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Josiane Corneloup
Question N° 29844 au Ministère des solidarités


Question soumise le 26 mai 2020

Mme Josiane Corneloup attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur la pénurie de médicaments. En effet, neuf grands hôpitaux européens, dont l'AP-HP, sonnent l'alerte : ils seront bientôt à court de médicaments essentiels pour traiter les patients atteints du covid-19, hospitalisés en unités de réanimation. En quelques semaines, la demande mondiale a augmenté de l'ordre de 2 000 % pour certaines molécules. Dans les hôpitaux, en quelques semaines, les murs ont été repoussés et les lits multipliés pour accueillir des milliers de patients en réanimation. Autant de malades qu'il faut accompagner avec des hypnotiques, des curares, des antibiotiques : des médicaments de première ligne, dont les stocks s'amenuisent à grande vitesse. Or, pour assurer la continuité des soins, il faut garantir leur approvisionnement. Désormais les ruptures font malheureusement partie du quotidien, ces dernières sont de plus en plus nombreuses au détriment des patients, qui risquent de voir de ce fait leur pathologie s'aggraver, les médicaments en rupture de stock étant parfois des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur sans équivalent. Chaque année en France, l'ANSM enregistre des tensions d'approvisionnement, dont certaines durent plusieurs mois, et des ruptures de stock. C'est la conséquence d'un système pharmaceutique qui fonctionne à flux tendu. La loi de financement de la sécurité sociale de 2020 impose aux entreprises pharmaceutiques « un stock de sécurité destiné au marché national », ce dernier « ne peut excéder quatre mois de couverture des besoins en médicament ». Aujourd'hui, vu les circonstances, c'est très juste ! Dans son rapport d'information, Jean-Pierre Decool, sénateur du Nord, dénonçait en 2018 cette situation préoccupante : « depuis quelques années, les situations de ruptures de stock et de tensions d'approvisionnement connaissent une progression très inquiétante, au point que les problèmes d'indisponibilité de médicaments peuvent aujourd'hui être considérés comme chroniques, en France comme dans la plupart des États de l'OCDE ». Selon l'Agence européenne du médicament, « près de 40 % des médicaments finis commercialisés dans l'Union européenne proviennent de pays tiers et 80 % des fabricants de substances pharmaceutiques actives utilisées pour des médicaments disponibles en Europe sont situés en dehors de l'Union ». En conséquence, face à cette situation, elle lui demande s'il compte mettre en place une véritable stratégie industrielle nationale et européenne pour recréer les conditions d'une production pharmaceutique de proximité ; un ensemble d'incitations pourrait également être envisagé en contrepartie d'engagements prévus dans un accord-cadre associant les industriels aux pouvoirs publics.

Réponse émise le 1er décembre 2020

D'une façon générale, les ruptures de stock de médicaments ainsi que les tensions d'approvisionnement ont des origines multifactorielles susceptibles d'intervenir tout au long de la chaîne de production et de distribution. Dans ce cadre, les laboratoires pharmaceutiques sont tenus de prévenir et de gérer les ruptures de stock des médicaments et des vaccins qu'ils commercialisent. Ils doivent assurer un approvisionnement approprié et continu du marché national et prendre toute mesure utile pour prévenir et pallier toute difficulté d'approvisionnement. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) est également mobilisée afin d'assurer la continuité de l'accès aux médicaments pour les patients et les professionnels de santé. Pour autant, compte tenu de l'augmentation des signalements de ruptures et risques de ruptures de stock constatée ces dernières années, différents textes sont venus encadrer la gestion de ces ruptures. Dans un premier temps, la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé et son décret d'application du 20 juillet 2016 relatif à la lutte contre les ruptures d'approvisionnement de médicaments a introduit des mesures de prévention et de gestion des ruptures de stock au niveau national afin de redéfinir les instruments à la disposition des pouvoirs publics et de renforcer les obligations qui pèsent sur les acteurs du circuit de fabrication et de distribution. Dans un second temps, la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé a rendu possible le remplacement de médicaments par les pharmaciens d'officine en cas de rupture d'un médicament d'intérêt thérapeutique majeur (MITM), facilitant ainsi la continuité du traitement des patients. Dans un troisième temps, le ministère des solidarités et de la santé a élaboré une feuille de route 2019-2022 pour lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France. A cet égard, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a considérablement renforcé la lutte contre les ruptures de stock de médicaments par la mise en place d'un plan de gestion des pénuries pour chaque médicament d'intérêt thérapeutique majeur, la constitution d'un stock de couverture des besoins en médicaments et l'importation des alternatives thérapeutiques dans certains cas de pénuries. A ce titre, les sanctions financières entourant ces obligations ont été renforcées. Un décret d'application déclinant ces obligations devrait être publié prochainement. Un comité de pilotage, sous l'égide du ministère des solidarités et de la santé, regroupant l'ensemble des parties prenantes, se réunit régulièrement pour partager les différentes mesures qui seront mises en place. Enfin, le Gouvernement a présenté, le 18 juin 2020, un plan d'actions pour la relocalisation en France de sites de production de produits de santé. Par ailleurs, près de 200 millions d'euros ont été mobilisés pour développer les industries de santé et soutenir la localisation des activités de recherche et de production en France dans le cadre de la lutte contre la COVID-19. Cette enveloppe sera réévaluée en 2021 pour financer de nouveaux projets. En outre, un travail d'accompagnement vers l'industrialisation, la production et le stockage des produits de santé en France est en cours de réalisation. A cet égard, sur la base du rapport commandé à Jacques Biot par le Gouvernement en 2019, le Comité stratégique de filière (CSF) des « Industries et Technologies de Santé » va élaborer un plan d'actions reposant sur le recensement de projets industriels pouvant faire l'objet de relocalisations. Pour finir, un travail de coordination à l'échelle européenne est en cours afin de renforcer la capacité de l'Union européenne à faire face aux crises sanitaires et l'autonomie stratégique européenne pour la santé.

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