Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Michel Larive
Question N° 29992 au Ministère de la culture


Question soumise le 2 juin 2020

M. Michel Larive attire l'attention de M. le ministre de la culture sur le manque de moyens des écoles nationales supérieures d'architecture (ENSA). Les écoles nationales supérieures d'architecture forment aujourd'hui plus de 90 % des futurs architectes. En 2018, la direction de l'architecture du ministère de la culture les a réformés, en instaurant un statut d'enseignant chercheur et une « nouvelle gouvernance ». Il était alors question d'une montée en puissance budgétaire et d'une création de 50 postes entre 2018 et 2022. Mais à l'heure du bilan de la réforme, ces promesses et ces engagements ne résistent pas à l'examen des faits. La réforme n'a d'abord pas produit les effets escomptés. Une dégradation du nombre de maîtres de conférences et de professeurs a été constatée depuis 2019. En 2017-2018, le corps enseignant de toutes les ENSA était de 1 704 équivalents temps plein. Il est descendu à 1 678 ETP au 1er mars 2019, et la campagne de recrutement pour 2020-2021 n'annonce aucun progrès en la matière. Ensuite, à l'instar des réformes menées à l'Université, l'« autonomie » tant espérée a finalement conduit à davantage de contraintes et d'obligations sur les administrations des écoles, et ce, « à moyens constants », sans transfert de crédits supplémentaires. Enfin, les études d'architecture sont restées le « parent pauvre » des études supérieures en France. Le rapport de 2013 de M. Vincent Feltesse adressé au ministère de la culture (« Concertation sur l'enseignement supérieur et la recherche en architecture ») enseignait déjà que le budget moyen par étudiant d'une ENSA avoisinait les 7 500 euros ; un montant bien inférieur à celui des autres grandes écoles (Sciences Po, écoles d'ingénieurs, prépas scientifiques) et même des universités. Les architectes ont pourtant un rôle significatif à jouer dans la société. La prise en compte des enjeux de la nécessaire transition écologique des sociétés va supposer un renouvèllement des habitats et de nombreux investissements d'infrastructure. Or, au lieu de donner des moyens à la pratique architecturale et à ses enjeux, les politiques conduites par les gouvernements successifs ont laissé péricliter les ENSA. Les étudiants, les syndicats, le personnel « parfois, direction comprise » se mobilisent aujourd'hui pour dénoncer, entre autres, cette absence de considération. Ainsi, M. le député souhaiterait connaître dans un premier temps l'évolution des budgets alloués aux ENSA ces dernières années. Puis, alors que ces situations n'ont pour l'instant pas fait l'objet d'attention particulière de la part du ministère de la culture, il souhaiterait lui demander quelles dispositions il compte mettre en place pour répondre aux inquiétudes légitimes des concernés.

Réponse émise le 6 octobre 2020

La publication, en 2018, de cinq décrets relatifs notamment aux écoles nationales supérieures d'architecture et de paysage (ENSA-P) et au statut de leurs enseignants chercheurs a représenté l'aboutissement de plusieurs années de concertation sur la réforme des écoles et sur l'enseignement en architecture. Les étapes de cette réflexion ont été le rapport de Messieurs Vincent Feltesse et Jean-Pierre Duport issu de la « Concertation sur l'enseignement supérieur et la recherche en architecture » (2013) et le rapport conjoint de l'inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (« Une nouvelle ambition pour la recherche en architecture » - 2014). En 2015, la Stratégie nationale pour l'architecture avait repris une partie des propositions de ces rapports dans son axe C intitulé « Articuler formation, recherche et métiers et rapprocher les univers professionnels de l'architecture, de la construction et du cadre de vie ». Inspirée par la volonté de consolider la place de l'enseignement de l'architecture dans le paysage national de l'enseignement supérieur et de la recherche, la réforme de 2018 s'est également inscrite dans un mouvement de convergence des ENSA-P vers le modèle universitaire, illustré par l'inscription de leur cursus dans le modèle licence-master-doctorat, leur participation à la plateforme Admission Post Bac (remplacée par ParcourSup), leur accréditation conjointe par les ministères chargés de la culture et de l'enseignement supérieur et leur participation active aux politiques de sites universitaires. La réforme a permis de mettre en place plusieurs avancées concrètes. Concernant les enseignants en architecture, deux nouveaux corps d'enseignants-chercheurs ont été créés (les professeurs et les maîtres de conférences des ENSA-P), dont les obligations statutaires incluent désormais une mission de recherche. Avec la création du Conseil national des enseignants-chercheurs des écoles nationales supérieures d'architecture (CNECEA), la réforme a permis d'instaurer une procédure de qualification nationale propre aux enseignants-chercheurs en architecture, identique à celle qui existe dans les universités, et qui consacre le principe d'évaluation par les pairs. Pour la première session de qualification en 2018-2019, le CNECEA a examiné 1 137 dossiers de candidats et en a qualifié un total de 602. La seconde campagne s'est conclue, en mai 2020, par la qualification de 208 candidats (45 professeurs et 163 maîtres de conférences). Les profils des enseignants-chercheurs recrutés dans les ENSA-P sont désormais définis par les établissements eux-mêmes. En application des articles 11 à 13 du décret n° 2018-105 du 15 février 2018 portant statut particulier du corps des professeurs et du corps des maîtres de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture, le recrutement des enseignants-chercheurs au titre des différentes voies (concours, détachement et mutation) est assuré par des comités de sélection dont la composition est définie par les enseignants-chercheurs des conseils pédagogiques et scientifiques des établissements. Pour leur première année de fonctionnement en 2019, les comités de sélection des 20 ENSA-P ont examiné les candidatures de 1 855 candidats. Les comités ont choisi d'en classer 423. Les 112 lauréats définitifs (29 professeurs et 83 maîtres de conférences) de la session 2019 ont été titularisés au 1er septembre 2019. Pour la deuxième année de mise en œuvre de la réforme en 2020, 126 postes d'enseignants chercheurs des ENSA ont été ouverts au concours dans 18 ENSA-P, par voie de détachement, de mutation ou de concours. Les comités de sélection se sont tenus en juin et juillet 2020. Cinq postes s'étant révélés infructueux, 121 lauréats (25 professeurs et 96 maîtres de conférences) devraient être nommés au 1er septembre 2020. Ces recrutements d'enseignants s'inscrivent dans un plan pluriannuel (2018-2023) qui vise, en lien avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, à créer des postes d'enseignants chercheurs en architecture ainsi qu'à modifier la composition du corps enseignant afin d'atteindre 80 % d'enseignants « statutaires » (enseignants-chercheurs et enseignants associés) et 20 % d'intervenants extérieurs et d'enseignants contractuels. Ce plan poursuit l'accroissement du nombre d'enseignants dans les ENSA-P constaté depuis plusieurs années. Ainsi, pour les enseignants rémunérés sur le titre 2, le plafond d'emploi notifié aux écoles est passé de 1 051 en 2016 à 1 101 en 2019. Mesuré en équivalent temps plein, le nombre total d'enseignants titulaires et contractuels est passé de 1 593 en 2017 à 1 802 en 2019. Le nombre d'étudiants inscrits dans les ENSA-P ayant peu varié sur la même période (il représente un peu moins de 20 000 étudiants au niveau national), un nombre plus élevé d'enseignants améliore le taux d'encadrement des étudiants en architecture. Par ailleurs, la réforme a permis de faire figurer dans le code de l'éducation l'autonomie scientifique, pédagogique, administrative et financière des ENSA-P. Elle a renforcé l'ancrage territorial, académique et professionnel des vingt écoles nationales supérieures d'architecture et de paysage, en ouvrant la composition de leurs conseils d'administration aux acteurs locaux (métropole, région, regroupement universitaire, ordre régional des architectes). Elle a également confié à ces établissements une mission d'expertise des politiques publiques de l'architecture, du patrimoine, de l'urbanisme et du paysage, afin de renouveler le dialogue avec les collectivités territoriales sur l'ensemble des défis sociétaux actuels. Ces nouvelles missions issues de la réforme de 2018 contribuent à conférer aux ENSA-P une place centrale dans la formulation et l'apprentissage des solutions pour la transition écologique et énergétique des bâtiments et du cadre de vie, dans la continuité de la Stratégie nationale pour l'architecture de 2015, qui définissait comme priorité l'intervention de l'architecte sur le bâti existant. En octobre 2019, le ministre de la culture avait alors souligné, à l'occasion des Journées nationales de l'architecture, que « l'architecte est un apporteur de solutions : un apporteur de solutions pour les citoyens, pour les collectivités, pour les maîtres d'ouvrage publics ou privés, et plus généralement pour toutes les parties prenantes de la chaîne de la construction, pour la richesse de nos territoires et la transition écologique ». En signant dès 2018 la convention sur « la formation des professionnels aux économies d'énergies dans le bâtiment » (FEE Bat) avec le ministère chargé de la transition écologique et solidaire, le ministère chargé de la cohésion des territoires, le ministère chargé de l'éducation nationale et de la jeunesse, EDF et l'ensemble des acteurs du bâtiment, le ministère de la culture a montré son souhait d'associer l'architecture à la politique publique en faveur de l'environnement et de permettre aux architectes de contribuer à relever les défis écologiques de leur temps. De même, le ministère de la culture soutient depuis plusieurs années le réseau « ENSA ECO » dans les ENSA-P, qui a pour objectif de renforcer les enseignements en matière de transition écologique et de rénovation énergétique dans les formations en architecture pour les étudiants, ainsi qu'en matière de formation continue des enseignants-chercheurs des écoles. En réponse aux interrogations des ENSA-P sur les moyens accordés à la réforme, les directeurs et directrices des ENSA-P ont été reçus en février 2020 par le cabinet du ministre, ainsi que par le directeur général des patrimoines et par la directrice de l'architecture, adjointe au directeur général des patrimoines. Dans un courrier du 4 mars 2020 adressé aux directeurs et aux présidents des conseils d'administration des ENSA-P, le ministre de la culture a annoncé que les postes administratifs vacants dans les écoles seraient immédiatement pourvus, en complément de ceux déjà publiés en 2019 ou ouverts aux concours pour 2020. En outre, le ministère a autorisé la publication du recrutement d'enseignants-chercheurs à hauteur de 149 nouveaux postes pour la rentrée 2020. Dans un courrier précédemment adressé aux directeurs et directrices des ENSA-P, la directrice de l'architecture a également proposé aux établissements et à leurs différentes communautés une approche en trois temps. À court terme, concernant les postes administratifs vacants, les services du ministère de la culture ont identifié les besoins prioritaires des écoles et s'assurent de leur publication, en cohérence avec les plafonds d'emplois notifiés au niveau de l'ensemble des ENSA-P. À moyen terme, une mission d'inspection a été demandée par le ministre à l'IGAC pour faire un bilan d'étape de la réforme et l'inscrire dans une réflexion globale sur son application éventuelle à d'autres établissements d'enseignement supérieur du ministère de la culture. Cette mission permettra notamment d'aborder les questions de moyens alloués aux ENSA-P. En termes de dotations budgétaires, le montant avancé de 7 500 € en moyenne de dépenses pour un étudiant en architecture ne peut pas être vérifié dans l'état actuel des connaissances des coûts. La construction d'une méthode partagée de mesure des dépenses par étudiant dans les établissements de l'enseignement supérieur culture devra faire l'objet de travaux au niveau du ministère dans son ensemble. Enfin, le ministère de la culture a annoncé l'ouverture d'une réflexion plus large sur l'avenir de l'architecture, de la profession d'architecte et de l'ensemble des métiers de l'architecture, en lien avec la formation et la recherche. Elle permettra de mieux préciser les attentes vis à vis de l'enseignement et de la recherche en architecture, dans un contexte qui a évolué par rapport à celui qui avait présidé à la réforme de 2018. Elle pourra prendre en compte notamment l'évolution du cadre institutionnel dans lequel s'inscrivent les ENSA-P (politiques de sites universitaires), les priorités scientifiques de l'État qui seront inscrites dans le projet de loi de programmation de la recherche, ainsi que les enseignements qui seront tirés de la crise sanitaire actuelle en matière de politique pour l'architecture, le logement et l'urbanisme.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.