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Jean-Philippe Nilor
Question N° 30035 au Ministère de l’économie


Question soumise le 2 juin 2020

M. Jean-Philippe Nilor attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la totale incomplétude et inefficacité pour les TPE et TI ultramarins du dispositif de soutien aux « indépendants », menacés par l'épidémie de covid-19. Alors que l'on compte plus de 2 millions d'entreprises de moins de 10 salariés en France, le dispositif de soutien mis en place par le Gouvernement ne devrait concerner que 600 000 d'entre elles. Selon le syndicat des indépendants et des TPE (SDI), de nombreux indépendants précaires en seront donc exclus. Car pour en être bénéficiaire, il faut réaliser moins d'un million d'euros de chiffre d'affaires annuel et faire valoir une perte d'au moins 70 % en mars 2020 par rapport à mars 2019. À l'évidence, cette mesure, comme beaucoup d'autres, traduit la non-prise en compte des territoires « dits ultramarins ». D'où l'échec de toutes les politiques étatiques inadaptées, ne prenant pas en compte les réalités essentielles des acteurs économiques locaux qui, dans leur immense majorité, ne pourront pas satisfaire aux conditions requises. En effet, l'exiguïté du marché, l'éloignement, les difficultés récurrentes d'accès au crédit, l'absence de trésorerie due au retard de paiement des collectivités et le faible taux d'encadrement sont autant de facteurs qui menacent la viabilité de la quasi-totalité de ces entreprises et, de facto, les écartent de ce dispositif. Quid des 1 020 entreprises créées en 2019 par des micro-entrepreneurs, pour sortir d'un chômage endémique qui culmine à 25 %. Quid des TPE et TI qui qui représentent près de 90 % du tissu économique. Alors même qu'ils attendaient des réponses concrètes à toutes ces entraves tenaces et cumulatives, les entrepreneurs ultramarins prennent de plein fouet la vague déferlante de l'épidémie du covid-19. Ce drame accentue l'urgence d'appliquer enfin à ces territoires le modèle de développement qui leur convient. Celui-ci doit être basé sur la valorisation de l'ensemble de leurs ressources, la maîtrise des ressorts de leur destin, ainsi que l'incontournable prise en compte des enjeux sociaux, sociétaux, économiques et environnementaux. Il s'agit donc impérativement de trouver les solutions idoines permettant le sauvetage massif du tissu économique et la nécessaire survie des populations. Par conséquent, M. le député réitère avec vigueur et solennité des propositions urgentes qui relèvent enfin d'une stratégie adaptée pour affronter le désastre charrié par cette crise sanitaire sans précédent, à savoir : décréter l'abrogation des procédures de liquidation des entreprises ultramarines ; interdire les spéculations financières ou toute surenchère, d'acteurs extérieurs, susceptible d'accroître le risque de faillite ou de disparition des entreprises ; mettre en place une nouvelle nomenclature pour les entreprises créées sur les trois dernières années écoulées et qui consiste à leur délivrer un numéro définitif d'identification leur ouvrant la possibilité d'anticiper les évolutions du marché pour adapter leurs activités ; autoriser les collectivités locales à assouplir des règles de marché public afin de les ouvrir aux dirigeants de TPE et TI, artisans en fonction des impacts de la crise sur le développement économique, au plus près des territoires ruraux et urbains ; orienter la politique et les instruments de mobilité géographique vers la mise en œuvre du marché économique régional pour assurer l'intégration des acteurs dans leur environnement immédiat, le bassin caribéen et générer des courants d'affaires ; annuler les charges fiscales et sociales de ces entreprises ; ajuster les missions des agences locales de Pôle emploi afin qu'elles deviennent un véritable outil de planification de l'emploi au service du développement économique. La logique de globalisation économique est à l'origine du naufrage sanitaire que la France vit aujourd'hui. Elle doit désormais laisser place à l'émergence de politiques publiques fondées sur la réduction salutaire de la dépendance des territoires et pays les plus vulnérables. Aussi, il lui demande si, au-delà des discours, il est prêt à changer concrètement de paradigme en adoptant les mesures précitées et en permettant ainsi aux entreprises d'outre-mer de se relever durablement.

Réponse émise le 29 septembre 2020

Pleinement conscients des difficultés économiques que traverse notre pays confronté à la crise sanitaire du Covid-19, le Gouvernement a rapidement pris des mesures d'accompagnement des entreprises d'une ampleur sans précédent. Le caractère d'urgence de la situation, commandait de privilégier une approche globale et progressive du soutien de l'État à l'économie a travers des dispositifs permettant d'aider massivement et efficacement un grand nombre d'entreprises, et en particulier les plus petites d'entre elles, sur l'ensemble du territoire national intégrant les territoires ultramarins. Ainsi, depuis mars 2020, les entreprises d'outre-mer peuvent bénéficier de l'arsenal de mesures décidées par le Gouvernement dans le cadre de ce plan et en particulier des aides du fonds de solidarité mis en place par l'État et les Régions pour aider les petites entreprises les plus touchées par la crise. Il est important de souligner que ce fonds, dont le budget va prochainement être porté à 8 Mds€ a été paramétré de manière à soutenir un maximum d'entreprises et de commerce, en vue de couvrir leurs frais fixes pour la période sur laquelle elles sont impactées. Ainsi, les critères d'accès au fonds ont été progressivement et régulièrement adaptés : c'est en particulier le cas du critère de seuil de perte de chiffre d'affaires (CA) rapidement ramené à 50 %, du mode de calcul de la perte d'activité (intégration du CA mensuel moyen dans le calcul, à partir d'avril 2020), du seuil de bénéfice imposable retenu (doublement du plafond de 60 000 € lorsque l'entreprise compte un conjoint collaborateur), du nombre de salariés dans certains secteurs d'activité (élargissement du fonds aux entreprises employant jusqu'à 20 salariés et réalisant jusqu'à 2 M€ de CA dans l'hôtellerie et la restauration), du critère de date de création de l'entreprise (accès au fonds pour les entreprises créées en février 2020), etc… Ces ajustements progressifs témoignent de la réactivité du Gouvernement et de sa détermination à apporter des réponses efficaces permettant à un plus grand nombre de petites entreprises issues d'un éventail plus large de secteurs d'activité de bénéficier d'une aide. Au 10 juin 2020, le fonds de solidarité qui a permis d'octroyer plus de 172 M€ d'aides à plus de 123 000 bénéficiaires (au titre du premier volet) sur l'ensemble des territoires ultramarins. Pour les secteurs du tourisme, de l'événementiel, du sport et de la culture, particulièrement impactés, le fonds de solidarité restera ouvert jusqu'à la fin de l'année 2020 sur l'ensemble du territoire. En complément, de nombreuses autres mesures sont mises en œuvre dont peuvent notamment bénéficier les entreprises des territoires ultramarins : - le dispositif d'allocation d'activité partielle pour un ou plusieurs employés dans l'impossibilité de travailler, notamment lorsque l'entreprise est confrontée à une baisse d'activité ou des difficultés d'approvisionnement. Depuis le début de la crise sanitaire, ce dispositif couvre les indemnisations versées aux salariés par les entreprises à hauteur de 100 % jusqu'au 31 mai 2020 puis de 85 % à partir du 1er juin 2020 (pour les salaires allant jusqu'à 4,5 fois le SMIC), - la création par le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI) d'une « indemnité de perte de gains » défiscalisée pouvant atteindre 1 250 €, dont peuvent bénéficier les travailleurs non salariés affiliés à la sécurité sociale des indépendants (dont notamment les entrepreneurs individuels, les gérants majoritaires de SARL ou d'EURL), - le report de toutes les charges sociales et fiscales et pour toutes les entreprises qui le demandent, quelle que soit leur taille. Cette mesure représentait au 4 juin 2020, plus de 32 M€ de reports de charges fiscales et sociales accordés pour les entreprises des territoires ultramarins, - la garantie des prêts de trésorerie, ouverte aux territoires ultramarins dès la fin du mois de mars 2020, qui permet une distribution massive de ces prêts (ceux-ci peuvent couvrir jusqu'à 25 % du CA annuel de l'entreprise et pourront être remboursés sur une période allant jusqu'à 6 ans). Au 6 juin 2020, plus de 11 000 entreprises ultramarines ont d'ores et déjà bénéficié de cette mesure pour un total de plus de 2 Mds€, - l'exonération de charges sociales pour les très petites entreprises (TPE) dont l'accueil du public a été interrompu du fait des mesures sanitaires prises pendant le confinement. Ces TPE pourront également avoir recours à l'aide égale à 20 % de la masse salariale versée sur ces trois mois. Les travailleurs indépendants de ces mêmes secteurs bénéficieront d'une réduction forfaitaire de cotisations égale à l'équivalent de 3 mois des cotisations dues en moyenne dans ces secteurs en 2019. Pour ce qui concerne les entreprises en difficulté, le Gouvernement, a pris, dès la fin du mois de mars 2020, des mesures en vue d'adapter temporairement les procédures juridiques applicables à ces entreprises. Ainsi deux ordonnances (n° 2020-346 du 27 mars et n° 2020-596 du 20 mai 2020) favorisent le recours aux procédures préventives et allonge les délais des procédures collectives. En particulier l'ordonnance du 20 mai 2020 prolonge davantage la durée légale des plans de sauvegarde ou de redressement judiciaire et simplifie les plans en cours d'exécution. Il améliore la détection précoce des difficultés pour faciliter le recours aux procédures préventives en élargissant le recours aux sauvegardes accélérées. L'impact de la crise sanitaire sur les entreprises du secteur touristique a également conduit le Gouvernement à édifier un plan d'envergure qui devrait largement bénéficier aux territoires ultramarins pour lesquels le tourisme représente une part plus importante dans le PIB (10 %) que sur le reste du territoire (7 %) -Source Atout France 2017-. Ainsi, un plan de soutien au secteur touristique a été lancé par le Premier ministre le 14 mai 2020. Pour l'essentiel, ce plan prolonge jusqu'à la fin de l'année, le dispositif d'activité partielle et le fonds de solidarité pour les entreprises du tourisme et de l'événementiel sportif et culturel. Une exonération automatique et totale des charges est accordée aux TPE et petites et moyennes entreprises (PME) de moins de 250 salariés de ces secteurs (qu'elles aient déjà acquitté ou non leurs cotisations), à laquelle s'ajoute un crédit de cotisation égal à 20 % des salaires versés depuis février. Un nouveau prêt garanti « saison » avec un plafond plus élevé (porté aux 3 meilleurs mois de l'année 2019) a été mis en place. Ce plan instaure en outre, l'annulation des loyers et redevances d'occupation du domaine public dus aux bailleurs nationaux (État et opérateurs) pour les TPE et PME de ces secteurs pour la période de fermeture administrative. Enfin, un plan d'investissement renforcé à hauteur de 3 Mds€ accompagne la reprise et la transformation du secteur via les prêts Tourisme de Bpifrance et des investissements en fonds propres de la Caisse des dépôts et consignations et Bpifrance dans le secteur. En ce qui concerne spécifiquement les territoires ultramarins, la ministre des outre-mer, et Monsieur Rémy Rioux, directeur général de l'Agence française de développement (AFD), ont lancé fin mai, l'initiative « Outre-mer en commun » dotée d'un montant de 1 Md€. Dédiée au soutien des collectivités locales et des entreprises ultramarines, cette initiative se veut une réponse forte aux conséquences sanitaires, économiques et sociales de la pandémie dans ces territoires. Pour le volet économique, l'AFD s'est notamment engagée à examiner avec bienveillance les demandes de report d'échéances de 6 mois de ses prêts aux collectivités locales et aux entreprises et à accélérer ses procédures de décaissement des financements existantes et ses instructions de prêts budgétaires aux collectivités. S'agissant plus spécifiquement de la zone Pacifique, l'AFD a accordé à la demande et avec la garantie de l'État, un prêt amortissable à la collectivité de la Nouvelle-Calédonie d'un montant de 240 M€ pour faire face au besoin de trésorerie urgent. L'ensemble de ces dispositifs représente un effort sans précédent de l'État pour soutenir les entreprises de l'ensemble du territoire impacté par la crise et favoriser le redémarrage de l'économie des territoires ultramarins dans les mois à venir. La possibilité pour les français de métropole de voyager sans « motif impérieux » dans les territoires d'outre-mer dès le 22 juin 2020, telle qu'annoncée la ministre de l'outre-mer, devrait également y contribuer de façon significative.

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