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Caroline Fiat
Question N° 31073 au Ministère auprès du ministre de l’économie


Question soumise le 14 juillet 2020

Mme Caroline Fiat interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, sur la fiscalité du tabac. Malgré la hausse du prix du tabac, la consommation demeure à un niveau particulièrement élevé en France, du fait notamment d'un report des achats sur les pays frontaliers. À l'occasion du confinement, les frontières ayant été fermées, de nombreux Français ont réalisé leurs achats de tabac auprès des buralistes français plutôt que de l'autre côté des frontières, où, quel que soit le pays, le tabac est moins cher du fait d'une fiscalité plus faible. À titre d'exemple, en Ariège, les buralistes ont vu leurs ventes augmenter de 71 % durant le confinement, dans le Bas-Rhin de 52 %. Cette observation, particulièrement révélatrice, fait écho à celles de la Cour des comptes dans son rapport annuel de 2016. Elle y faisait état d'un manque de données objectives relatives à « l'impact des hausses [de fiscalité] sur les circuits d'achat et même pour évaluer l'importance actuelle des ventes hors réseau officiel ». « Les désaccords persistants sur l'intensité du commerce illicite apparaissent une difficulté majeure pour mener dans la durée une politique de prix qui contribue efficacement aux objectifs de santé publique », observait-elle. Dans ce même rapport, la Cour des comptes observait que depuis son dernier rapport où elle recommandait « aux pouvoirs publics d'engager des actions au plan européen en vue d'une meilleure harmonisation des niveaux de taxation et de prix du tabac », l'Assemblée nationale avait adopté en 2015 « une résolution appelant à une coordination des politiques européennes en matière de prévention et de lutte contre le tabac, notamment par "une harmonisation fiscale par le haut" ». Le 11 septembre 2015, les ministres chargés de la santé et du budget avaient alors saisi la Commission européenne en ces sens. Force est de constater qu'aucune action n'a encore été mise en œuvre à ce jour malgré les promesses faites depuis 2015. Le rapport parlementaire d'information de l'Assemblée nationale n° 3786 « sur les conséquences fiscales des ventes illicites de tabac » évaluait à 2,5 milliards d'euros le manque à gagner pour l'État. Dès lors, pour récupérer cette manne fiscale, soutenir les buralistes et rendre plus opérantes les mesures de santé publique, elle lui demande s'il envisage de coordonner l'action de la France avec celle des autres pays européens pour mettre fin à ces différentiels de fiscalité.

Réponse émise le 3 novembre 2020

Le Gouvernement a engagé une politique de santé publique ambitieuse en matière de lutte contre le tabagisme. Cela passe par une hausse régulière de la fiscalité sur les produits du tabac, adoptée par le Parlement fin 2017, qui s'achèvera en novembre 2020. Cette politique conduit à un différentiel de prix avec nos pays voisins. Comme il est évoqué, la fermeture des frontières intra-européennes liée à la crise sanitaire s'est traduite par une hausse des ventes de tabac dans les zones frontalières, mettant ainsi en lumière l'ampleur du phénomène des achats transfrontaliers. Ce phénomène pénalise notre politique de santé publique, génère des pertes de recettes fiscales et impacte négativement le chiffre d'affaires des buralistes implantés dans les zones frontalières. Pour ces raisons, le ministre délégué chargé des comptes publics confirme son intention de soutenir l'activité des buralistes français et de poursuivre la lutte contre les trafics de tabacs manufacturés. Dans cet esprit, dès sa prise de fonctions, il a souhaité que de nouvelles mesures soient rapidement adoptées afin de lutter contre le phénomène des achats transfrontaliers de tabac. À cet effet, la loi de finances rectificative du 30 juillet 2020 modifie, à son article 51, les seuils de présomption de détention de tabacs manufacturés à des fins commerciales, prévus à l'article 575 I du code général des impôts (CGI). Ces seuils sont désormais abaissés à deux-cent cigarettes, cent cigarillos, cinquante cigares et deux-cent cinquante grammes de tabac à fumer. Par cette mesure, le Gouvernement entend peser dans les négociations européennes afin d'introduire, dans le cadre de la révision prochaine de la directive 2011/64/UE du Conseil du 21 juin 2011, des limites quantitatives impératives de transport de tabacs manufacturés par les particuliers entre États membres et d'harmoniser par le haut la fiscalité sur les tabacs. D'ores et déjà, les efforts déployés par le Gouvernement afin de faire entendre ces arguments commencent à porter leurs fruits. A l'occasion de la publication le 10 février 2020 de son évaluation de l'efficacité de la directive 2011/64/UE, la Commission européenne a ainsi rappelé que celle-ci visait à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur et, dans le même temps, un niveau élevé de protection de la santé, ainsi qu'à lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et contre les achats transfrontaliers illégaux. Toutefois, elle a relevé que l'impact de la directive sur la santé publique avait été modéré et que le niveau du commerce illicite des cigarettes et du tabac fine coupe demeurait un défi sur les plans du contrôle de l'application, de la perte de recettes et de l'impact sur la prévalence du tabagisme.    Selon la Commission européenne, il est nécessaire d'adopter une approche plus globale, tenant compte de tous les aspects de la lutte contre le tabagisme, y compris la santé publique, la fiscalité, la lutte contre le commerce illicite et les préoccupations environnementales. Une plus grande cohérence est également nécessaire eu égard au programme de l'UE dans le domaine de la lutte contre le cancer.    Fort de cette position, le Gouvernement continuera de plaider pour une harmonisation des règles fiscales applicables aux produits du tabac auprès de ses partenaires européens au cours des prochains mois.

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