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Emmanuelle Ménard
Question N° 3105 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 21 novembre 2017

Mme Emmanuelle Ménard interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les conditions de travail des policiers. L'organisation du travail et la gestion des cycles horaires des fonctionnaires de la police nationale font régulièrement l'objet d'alertes par les instances syndicales tant au niveau national qu'au niveau départemental. Déjà en 2015, une enquête réalisée par le ministère de l'intérieur révélait le malaise extrêmement profond qui affecte les gradés ou les gardiens de la paix : plus de 80 % trouvent le climat social actuel mauvais ; 72 % d'entre eux trouvent les conditions matérielles insatisfaisantes ; 83 % sont mécontents de leurs possibilités d'avancement et de promotion ; 69 % ont leur motivation en baisse ; 51 % sont insatisfaits de l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle ; 62 % des CEA sont insatisfaits de leur évolution/déroulement de carrière. Pour répondre à ce malaise, un réseau de psychologues au sein des directions départementales a été mis à la disposition des forces de l'ordre. Pourtant, force est de constater qu'avec une nouvelle vague de suicides emportant 8 personnes en une semaine et amenant à 47 le nombre de suicides de policiers et à 16 celui des gendarmes pour l'année 2017, le malaise qui accable les forces de l'ordre ne fait qu'empirer. Conscient des conditions de travail extrêmement pénibles des forces de l'ordre, M. le ministre déclarait, lors des questions au Gouvernement du 14 novembre 2017, que « la dureté des tâches ne peut être éludée » dans ces drames. Soumis à la pression des risques d'attentats, de l'état d'urgence aux manifestations sous haute sécurité, ainsi qu'à leur travail quotidien, les forces de l'ordre subissent un cycle de travail généralisé dit « 4 x 2 » qui ne leur permet de bénéficier que d'un weekend de repos sur six. Les arrêts maladie se multiplient. Les solutions existent, notamment en mettant en place un nouveau cycle de travail 2/2/3/2/3/2 dit « vacation forte » qui permettrait de prévenir un certain nombre de risques psycho-sociaux dans l'ensemble des commissariats de France. Elle lui demande donc quelles dispositions il compte prendre pour aboutir rapidement à une solution sur l'aménagement des cycles de travail des policiers.

Réponse émise le 16 janvier 2018

Dans un souci de modernisation de la gestion des ressources humaines, une réforme des cycles de travail de la police nationale a été engagée en 2014 avec pour objectif de mieux répondre aux attentes des personnels (conciliation vie privée-vie professionnelle) et de mieux prévenir les risques psycho-sociaux, tout en maintenant le potentiel opérationnel des services. Cette réforme s'imposait également au regard du droit européen en matière de santé et de sécurité au travail (directive 2003/88/CE en date du 4 novembre 2003 concernant certaines aspects de l'aménagement du temps de travail) car certains cycles de travail n'étaient pas conformes aux normes européennes. En effet, la directive initiale du 23 novembre 1993 avait été déclinée en droit interne par décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat mais le décret du 23 octobre 2002 portant dérogation aux garanties minimales de durée du temps de travail et de repos applicables aux personnels de la police nationale en excluait une grande partie du champ d'application de la directive. La transposition en droit interne ayant été contestée sur le plan juridique au niveau européen, un décret du 30 janvier 2017 a modifié le décret du 23 octobre 2002 précité et repris l'ensemble des prescriptions de la directive, qui s'appliquent dorénavant aux policiers. Les différentes instructions générales relatives à l'organisation du travail dans la police nationale (IGOT) ont également été modifiées, en septembre 2016 puis mai 2017. L'ensemble des textes régissant les cycles de travail dans la police nationale sont dorénavant en conformité avec le droit communautaire. Un arrêté portant sur l'organisation du temps de travail est toutefois encore nécessaire afin d'assurer l'application du décret du 30 janvier 2017 précité. Son élaboration est en cours, pour une publication au premier trimestre 2018. La réforme a fait l'objet d'une vaste concertation avec les organisations syndicales représentatives, tant au niveau central que territorial, en particulier dans le cadre des comités techniques. Le dialogue social se poursuit. Si elle représente une avancée sociale, la réforme du temps de travail a un impact important sur le fonctionnement des services et leur potentiel opérationnel. Ce vaste chantier, complexe et délicat, a suscité des tensions et soulève encore des interrogations, notamment concernant le cycle dit de la « vacation forte », qui permet aux agents de bénéficier d'un week-end sur deux de repos. La plupart des nouveaux cycles de travail peuvent être mis en œuvre à effectifs constants. Les principales évolutions constituent en effet des adaptations du cycle « 4/2 » actuel, dont une, le « 4/2 compressé », permet à coût constant de répondre à l'aspiration principale des personnels en matière de conciliation entre vie privée et vie professionnelle (diminution du nombre de week-ends travaillés). Cependant, les personnels sont dans leur majorité favorables au cycle dit de la « vacation forte », qui est plus coûteux en équivalents-temps plein, à potentiel opérationnel constant, que le cycle « 4/2 ». Il ne peut donc être retenu que lorsque les conditions sont réunies pour que son adoption ne porte pas atteinte au bon fonctionnement des services. La réforme doit en effet concilier les aspirations des personnels avec les impératifs opérationnels, donc le service rendu à la population, et ainsi assurer la meilleure disponibilité opérationnelle possible des effectifs tout en limitant au mieux les ruptures de rythmes de travail, contraignantes pour les fonctionnaires et affectant leur vie privée et familiale. L'adoption de la « vacation forte » est conditionnée à des critères fixés par une instruction du 10 août 2016 de la direction générale de la police nationale (DGPN), rappelés dans une note du 22 novembre 2016 : faisabilité opérationnelle, accroissement du niveau de sécurité des personnels avec la mise en place de patrouilles de trois policiers dans les secteurs particulièrement difficiles, préservation des capacités des unités d'appui concourant au second niveau du « schéma national d'intervention » (lutte anti-terroriste). L'administration centrale a ainsi été conduite à émettre des avis négatifs sur certains projets de « vacation forte », au regard des impératifs précités et notamment du volume d'effectifs disponibles. A ce jour, le cycle de la « vacation forte » a ainsi été retenu, après validation par l'administration centrale, pour 15 % des services territoriaux de la direction centrale de la sécurité publique (DCSP), qui sont les principaux concernés par la réforme. La question de l'éventuelle extension à de nouvelles unités du cycle de la « vacation forte » pourra cependant être examinée lorsque les conditions le justifieront, mais toujours dans le respect des impératifs de service public précités. La mise en œuvre de la réforme est en voie d'achèvement. L'ensemble des comités techniques départementaux qui devaient rendre un avis concernant les services territoriaux de la sécurité publique ont été réunis. Au terme du processus, une fois les nouveaux cycles arrêtés dans tous les services, après validation par l'administration centrale, il sera possible d'avoir une vision globale et exhaustive du nouveau régime de temps de travail. Une stratégie de long terme sera alors fixée. Dans ce cadre, et à la demande du directeur général de la police nationale, l'inspection générale de la police nationale (IGPN) conduira tout au long de l'année 2018 une mission d'évaluation portant sur différents types de services et sur les différents cycles, en lien en particulier avec la médecine de prévention. Cette évaluation prendra en compte les aspects opérationnels mais également les questions de sécurité, d'hygiène et de santé des personnels. Il convient de souligner que la réforme des cycles horaires n'épuise pas la question des conditions de travail des policiers, et notamment du malaise qui a pu se manifester ces derniers mois dans leurs rangs. Cette question est au cœur des préoccupations du ministère de l'intérieur. Les efforts déjà engagés pour moderniser leurs équipements, accroître leurs moyens et renforcer leur protection vont ainsi se poursuivre. Mais des réponses autres que matérielles ou techniques sont aussi indispensables. A cet égard, les mesures qui ont été décidées pour renouveler les modes d'action et le rapport à la population (police de sécurité du quotidien) et pour alléger les charges procédurales et les tâches indues - qui non seulement pèsent sur les policiers mais les éloignent aussi de leur métier - apporteront des réponses aux fortes attentes des policiers concernant le sens de leur mission, de leur vocation, et les conditions de son exercice.

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