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Barbara Bessot Ballot
Question N° 29743 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 26 mai 2020

Mme Barbara Bessot Ballot interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la mise en place de mesures spécifiques en période de crise, afin d'éviter tout gaspillage et toute destruction de denrées alimentaires. À l'heure d'une crise économique et sanitaire majeure, sans doute la plus importante depuis 1945, certains producteurs de denrées alimentaires se trouvent face à un dilemme cornélien : jeter ou conserver, au prix d'une perte de qualité. En raison d'une baisse de la demande (conséquence directe de la fermeture administrative des restaurants et des marchés) et d'un mode de consommation tourné vers l'achat de produits de « première nécessité », les producteurs ont amorcé une baisse de la production (par exemple, de l'ordre de moins 8 % dans la filière Comté). Toutefois, cette baisse de production reste supérieure à la baisse de la consommation, entraînant de facto un surplus de production important. La surproduction engendre mécaniquement une baisse des prix, ce qui, pour des produits de qualité tels que les AOP ou IGP, est forcément dommageable pour une reprise d'activité sereine. Par ailleurs, les produits alimentaires sont, pour la plupart, périssables et la congélation ne permet pas de garantir une qualité optimale, notamment pour les fromages à pâte molle. Choisir comme principale solution la conservation des produits par leur congélation ne semble pas correspondre entièrement aux objectifs poursuivis par les politiques menées avec succès jusqu'alors, notamment à travers la loi Egalim. Il convient dès lors d'envisager d'autres moyens d'écouler la marchandise produite. Grâce à des réseaux déjà mis en place, certains producteurs ont pris l'initiative solidaire de donner leur production à l'aide alimentaire ou aux EHPAD. D'autres, face à des contraintes sanitaires et à la difficulté d'organiser une distribution en un laps de temps très court, ont dû se résoudre à détruire leur « surproduction ». Afin d'éviter à l'avenir tout gaspillage, et pour assurer une meilleure alimentation aux citoyens les plus fragiles, la personne publique se doit de suppléer la carence de l'initiative privée et d'organiser des réseaux de distribution des denrées alimentaires invendues ou non mises sur le marché. Ce protocole de collecte et de distribution aurait deux objectifs principaux : d'une part, assurer à tous une alimentation saine et suffisante, tout en évitant la destruction de nourriture ; deux objectifs majeurs poursuivis dans le cadre de l'examen de la loi Egalim et de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, qui définit le gaspillage alimentaire comme « toute nourriture destinée à la consommation humaine qui, à une étape de la chaîne alimentaire, est perdue, jetée ou dégradée ». En temps de crise, la qualité, l'excellence et le savoir-faire français doivent pouvoir aussi être mis au service de la solidarité. Ne pouvant dépendre uniquement de l'initiative privée, puisque nécessitant parfois des mesures coercitives, cette mission relève aussi de la personne publique. Ainsi, elle l'interroge sur l'opportunité de « nourrir » une réflexion sur la mise en place, en temps de crises, de protocoles systématiques de circuit de redistribution alimentaire (par les mairies ou les préfectures, en lien avec les producteurs et les revendeurs), destinés aux citoyens les plus fragiles, et qui empêchent toute destruction de denrée alimentaire tout en permettant de maintenir la qualité des produits sous signes officiels de la qualité et de l'origine (SIQO).

Réponse émise le 11 août 2020

La crise sanitaire actuelle a des impacts importants pour de nombreuses filières agricoles et agroalimentaires. C'est notamment le cas des filières sous signes officiels de qualité et de l'origine dont l'activité est importante pour le patrimoine et l'économie des territoires. Ces filières font face à des difficultés liées à des pertes de débouchés, compte tenu de la fermeture d'une majorité du secteur de la restauration hors domicile, de celle d'un nombre important de marchés, et de l'orientation des achats alimentaires vers des produits de première nécessité et moins d'achats festifs par les consommateurs. En outre, la période de forte production laitière (du fait du pic de collecte annuel) aggrave la problématique pour les appellations fromagères. Au niveau local, des réorganisations de collecte du lait et de leurs débouchés ont été mises en place pour optimiser les capacités de valorisation du lait, avec notamment la mobilisation de certaines grandes entreprises, en particulier coopératives. De plus, des efforts sont entrepris par les enseignes de grande distribution pour maintenir ouverts les rayons à la coupe et préserver la diversité des produits proposés aux consommateurs. Pour préserver ces opérateurs, le Gouvernement a annoncé des mesures immédiates de soutien, dont peuvent bénéficier les exploitations agricoles et les entreprises de transformation, notamment les très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME). Les opérateurs économiques peuvent prendre connaissance du détail de ces mesures qui est disponible sur le site du ministère de l'économie et des finances. Au niveau national, les services du ministère de l'agriculture et de l'alimentation ont travaillé avec ceux de l'institut national de l'origine et de la qualité pour mettre en place une procédure rapide pour permettre aux produits sous indication géographique (IG) qui le souhaitent d'adapter temporairement leur cahier des charges pour faire face à la crise actuelle. Il s'agit pour eux de pouvoir continuer à bénéficier de leur appellation, malgré les évolutions des conditions de production compte tenu de la crise actuelle tout en veillant à préserver ce qui fait la typicité de ces fromages. De nombreuses filières fromagères ont déjà utilisé cette procédure. Les services du ministère de l'agriculture et de l'alimentation travaillent également avec le conseil national des appellations d'origine laitières sur l'évolution des dispositifs de régulation de l'offre (RRO) de fromages sous IG déjà mis en œuvre pour huit des fromages sous appellation, ou à la mise en place de telles règles pour de nouveaux fromages pour permettre une meilleure maîtrise de l'offre de ces derniers. Les RRO pour les appellations fromagères qui le souhaitent pourront par exemple prévoir une application saisonnière temporaire avec l'établissement de références mensuelles ou trimestrielles. Les services du ministère chargé de l'agriculture assureront une gestion rapide des dossiers qui seront déposés, en lien avec ceux du ministère de l'économie et des finances. Avec la crise, la situation des populations les plus précaires se détériore et les besoins de soutien augmentent, en particulier en ce qui concerne les besoins alimentaires. Afin de faire face aux besoins, le Gouvernement a annoncé le lancement d'un plan d'urgence pour soutenir l'aide alimentaire. Doté de 39 millions d'euros (M€), ce plan comprendra deux volets : 25 M€ de soutien financier aux associations d'aide alimentaire pour acheter des denrées alimentaires et 14 M€ destinés à certains foyers dans des territoires particulièrement impactés par la crise économique. Les dons, qui peuvent être effectués par les producteurs ou par les entreprises de transformation, bénéficient d'une défiscalisation à hauteur de 60 % ou 70 % du don, en fonction des conditions réglementaires prévues par le code général des impôts. Au niveau européen, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a porté la nécessité d'activer des mesures de gestion des marchés. Il était en effet indispensable que la Commission européenne active ces outils. Pour la filière laitière, il s'agissait en particulier d'activer une aide financière au stockage privé. La France jugeait également pertinent de déclencher l'article 222 du règlement de l'organisation commune de marché unique, qui permet aux interprofessions et aux organisations de producteurs de mener des actions concertées en vue de contribuer à la stabilisation des marchés. La Commission européenne a apporté des réponses en proposant fin avril d'activer pour six mois, à compter du 1er avril 2020, l'article 222 pour permettre la planification de la production de lait. La Commission a également proposé des mesures de stockage privé pour la poudre de lait écrémé, le beurre et l'ensemble des fromages, sous indication géographique ou non. Ces mesures seront un soutien précieux pour les marchés de tous les produits laitiers et permettront, pour les fromages sous AOP ou IGP, de reporter la commercialisation de ces produits à une période où la demande devrait être redevenue plus habituelle. Enfin, les entreprises ayant été particulièrement touchées par la crise pourront bénéficier d'exonération des charges sociales patronales. Les critères seront précisés dans les prochains jours et la filière fromagère sera bien entendu concernée. L'ensemble du Gouvernement, dont le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, reste pleinement mobilisé pour suivre l'évolution de la situation pour l'ensemble des filières agricoles et apporter les solutions appropriées le plus rapidement possible. La propagation mondiale du covid-19 place le monde entier dans une situation inédite avec un double défi, sanitaire et économique auquel il convient de faire face collectivement.

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