Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ludovic Mendes
Question N° 30158 au Ministère de la justice


Question soumise le 9 juin 2020

M. Ludovic Mendes appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la mise en application de l'arrêté du 14 avril 2020 modifiant l'arrêté du 13 octobre 2004 portant création du système de contrôle automatisé. Le présent arrêté prévoit en effet l'extension du fichier des contrôles automatisés à l'ensemble des amendes forfaitaires, contraventionnelles et délictuelles et notamment celles concernant les infractions à la réglementation sur le cannabis. Si la lutte contre le trafic et l'usage de stupéfiants doit bien évidemment constituer une priorité pour les responsables publics, l'application du présent arrêté soulève cependant de nombreuses questions. En premier lieu, le temps de sauvegarde des informations relatives à l'usage de cannabis dans le CA (10 ans) semble extrêmement long pour de simples faits de consommation. Alors que l'Assemblée nationale a acté la mise en place d'une expérimentation du cannabis thérapeutique, M. le député s'inquiète de voir demain des concitoyens utilisateurs de cannabis à des fins médicales se retrouver consignés dans le CA avec mention au casier judiciaire, avec les conséquences potentielles en termes d'emplois ou d'insertion que ce type de fichage comporte. De plus, la liste des personnes habilitées à accéder aux informations du CA semble trop large pour garantir un strict respect de la vie privée des citoyens. Il pense notamment ici aux loueurs automobiles ou aux gestionnaires de flotte d'entreprise qui ont accès au CA et peuvent donc facilement obtenir des informations concernant la consommation de cannabis de tierces personnes. Enfin la possibilité du cumul des inscriptions dans différents fichiers (CA, TAJ, OSIRIS, casier judiciaire) pose question : est-il réellement efficace et nécessaire d'appliquer une telle vigilance à l'égard de concitoyens simples usagers ? Il souhaite connaître son avis sur ce sujet.

Réponse émise le 4 mai 2021

A titre liminaire, il convient de rappeler, que la procédure d'amende forfaitaire délictuelle (AFD) ne peut concerner l'usager de cannabis dont la consommation s'inscrit dans le cadre de l'expérimentation thérapeutique menée par le ministère de la santé, dès lors que celle-ci est désormais autorisée par l'article 43 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. L'arrêté du 14 avril 2020, portant modification de l'arrêté du 13 octobre 2004, a pour objet d'étendre l'utilisation du système de contrôle automatisé au traitement des infractions non routières faisant l'objet d'une amende forfaitaire et relevées au moyen d'appareils électroniques. L'extension du périmètre du système de contrôle automatisé (SCA) à l'ensemble des infractions sanctionnées par une amende forfaitaire répond notamment au choix du législateur de développer la forfaitisation de certains délits et de simplifier le recueil des infractions constatées par une solution de verbalisation électronique. Elle est également justifiée par la volonté de s'appuyer sur l'expertise acquise au Centre National de Traitement et par l'ANTAI dans le développement des systèmes d'information et traitement des données issues du PV électronique. Toutes les modifications de cet arrêté, en ce qu'il est relatif au traitement automatisé de données à caractère personnel, ont été effectuées après avis de la CNIL, qui dans sa délibération n° 2020-043 du 9 avril 2020, a constaté que les finalités poursuivies par ce traitement, s'agissant de la gestion des procès-verbaux électroniques, en lien avec des amendes forfaitaires sont « explicites et légitimes, conformément à l'article 6-2° de la loi Informatique et Libertés et que son périmètre de traitement est clairement délimité par les textes législatifs et réglementaires applicables. » S'agissant des catégories de données collectées définies à l'article 2 de l'arrêté précité, la CNIL a considéré qu'elles étaient « adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées. » S'agissant de l'accès au fichier, l'article 3 de l'arrêté précité énumère les personnes pouvant accéder à tout ou partie des données et informations enregistrées dans le traitement SCA, à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d'en connaître, d'une part, pour les infractions relatives à la circulation routière, et d'autre part, pour les autres infractions faisant l'objet d'une procédure d'amende forfaitaire. Sur ce point, il convient de préciser que les loueurs et gestionnaires de flotte ne font pas partie de la liste des personnes pouvant avoir accès aux données des infractions autres que routières. En effet, conformément aux dispositions de l'article 4 de cet arrêté, leur accès à certaines données n'est prévu que « pour les infractions relatives à la circulation routière », ce qui exclut donc l'usage de stupéfiants. S'agissant enfin de la durée de conservation des données, il convient tout d'abord de rappeler que l'usage de stupéfiant reste un délit puni d'un an d'emprisonnement et 3750 € d'amende. Comme le relève la CNIL dans sa délibération du 9 avril 2020, ce sont les délais de recours et de mise en paiement des amendes qui expliquent la nécessité de prévoir un délai de conservation des données qui excède l'application stricte du délai théorique de prescription de la peine. Ainsi, la durée de conservation de dix ans prévue à l'article 2 de l'arrêté précité est à mettre en lien avec la lecture combinée des articles 133-3 du code pénal qui prévoit que les peines correctionnelles se prescrivent par six années révolues à compter de la date à laquelle la décision de condamnation est devenue définitive et l'article 495-19 du code de procédure pénale relatif à l'amende forfaitaire majorée qui prévoit, d'une part, que la prescription de la peine commence à courir à compter de la signature par le ministère public du titre exécutoire et, d'autre part, que la contestation consécutive à l'envoi de l'avis d'amende forfaitaire majorée reste recevable tant que la peine n'est pas prescrite, s'il ne résulte pas d'un acte d'exécution ou de tout autre moyen de preuve que l'intéressé a eu connaissance de l'amende forfaitaire majorée. Enfin, l'alimentation de différents fichiers dans le cadre de l'AFD s'explique par les finalités distinctes qui sont attribuées à chacun d'entre eux, alors, par ailleurs, que ces fichiers ont vocation à être alimentés et consultés par des autorités distinctes, et qui interviennent successivement dans le cadre de la procédure d'AFD. L'ensemble de ces fichiers fonctionnant après avis et sous le contrôle de la CNIL, leur alimentation apparait justifiée et proportionnée aux finalités attribuées à chacun d'entre eux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.