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Emmanuelle Ménard
Question N° 31065 au Ministère de l’enseignement supérieur


Question soumise le 14 juillet 2020

Mme Emmanuelle Ménard attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur les dangers d'une légalisation des chimères animales avec adjonctions de cellules humaines. Le projet de loi bioéthique déposé le 24 juillet 2019 envisage une nouvelle rédaction du deuxième alinéa de l'article L. 2151-2 du code de la santé publique. La formule actuellement en vigueur (« la création d'embryons transgéniques ou chimériques est interdite ») deviendrait : « La modification d'un embryon humain par adjonction de cellules provenant d'autres espèces est interdite ». Cette nouvelle rédaction viendrait donc autoriser la création d'embryons transgéniques mais également la modification d'un embryon animal par adjonction de cellules provenant d'autres espèces, notamment humaine. Outre cette création, l'implantation de cette chimère serait également autorisée. En juin 2018, dans une étude faite à la demande du Premier ministre et intitulée « révision de la loi bioéthique, quelles options pour demain ? », le Conseil d'État avait analysé trois risques principaux « se rattachant à la transgression des frontières entre l'Homme et l'animal » : « - le risque de susciter une nouvelle zoonose ( C'est à dire une infection ou infestation qui se transmet naturellement des animaux vertébrés à l'homme et vice versa) ; - le risque de représentation humaine chez l'animal (si ce dernier aquérait des aspects visibles ou des attributs propres à l'humain) ; - le risque de conscience humaine chez l'animal (si l'injection de cellules pluripotentes humaines produisait des résultats collatéraux induisant des modifications chez l'animal dans le sens d'une conscience ayant des caractéristiques humaines ». Ces dangers ont également été soulevés par la communauté scientifique. L'étude d'impact gouvernementale soutient l'autorisation des chimères sous prétexte que son interdiction serait « devenue incohérente au regard de l'avancée des techniques ». Mais est-ce à la technique de dicter sa loi ? Elle lui demande donc s'il envisage de considérer que le progrès doit savoir parfois s'effacer devant les dangers soulevés par la légalisation des chimères.

Réponse émise le 4 mai 2021

Le projet de loi de bioéthique adopté en seconde lecture à l'Assemblée nationale le 31 juillet 2020 précise l'interdit posé au deuxième alinéa de l'article L. 2151-2 du code de la santé publique concernant l'embryon chimérique. Les dispositions adoptées s'appuient précisément sur l'avis du Conseil d'État cité qui relève l'ambiguïté de l'interdit actuel, tout en estimant qu'il ne s'étend pas aux chimères constituées à partir d'un embryon animal. Elles n'excluent pas la recherche sur l'embryon animal chimérique, car renoncer à toute étude nécessitant l'adjonction de cellules souches pluripotentes humaines à un embryon animal, alors que de telles recherches récemment menées à l'étranger ouvrent une voie très prometteuse, reviendrait à interdire aux chercheurs français toute possibilité d'avancée dans ce domaine. Dans son étude du 28 juin 2018, le Conseil d'État ne l'a d'ailleurs pas recommandé. L'insertion de cellules souches pluripotentes humaines dans un embryon animal pose cependant, il est vrai, des questions éthiques. C'est pourquoi le projet de loi prévoit un encadrement spécifique pour ces recherches. Les articles 14 et 15 tels qu'adoptés en deuxième lecture à l'Assemblée nationale établissent qu'elles feront l'objet d'une déclaration auprès de l'Agence de la biomédecine, disposition qui suit les préconisations de l'avis 129 du Comité consultatif national d'éthique. D'après le projet adopté, l'Agence de la biomédecine devra s'opposer au protocole de recherche déclaré s'il méconnaît les principes éthiques énoncés aux articles 16 à 16-8 du code civil et au titre Ier du livre II de la première partie du code de la santé publique, parmi lesquels figure, entre autres, l'interdiction de porter atteinte à l'intégrité de l'espèce humaine. Il n'est donc nullement question de laisser la technique dicter sa loi, mais bien de poser des limites et de contrôler spécifiquement ces recherches, sans pour autant les interdire dès lors que, porteuses d'espoir, elles peuvent être menées dans le respect des principes éthiques consacrés par le code civil et le code de santé publique.

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