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Danièle Obono
Question N° 30544 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 23 juin 2020

Mme Danièle Obono interroge M. le ministre de l'intérieur sur les données relatives aux contrôles et verbalisations dans le cadre du respect des mesures de confinement Le ministre de l'intérieur a rendu publiques des statistiques indiquant une concentration considérable des contrôles et verbalisations dans les quartiers populaires, notamment dans le département de la Seine-Saint-Denis, le plus pauvre de la France métropolitaine. Ainsi, le 23 avril 2020, lors d'une interview donnée à RMC, le ministre de l'intérieur a affirmé que 220 000 contrôles avaient été effectués en Seine-Saint-Denis, soit « plus du double de la moyenne nationale ». Libération a aussi publié des données du ministère de l'intérieur indiquant un taux de verbalisation dans ce même département trois fois supérieur à la moyenne nationale (17 % contre 5,9 %). Le ministère de l'intérieur a aussi indiqué qu'à Marseille, les deux tiers des procès-verbaux de verbalisation avaient été dressés dans les quartiers populaires. Ces révélations sont malheureusement partielles et ne permettent pas une information complète de la mise en œuvre des contrôles et verbalisations. Elle souhaiterait avoir accès à toutes les données relatives aux contrôles et verbalisations réalisés dans le cadre du contrôle du respect des mesures de confinement, ventilées par commissariat et par secteur (incluant les ZSP).

Réponse émise le 6 octobre 2020

Face à l'épidémie de covid-19, les forces de l'ordre se sont mobilisées pour faire respecter les règles du confinement décidé par le Président de la République et les mesures induites par l'état d'urgence sanitaire. En moyenne, 100 000 policiers et gendarmes ont ainsi été déployés en permanence pour contrôler le respect de ces règles par nos concitoyens. Les policiers comme les gendarmes ont accompli en la matière un travail remarquable, qui n'était pas simple. Si le strict respect des règles était indispensable, il était tout aussi important que les forces de l'ordre procèdent aux contrôles avec discernement et en privilégiant la pédagogie. Le contrôle devait donc être réalisé dans le dialogue et l'échange, expressément prônés dans les instructions adressées aux effectifs. Des erreurs d'appréciation ont pu être commises, notamment dans l'interprétation de règles nouvelles pour la mise en œuvre desquelles les personnels ne disposaient pas du recul nécessaire. Pour préciser ces points, des instructions, régulièrement mises à jour, ont été données sur la manière dont ces règles devaient être interprétées et mises en œuvre. Dans l'ensemble, les Français ont très largement respecté les règles et les contrôles exercés n'ont pas soulevé de difficultés particulières. Les règles du confinement avaient vocation à s'appliquer et à être contrôlées de la même façon partout sur le territoire, sans aucune exception. Tel a été le cas. Il n'y a évidemment eu aucune « différence de traitement réservée aux habitants des quartiers populaires », où le confinement a pu être plus dur compte tenu de conditions d'hébergement souvent plus difficiles que dans d'autres parties du territoire. Par ailleurs, il doit être noté que si la question écrite dénonce une « concentration considérable des contrôles et verbalisations dans les quartiers populaires », cette perception est loin de faire l'unanimité puisqu'il a aussi été reproché aux forces de l'ordre de ne pas suffisamment intervenir dans ces mêmes quartiers populaires. En tout état de cause, dans ces quartiers comme ailleurs, la population a manifesté un civisme qui doit être salué. Pour autant, des réfractaires se sont obstinés à sortir sans attestation de déplacement dérogatoire et, parfois, notamment dans certains quartiers sensibles, des groupes d'individus ont retrouvé leurs réflexes d'occupation de la voie publique. Il est arrivé également que la verbalisation pour non-respect des mesures de confinement donne lieu à des provocations, des rébellions ou des outrages commis au préjudice des forces de l'ordre, parfois à des guets-apens ou à des violences urbaines. Ces situations ont pu conduire à des contrôles accrus de la part des forces de l'ordre, qui ne sauraient être interprétés comme une quelconque stigmatisation de tel ou tel secteur, mais comme la nécessité de faire respecter le droit et de protéger la population en veillant à ce que le comportement irresponsable et illégal de certains ne mette pas en danger les habitants de ces quartiers. Entre le 17 mars et le 10 mai 2020, plus de 21 millions de personnes ont été contrôlées par les forces de l'ordre en France (dont un peu plus de 2 millions dans la zone de compétence de la préfecture de police, soit à Paris et en petite couronne). Durant cette même période, 1,17 million de personnes ont été verbalisées (dont un peu plus de 180 000 dans la zone de compétence de la préfecture de police). Concernant ces données chiffrées, il doit être souligné que, dans la période exceptionnelle que le confinement a constitué pour la France, notamment sur le plan juridique, il était légitime que l'Etat soit en mesure de rendre compte précisément de son action, pour en informer la population mais aussi ses représentants et, donc, le Parlement. Les services de police et de gendarmerie nationales se sont donc organisés pour comptabiliser les contrôles exercés, par exemple dans le cadre des comptes rendus de patrouilles. Ces chiffres, fréquemment agrégés au niveau départemental et zonal, étaient ensuite centralisés au niveau du ministère de l'intérieur. Il va de soi qu'ils n'ont donné lieu à aucune forme de traitement centralisé ou déconcentré de données à caractère personnel et que sont donc sans objet les craintes sur les « moyens par lesquels les données liées à la vie privée sont […] protégées ». Sauf incident ou procédure judiciaire, les contrôles ne donnaient évidemment lieu à aucun enregistrement quel qu'il soit de données personnelles dans des « bases de données [ou] fichiers ». Il doit aussi être rappelé que ces données sont sans lien aucun avec les contrôles d'identité. Ceux-ci relèvent d'un cadre juridique distinct, qui recouvre plusieurs situations fixées par le code de procédure pénale (contrôles judiciaires, contrôles administratifs, etc.). La France étant un Etat de droit, quiconque peut contester une infraction relevée à son encontre. Il en est ainsi des verbalisations qui ont pu être établies dans le cadre du contrôle du respect du confinement. Les particuliers qui estimaient leur verbalisation infondée ou la légalité matérielle des conditions concrètes des contrôles discutable pouvaient ainsi contester la contravention dont ils avaient fait l'objet. Aussi, le délai de recours devant un juge a été porté de 45 à 90 jours. Ce recours pouvait être précédé d'une demande d'indulgence auprès de l'officier du ministère public. Il doit être souligné que le nombre de verbalisations problématiques a été extrêmement faible. Après vérification, la plupart des contrôles polémiques allégués sur les réseaux sociaux n'ont d'ailleurs pas été confirmés. Peu d'incidents ont été portés à la connaissance des services par la plate-forme de signalement de l'inspection générale de la police nationale. La moitié de ces signalements portaient sur des contestations de verbalisation et ont fait l'objet d'une orientation vers l'officier du ministère public, seul compétent pour les traiter. Les autres portaient sur le comportement des agents, leur courtoisie ou le degré de contrainte exercée. Ces signalements ont été orientés vers les directions actives de police, chargées d'exercer le contrôle interne sur la mise en application des mesures de police liées au confinement et sur les conditions générales de contrôle et de verbalisation. Par ailleurs, et comme c'est le cas tout au long de l'année dans un Etat de droit, les usages de la force ressentis comme illégitimes, ainsi que les contrôles qui auraient pu revêtir un caractère discriminatoire, pouvaient être dénoncés dans les conditions de droit commun. Tout usager pouvait ainsi déposer plainte auprès d'un service de police ou de gendarmerie ou directement auprès du procureur de la République. Comme c'est le cas tout au long de l'année, les personnes concernées pouvaient aussi signaler les faits auprès de l'inspection générale de la police nationale par l'intermédiaire de sa plate-forme de signalement en ligne ou auprès de l'inspection générale de la gendarmerie nationale via un formulaire de contact accessible sur internet.

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