du récépissé par le préfet ne fait pas obstacle à ce que l'éligibilité du candidat puisse être contestée devant le juge de l'élection ». Cette logique se retrouve pour l'ensemble des élections, le législateur n'imposant pas toutefois pour chaque élection des dispositions identiques. Ainsi, dans le cadre des élections au Parlement européen, le Conseil d'Etat a déjà eu l'occasion de rappeler au ministère de l'intérieur chargé de l'enregistrement des candidatures qu'il ne lui appartenait de contrôler l'âge des candidats, le contrôle des candidatures portant seulement sur le respect des règles fixées par les articles 7 à 10 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen (Conseil d'Etat, 21 mai 2004 - ministre de l'intérieur, sécurité intérieure et libertés locales c/Automobiliste vache à lait Ras-le-Bol, liste apolitique, n° 267788). Cependant, afin de limiter les contentieux et de sécuriser le résultat des élections, l'administration a pu refuser d'enregistrer la candidature de personnes en situation d'inéligibilité manifeste au regard des informations dont elle disposait. Certaines juridictions admettent la légalité de ce contrôle (tribunal administratif (TA) de Marseille, 28 février 2020, n° 2001756 ; TA d'Orléans, 14 février 2020, n° 2000617), tandis que d'autres estiment qu'il n'appartient pas au préfet de vérifier, au stade du contrôle préalable de la déclaration de candidature, le respect des conditions d'éligibilités prévues par l'article L. 231 du code électoral (TA de Paris, 20 février 2020 n° 2003282 ; TA de artinique, 27 février 2020, n° 2000115). Dans cette configuration, il apparaît opportun de faire évoluer le cadre législatif afin de permettre aux préfets de refuser l'enregistrement d'une candidature méconnaissant de façon manifeste les conditions d'éligibilités prévues par l'article L. 231 du code électoral. Une telle évolution aurait le mérite de limiter le risque d'annulation contentieuse des élections sans priver les candidats concernés de leur possibilité de contester la décision de refus d'enregistrement devant le juge administratif.

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