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Hubert Julien-Laferrière
Question N° 30665 au Ministère de la justice


Question soumise le 23 juin 2020

M. Hubert Julien-Laferrière interroge M. le ministre des solidarités et de la santé sur la réglementation et la protection contre l'exposition au plomb au sein des immeubles en copropriété. En effet, de nombreux copropriétaires se trouvent aujourd'hui dans l'impasse en raison d'une réglementation non clarifiée dans le cas d'une majorité constamment opposante aux travaux de rénovation des canalisations au sein du syndic de copropriété. Dans la perspective d'une action pour abus de majorité lorsque la majorité du syndic s'oppose aux travaux de rénovation des canalisations alors même que la teneur relevée officiellement par plusieurs avis de l'écologie urbaine confirment une teneur en plomb largement supérieure à la limite réglementaire de 10µg/l, une clarification paraît absolument nécessaire quant au caractère obligatoire ou non pour la copropriété d'effectuer les travaux. Suivant une jurisprudence constante de la Cour de cassation entreprise peu après la publication de la loi du 13 juillet 1965, la constatation d'un abus de majorité permet de passer outre les règles habituelles de vote en assemblée générale : « constitue un abus de majorité la décision refusant d'accorder, sans motifs sérieux, les crédits nécessaires pour la réalisation des travaux indispensables à l'usage normal des parties communes et à la sécurité des copropriétaires » (Arrêt de principe : Cass. 3e civ., 29 oct. 1969 n° 67-14.630, Bull., n° 689 : Gaz. Pal. 1970, 1, p. 229, note Morand : « le syndic a le droit et le devoir d'exécuter, nonobstant une décision contraire de l'assemblée générale des copropriétaires, les travaux indispensables à la conservation de l'immeuble ».) La question se pose donc de savoir si les travaux requis, compte tenu de la teneur en plomb relevée supérieure au seuil limite, représentent des « travaux indispensables » (imposés par l'administration et menaçant la sécurité sanitaire des personnes) permettant de solliciter la jurisprudence sur l'abus de majorité. Il existe en effet, à l'origine de ce questionnement une ambiguïté réelle ou supposée des termes employés par le ministère de la santé lorsqu'il mentionne sur son site officiel de façon contradictoire en continuité : « la directive européenne et la réglementation française relative à la qualité de l'eau destinée à la consommation humaine n'imposent pas le remplacement systématique des canalisations en plomb des réseaux intérieurs » et, in fine : « tout en imposant le respect des valeurs limites ». Lorsque les valeurs limites en plomb ne sont pas respectées, les copropriétaires ont-ils l'obligation d'effectuer les travaux ? Les textes en vigueur permettent-ils d'imposer une telle mesure aux copropriétaires la refusant ? En outre, aux termes du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent, le propriétaire bailleur est tenu de délivrer un logement décent. De plus, il n'existe pour l'heure ni diagnostic obligatoire lors de la vente d'un appartement, ni dans les textes d'obligation expresse de remplacement des installations de distribution en plomb dans les immeubles en copropriété. Dans ces conditions, il paraît utile de réfléchir au renforcement de la protection contre l'exposition au plomb dans l'eau potable en envisageant l'instauration d'une obligation sanctionnée après une mise en demeure comme en matière de législation sur les immeubles menaçant ruine, de procéder au remplacement des canalisations n'assurant pas le respect des critères de qualité de l'eau potable. C'est pourquoi il l'interroge afin, d'une part, de voir la réglementation clarifiée rapidement pour informer les copropriétaires de leur possibilité ou non de dénoncer l'abus de majorité au sein des syndics dans le cas d'une teneur en plomb supérieure au seuil limite et, d'autre part, dans quelle mesure pourrait être renforcée la réglementation afin de pallier les nombreuses situations de travaux non réalisés eu égard aux copropriétaires refusant les travaux de rénovation.

Réponse émise le 6 octobre 2020

Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 1334-8 du code de la santé publique, les parties communes de tout immeuble collectif affecté en tout ou partie à l'habitation, et construit avant le 1er janvier 1949, doivent avoir fait l'objet d'un constat de risque d'exposition au plomb, avant le 12 août 2008. Ce constat présente un repérage des revêtements contenant du plomb et, le cas échéant, dresse un relevé sommaire des facteurs de dégradation du bâti (article L. 1334-5 du code de la santé publique). Si ce constat de risque d'exposition au plomb fait apparaître la présence, dans les parties communes de l'immeuble, de revêtements dégradés contenant du plomb à des concentrations supérieures aux seuils définis par l'arrêté du 19 août 2011 relatif au constat de risque d'exposition au plomb (NOR : ETSP1123269A), le syndicat des copropriétaires devra procéder aux travaux appropriés pour supprimer le risque d'exposition au plomb, tout en garantissant la sécurité des occupants, conformément aux dispositions de l'article L. 1334-9 du code de la santé publique.  S'agissant de travaux rendus obligatoires en vertu de dispositions législatives ou réglementaires, relevant du b) de l'article 24 de la loi du 10 juillet 1965, l'assemblée générale a seulement compétence pour statuer sur les modalités de leur réalisation ou de leur exécution, autrement dit les conditions techniques et financières de leur mise en œuvre, nonobstant toute mise en demeure ou injonction de l'administration, usant de ses pouvoirs coercitifs. En application du I de l'article L. 1334-2 du code de la santé publique, si des revêtements dégradés contenant du plomb à des concentrations supérieures aux seuils définis par arrêté sont susceptibles d'être à l'origine d'intoxication d'un mineur, le préfet notifie au syndicat des copropriétaires son intention de faire exécuter sur l'immeuble, aux frais du syndicat, les travaux nécessaires pour supprimer le risque constaté. Si le syndicat ne conteste pas la nature des travaux envisagés, ceux-ci devront être exécutés par lui dans le mois de la notification du préfet, après qu'il a fait connaître son intention dans les dix jours de cette même notification, sauf si l'hébergement de tout ou partie des occupants est assuré hors des locaux concernés, le délai de réalisation des travaux étant alors porté à trois mois maximum. La charge de ces travaux pésera en toutes hypothèses sur le syndicat des copropriétaires auprès duquel le préfet pourra récupérer les frais engagés. A défaut de contestation dans le délai de dix jours ou d'engagement dans le même délai de réaliser les travaux prescrits, ou encore en cas de non-respect de son engagement de réaliser les travaux à l'issue du délai fixé dans la notification, le syndicat des copropriétaires est redevable d'une astreinte d'un montant maximal de 1.000 € par jour de retard, prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 543-1 du code de la construction et de l'habitation, relevant du livre V relatif à « l'habitat indigne » (II de l'article L. 1334-2 précité, dans sa rédaction issue de l'article 194 de la loi dite ELAN n° 2018-1021 du 23 novembre 2018).  Lorsqu'une astreinte applicable à chaque lot a été notifiée au syndicat des copropriétaires, pris en la personne du syndic, celui-ci en informe immédiatement les copropriétaires, conformément au premier alinéa de l'article 24-8 de la loi n ° 65-557 du 10 juillet 1965. Par ailleurs, s'agissant de la possibilité pour un copropriétaire de se prévaloir d'un abus de majorité pour demander la nullité d'une décision de l'assemblée générale, il appartient au copropriétaire qui demande la nullité d'une telle décision de démontrer que celle-ci a été adoptée sans motif valable, dans un but autre que la préservation de l'intérêt collectif de l'ensemble des copropriétaires (Civ. 3ème, 8 février 1989, n° 87-14322) ou encore qu'elle rompt l'égalité des copropriétaires (Civ. 3ème,  11 décembre 2006, n° 05-10924) ou a été prise avec l'intention de nuire ou de porter préjudice à certains (Civ. 3ème, 29 novembre 2011, n° 10-28146). Il a pu être jugé que des travaux de remplacement de colonnes montantes où se trouvent du plomb, donc dangereuses pour la santé des copropriétaires, par des colonnes saines, répondent à un intérêt collectif (Tribunal de Grande Instance de Paris, 8ème chambre, 1ère section, 17 octobre 2017, n° 15/12507). Dès lors, un refus par l'assemblée générale de réaliser de tels travaux indispensables à la préservation de la santé des occupants (a) de l'article 24 de la loi du 10 juillet 1965), en présence d'un risque avéré d'exposition au plomb pour un mineur pourrait, sous réserve de l'appréciation souveraine des juridictions, être considéré comme constitutif d'un abus de majorité de nature à invalider la décision, dès lors que ce refus ne serait pas justifié par un motif légitime (Cour d'appel de Versailles, 4ème chambre, 1er juillet 2013, n° 11/07929, Jurisdata n° 2013-015409). Au regard de l'ensemble de ces éléments, il n'est pas envisagé de modifier la réglementation actuellement en vigueur.

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