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Yannick Favennec-Bécot
Question N° 29833 au Ministère de l’économie


Question soumise le 26 mai 2020

M. Yannick Favennec-Bécot attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la situation du marché immobilier et sur les conséquences du mode de calcul du taux d'usure. En effet, il souhaite lui faire part des préoccupations de l'Association professionnelle des intermédiaires en crédits (APIC) quant à la reprise du marché immobilier, actuellement à l'arrêt sur l'ensemble de l'activité (mises en vente et visites de biens jusqu'à la signature d'actes de ventes, obtention de financements bancaires pour les clients). Malgré la crise sanitaire, l'APIC estime qu'il est essentiel de préparer dès aujourd'hui, dans les meilleures conditions, la reprise d'activité pour le secteur du crédit et de l'immobilier, afin de préserver l'activité et les emplois de toute la chaîne immobilière, mais aussi et surtout pour permettre aux Français de continuer à mener à bien leurs projets d'acquisitions et d'investissements. Les restrictions sur l'octroi du crédit, sur les recommandations du Haut comité de stabilité financière (HCSF), ont non seulement amorcé une crispation du marché déjà visible avant la crise sanitaire, mais le niveau constaté du taux d'usure va accélérer d'autant plus l'exclusion de nombreux ménages du financement immobilier. C'est dans ce contexte que l'APIC tient à alerter les pouvoirs publics sur le frein et le caractère contre-productif que constitue le mode de calcul actuel du taux d'usure. Cette formule incorpore un « effet rétroviseur » en utilisant comme assiette les taux moyens constatés sur les trois mois précédents. Sans remettre en question le bien-fondé de la protection du consommateur, il convient de constater que, sur la base des informations de marché disponibles, cette formule bloque le crédit. Au 1er avril 2020, les taux d'usure en vigueur pour les prêts immobiliers à taux fixe indiqués sur le site de la Banque de France et repris par la direction générale du Trésor, et cela pour une durée de trois mois, font état d'une hausse des taux nominaux de nombreuses banques, afin de rétablir leurs marges, mieux tarifer le risque et compenser une hausse du coût de leur refinancement. À de rares exceptions près, cette hausse s'échelonne entre 10 et 75 points de base. Il est probable que la plupart des établissements de crédit vont vouloir poursuivre le relèvement de leurs barèmes auquel s'ajoute le calcul du taux d'usure, conduisant ainsi à bloquer de très nombreux emprunteurs, ce qui aura pour conséquence l'incapacité pour les établissements de pouvoir ajuster leurs barèmes comme nécessaire ou l'exclusion immédiate du crédit pour un nombre massif d'emprunteurs. Avant même la crise du covid-19, un nombre grandissant de dossiers déposés par les candidats à l'emprunt étaient amenés d'office à dépasser le taux d'usure, en raison des frais de dossier relevés et du coût de l'assurance emprunteur. Ces clients parfaitement finançables et assurables étaient alors exclus du crédit. Or les chiffres de fin 2019 ou début 2020 s'établissaient dans un contexte de taux en baisse, ou stables. Ces cas d'exclusion ont donc été masqués par la bonne santé générale du marché. Il faut maintenant craindre que cette exclusion s'accélère et s'intensifie, ce qui aurait des répercussions dommageables sur l'ensemble du secteur. Diverses solutions ont été envisagées et le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) a notamment préconisé l'ajout d'un plancher fixe dans la formule Taux d'usure = Max (Tx moyen marché (Trim-1) + 1/3, Tx moyen marché (Trim-1) + 200 à 300 points de base. Ce sujet, appuyé par de nombreux cas observés sur l'ensemble du territoire, a déjà été débattu par les professionnels du secteur, depuis 2018, et un consensus sur la nécessité de trouver une solution, ne serait-ce que temporaire et transitoire, a été obtenu. Dans le contexte actuel et la nécessité de relance économique, ce problème est à présent crucial, car il va être un véritable frein au redémarrage du marché immobilier. Plusieurs alternatives sont envisageables, mais l'APIC insiste sur la nécessité d'agir rapidement pour empêcher un blocage du secteur : soit par une suspension pendant une période définie de l'application de la formule du taux d'usure, soit par une modification du calcul du taux d'usure qui maintiendrait la protection des ménages mais permettrait aussi aux établissements de crédit de rémunérer leurs risques. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelle réponse il entend apporter à ces légitimes préoccupations et quelles mesures concrètes pourraient être envisagées pour la reprise de l'activité immobilière.

Réponse émise le 22 décembre 2020

Le Gouvernement reste très attentif à la situation du marché du crédit immobilier, et à l'impact des récentes recommandations du Haut comité de stabilité financière (HCSF) et du taux de l'usure sur celui-ci. Dans le cadre de ses missions de prévisions des risques systémiques et de préservation de la stabilité financière, le HCSF a recommandé en décembre 2019 aux banques, de veiller à ce que la maturité du crédit à l'octroi n'excède pas 25 ans, et que le taux d'effort à l'octroi des emprunteurs du crédit immobilier n'excède pas 33 %. Cette recommandation a pour but de protéger les ménages des risques de surendettement et de garantir un crédit à taux fixe, des mensualités raisonnables, en rapport avec leurs revenus. Elle va dans le sens d'un renforcement de la résilience des ménages emprunteurs face à un choc économique ou financier. La situation actuelle en illustre parfaitement le bien fondé. Par ailleurs, afin d'éviter tout effet d'exclusion, notamment sur les primo-accédants ou les ménages modestes, le HCSF a fait le choix d'assortir sa recommandation d'un volant de flexibilité, afin de permettre une application souple de ces règles. Une partie des nouveaux prêts accordés pourra ainsi déroger à ces bonnes pratiques, dans la limite de 15 % du volume des prêts, sans être considérée comme ne respectant pas la recommandation. Au sein de ces 15 %, les trois quarts devront être réservés aux primo-accédants et de façon générale à tous ceux qui acquièrent leurs résidences principales. Ce dispositif permet justement d'éviter les effets d'exclusion mentionnés. Le Gouvernement continuera de suivre avec la plus grande attention les effets de cette mesure grâce au dispositif de rapport mis en place, en lien avec la Banque de France. Concernant le taux de l'usure, il doit être rappelé que l'objectif de ce taux dans sa formule actuelle est de protéger du mieux possible les emprunteurs, notamment les plus modestes d'entre eux, en limitant les écarts à la hausse des taux d'intérêt possibles par rapport à la moyenne des taux constatés. Cette formule permet de contenir les taux d'intérêt dans une fourchette réduite, qui bénéficie ainsi à la majorité des emprunteurs. Le Gouvernement est sensible, dans le contexte actuel de taux bas, au risque d'éviction de certains ménages de l'accès au crédit mentionné dans la question. L'objectif du taux d'usure doit être de mieux protéger les emprunteurs et non pas de les empêcher de souscrire un crédit en raison de conditions trop restrictives. Toutefois, aucune donnée ne permet aujourd'hui de matérialiser ce risque, le taux d'usure agissant souvent au contraire comme un élément en faveur des emprunteurs au moment de la négociation de leur taux d'intérêt. À ce titre, il ne semble pas utile de revoir aujourd'hui la méthode de calcul du taux d'usure. Toutefois, le Gouvernement continuera à suivre de près ce sujet dans les prochains mois.

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