Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Patrice Anato
Question N° 29209 au Ministère de l’europe


Question soumise le 5 mai 2020

M. Patrice Anato interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la stratégie de coopération internationale de la France avec les pays d'Afrique dans le cadre de la lutte contre le covid-19. Depuis janvier 2020, ce qui était tout d'abord une épidémie régionale limitée à la Chine est devenu une pandémie mondiale dans laquelle la France est en première ligne et paye un lourd tribut. Les efforts de la France sont avant tout consacrés aux moyens de protéger les citoyens français de métropole et d'outre-mer et de limiter les impacts de cette crise sur son économie. Toutefois, sa diplomatie ne doit pas être en reste face à ce qui reste avant tout une crise mondiale. Dans l'une de ses allocutions télévisées, le Président de la République a rappelé que la solidarité internationale devait continuer et qu'une stratégie concertée avec et en faveur de l'Afrique devait être mise en place. Cet appel a été entendu en partie par la suspension des remboursements de la dette des pays les plus pauvres et par le lancement de l'initiative « Covid-19 - Santé en commun » par l'Agence française de développement. Toutefois, les projections sanitaires et économiques pour l'Afrique laissent craindre une dégradation pérenne et catastrophique pour les États si des mesures fortes, soutenues par la communauté internationale, ne sont pas prises. Continent voisin, les conséquences du virus auraient invariablement des effets sur le continent européen déjà affaibli par la crise du covid-19. En conséquence de quoi, il lui demande de bien vouloir préciser quelle est l'étendue de la stratégie de coopération entre la France et les pays d'Afrique dans le cadre de la crise du covid-19 et quelle est la position de la France sur la possibilité d'un moratoire sur la dette africaine.

Réponse émise le 4 août 2020

La pandémie de la COVID-19 progresse en Afrique en particulier en Afrique du Sud (pays où les capacités de détections sont les plus avancées) qui concentre à elle seule 50% des contaminations officielles du continent devant l'Egypte (13%) et le Nigeria (6%). Le pic épidémique est prévu pour la fin de l'été notamment en Ethiopie, au Kenya et en Afrique du Sud. La relative jeunesse de la population africaine lui permet de mieux se défendre contre le virus avec un taux moyen de mortalité par habitant plus faible qu'en Europe (11,3 morts/million d'habitant en Afrique contre 458 en France). Dans certains pays (Djibouti, Sénégal, Rwanda) la propagation du virus apparait comme relativement maitrisée. Nombreux sont les pays africains à avoir dès le mois de mars mis en place une politique de confinement, similaires à celle mise en œuvre par la France (fermeture des écoles, fermeture de commerces, restaurants, distanciation sociale et rotations d'équipes dans les entreprises, confinement des personnes, interdiction de circulation entre les régions, …). La pandémie s'accompagne, dans de nombreux pays, d'un ralentissement sans précédent de l'activité économique et des flux commerciaux internationaux induisant une grave crise économique. Le FMI prévoit pour 2020 la première récession de la région Afrique sub-saharienne depuis 25 ans, la croissance économique passant de 3,1% en 2019 à -3,2% en 2020. Le choc économique est assez asymétrique selon les pays et l'impact de la crise dépend de la structure de l'économie, de son degré d'ouverture et de l'ampleur des restrictions imposées par les gouvernements pour limiter la propagation du virus. Les PME africaines qui représentent 90% de l'activité économique du continent et 60% de l'emploi, pourraient avoir perdu entre 20 et 40 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2020 entrainant un choc social majeur. Pour exemple, en Côte d'Ivoire, selon le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD), la crise économique a entrainé une baisse des salaires des ménages de 47,2% depuis le début de la crise sanitaire. Cette situation exacerbe les conditions sociales, aggrave les fragilités économiques et accélère l'émergence d'une crise alimentaire panafricaine sévère dans certains pays. Le Programme alimentaire mondial (PAM) identifie 11 pays en situation alimentaire critique : Ethiopie, Kenya, Mozambique, Nigeria, RCA, RDC, Somalie, Soudan, Sud-Soudan, Tchad et Zimbabwe. Dès le 15 avril 2020, sous l'impulsion du Président de la République française, 10 Chefs d'Etat et de gouvernement africains et 8 Chefs d'Etat et de gouvernement européens ont appelé à une réponse multilatérale forte pour l'Afrique guidée par un « impératif de solidarité et de responsabilité partagée » (Call for Action). Par la mise en œuvre de l'Initiative pour l'Afrique, la France joue un rôle actif sur tous les axes de réponse à la crise : le soutien aux systèmes de santé africains, le soutien à la recherche africaine, le soutien humanitaire et le soutien économique. En complément des efforts financiers des institutions multilatérales et européennes auxquels la France participe activement (augmentation de sa contribution à l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de 50M€ sur deux ans, contribution globale de plus 500M€ à l'initiative Access to COVID19 Tools Accelerator (ACT-A) qui vise à soutenir massivement la recherche, à accélérer le développement et à permettre un accès universel aux moyens de lutte contre la pandémie), la France mobilise un appui bilatéral de près de 1,2 milliards d'euros pour répondre à l'urgence en Afrique, via l'ensemble des opérateurs et instruments de sa politique de développement : - l'Initiative française « Santé en Commun » mise en œuvre par l'Agence française de développement (AFD) est axée sur le soutien à la réponse médicale, sur l'appui aux plans nationaux de riposte à la pandémie et sur la mise en œuvre des programmes de filets sociaux pour les populations les plus vulnérables. Elle mobilise 1,15Md€ en financements, en prêts et en dons. - Au-delà du renforcement des dispositifs de santé nationaux (matériels, formation de personnel de santé, gestion des patients, surveillance épidémiologique) spécifiques à cette crise, un effort important a été apporté au partenariat avec la recherche scientifique africaine. Un montant de 18M€ est mobilisé par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE), l'AFD, l'ANRS et l'Institut Pasteur de Paris. Une large partie est mise à disposition des laboratoires d'analyses locaux pour renforcer les capacités de détection (contrôles) et de dépistage (tests) des personnes. Par ailleurs, la France accompagne aussi la mise en place du conseil panafricain de coordination scientifique et politique de l'Union Africaine. - L'action humanitaire est essentiellement mise en œuvre par le Centre de crise et de soutien (CDCS) du MEAE via (i) un soutien à des projets humanitaires d'urgence visant à lutter directement contre la propagation du Covid-19 dans les pays prioritaires de l'aide française ou dans les pays plus affectés (3,8M€) et (ii) l'appui au programme de pont aérien humanitaire opéré par l'Union européenne, sur proposition de la France, qui permet d'acheminer des fournitures, des matériels et du personnel (pour exemple : fin juin, un vol pour le Burkina Faso a permis d'acheminer 23 tonnes d'aide humanitaire de 9 partenaires différents, et le déploiement de 12 personnels humanitaires à Ouagadougou). La réponse à la crise alimentaire a été rapide, l'enveloppe annuelle de l'aide alimentaire programmée (AAP) française a été augmentée : 23M€ sont déjà engagés pour l'Afrique et plus de 9M€ additionnels seront prochainement versés au PAM, ciblés sur l'Afrique de l'Ouest et le Sahel, selon une procédure exceptionnelle d'urgence. - Dans cette période de crise sans précédent, il est critique que les pays africains puissent retrouver des liquidités pour faire face à la crise sanitaire et protéger leurs populations. La France a joué un rôle clef dans la conduite des négociations qui ont abouti à l'adoption, par le G20 et le Club de Paris, de l'ISSD (Initiative de Suspension du Service de la Dette), qui doit permettre à 73 pays parmi les plus vulnérables de libérer 14 Mds$ de créances bilatérales dues en 2020, dont 10,1Mds$ pour les créanciers émergents. La participation des créanciers privés représenterait 8 Mds$ d'échéances en 2020. A ce jour, 42 pays ont soumis une demande de participation de l'ISSD au Club de Paris représentant 5,3Mds$ de créances bilatérales. 18 pays ont bénéficié d'une suspension du paiement de leurs intérêts par les membres du Club de Paris, à hauteur de 1,3 Mds$, dont 12 pays africains (Burkina Faso, Cameroun, Comores, Côte d'Ivoire, Ethiopie, Guinée, Mali, Mauritanie, Niger, République du Congo, Tchad et Togo). A l'occasion de la réunion des ministres des Finances et des chefs des banques centrales des pays du G20 du 18 juillet 2020, la France a plaidé pour une prolongation de l'initiative jusqu'en 2021.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.