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Bérengère Poletti
Question N° 31158 au Ministère de l’économie


Question soumise le 14 juillet 2020

Mme Bérengère Poletti interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, sur les pays bénéficiaires des remises de dette et les montants de ces effacements de dette pour chaque pays, sur les cinq dernières années. En mars 2020, les ministres africains des finances ont demandé 100 milliards de dollars à la communauté internationale pour lutter contre la covid-19, dont 44 milliards d'euros affectés au remboursement de leurs dettes. Durant son allocution télévisée, le Président de la République, Emmanuel Macron, a affirmé sa volonté de vouloir venir en aide aux pays pauvres en « annulant massivement la dette ». Alors que le FMI et la Banque mondiale appelaient jusque-là à suspendre le remboursement des emprunts des pays les plus pauvres auprès des créanciers bilatéraux, quelques heures après l'allocution télévisée du Président de la République, la France apprenait le versement d'une aide d'urgence à destination de 25 pays les plus pauvres, dont 19 en Afrique. Ainsi, Mme la députée s'interroge sur les aides versées par la France à ses pays partenaires sur les cinq dernières années, dont une partie ne semble pas être conditionnée à un projet. Après être intervenue à plusieurs reprises sur la question lors de conseils d'administration de l'Agence française de développement et d'auditions, les réponses obtenues ne permettent pas à ce jour d'établir un bilan satisfaisant et précis du montant des effacements de dette par pays bénéficiaires. C'est pourquoi elle réitère sa question et l'interroge sur le montant précis des effacements de dette pour chaque pays bénéficiaire sur les cinq dernières années.

Réponse émise le 5 octobre 2021

Les efforts français en matière de restructuration de la dette des pays les plus pauvres portent sur (i) la doctrine française en matière de restructuration de dette, (ii) les crédits budgétaires afférents, (iii) les pays bénéficiaires et (iv) l'initiative en 2020 de suspension du service de la dette. S'agissant de la doctrine de restructuration de dette, les modalités sont déterminées multilatéralement dans le cadre du Club de Paris. Les accords multilatéraux prévoient dans certains cas la possibilité pour les créanciers de réaliser des efforts bilatéraux additionnels. La France a accordé par le passé des annulations de dette pour les pays les plus pauvres. Suite au sommet G7 de Toronto en 1988, et à la conférence des Chefs d'État et de gouvernement de Dakar en 1989, la France a décidé d'accorder aux trente-cinq pays les plus pauvres et les plus endettés d'Afrique subsaharienne une annulation partielle de leur dette (« Dakar 1 »). En 1990, de nouvelles initiatives en faveur des quatre pays à revenu intermédiaire de la zone franc ont été annoncées au Sommet de « La Baule ». De nouvelles annulations bilatérales ont été consenties lors du sommet de Dakar en 1994, en faveur des pays de la zone franc, après la dévaluation du franc CFA (« Dakar 2 »). Les Sommets G7 de Lyon en 1996 et de Cologne en 1999 ont lancé l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), à laquelle l'ensemble des pays membres du Club de Paris ont participé. Dans ce cadre, la France a consenti des annulations supplémentaires, par le biais d'annulation « sèche » ou par des conversions de dette sous la forme de contrats de désendettement et de développement (C2D). Le pays bénéficiaire d'un C2D continue d'honorer sa dette mais, aussitôt le remboursement constaté, la France reverse la somme correspondante pour financer des programmes de lutte contre la pauvreté. S'agissant des crédits budgétaires, trois vecteurs portent les opérations de restructuration de dette pour les missions « Prêts à des Etats étrangers » et « Aide publique au développement » : • Premièrement, les dépenses du programme 852 retracent les prêts consentis par la France à des États étrangers dans le cadre d'accords de consolidation en vue du refinancement des prêts du Trésor, des prêts de l'Agence française de développement (AFD) et des échéances de prêts dues au titre de refinancements antérieurs, soit sur ressources de Natixis (ex-Banque française du commerce extérieur) soit du Trésor. • Deuxièmement, l'action « traitement de la dette des pays pauvres » du programme 110 « Aide économique et financière au développement » vise à compenser le coût des annulations aussi bien pour l'AFD que pour des institutions multilatérales (Association internationale de développement, Fonds africain de développement). • Enfin, le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » porte, dans le cadre des C2D, les remboursements du capital des créances portées par l'AFD. S'agissant des bénéficiaires, l'annexe retrace l'ensemble des pays concernés par les annulations multilatérales et bilatérales sur la période 2008-2019. Enfin, s'agissant de l'initiative de suspension du service de la dette (ISSD) décidée en 2020 par les membres du Club de Paris et du G20, je souhaite vous rappeler que si cet accord vise à donner des marges de manœuvre immédiates aux pays éligibles, notamment en Afrique, pour les aider à faire face à leurs besoins urgents dans un contexte de crise sanitaire, il ne s'agit pas d'une annulation de dette. En effet, la suspension du service de la dette des États les plus pauvres consiste uniquement en un rééchelonnement des versements qui étaient prévus entre le 1er mai et fin 2020. Ainsi, si cette initiative entraînera de moindres recettes en 2020, il s'agit d'un report qui sera compensé par un surcroît de recettes les années suivantes (à partir de 2022). À ce jour, 39 pays ont demandé à bénéficier de l'ISSD. Parmi ces pays, 35 ont d'ores et déjà signé un protocole d'accord avec le Club de Paris pour mettre en œuvre l'initiative. Dans un second temps, les analyses de soutenabilité de la dette du FMI et de la Banque mondiale pourraient conduire à considérer que certains États ont besoin d'une restructuration plus importante pour restaurer la soutenabilité de leur dette. À cet égard, le G20 a agréé en principe un cadre commun avec le Club de Paris pour fournir ces traitements de dette, conformément aux principes du Club de Paris, dans un cadre multilatéral, au cas par cas et dans le contexte d'un programme du FMI. - Annexe : S'agissant des pays bénéficiaires, les annulations décidées dans un cadre multilatéral ont concerné : en 2008, le Congo, la Guinée, Haïti, l'Irak, le Malawi, le Mali, la Mauritanie, le Rwanda, Sao-Tomé et le Togo ; en 2009, le Burundi, le Congo, la Côte d'Ivoire, la Guinée Conakry, Haïti et la Mauritanie ; en 2010, la République centrafricaine, la République du Congo, la Côte d'Ivoire, Haïti et le Togo ; en 2011, la Côte d'Ivoire, la Guinée-Bissau, le Libéria, le Togo et la République Démocratique du Congo; en 2012, les Comores, la Côte d'Ivoire, la Guinée ; en 2013, les Comores, la Guinée, la Mauritanie et la Birmanie ; en 2014, la Mauritanie et la Birmanie ; en 2015, la Mauritanie et le Tchad ; en 2016, la Mauritanie et Cuba ; en 2017, la Mauritanie et Cuba ; en 2018, la Mauritanie et Cuba ; en 2019, la Mauritanie Les annulations bilatérales ont concerné : en 2008, la Bolivie, le Cameroun, le Congo, la Guinée, Haïti, Madagascar, le Malawi, l'Ouganda, Sao-Tomé, la Tanzanie et le Tchad ; en 2009, la Bolivie, le Cameroun, le Congo, la Côte d'Ivoire, la Guinée Bissau, la Guinée Conakry, Haïti, Madagascar, le Malawi, l'Ouganda, la Tanzanie et le Tchad ; en 2010, la Bolivie, le Burundi, le Cameroun, la République centrafricaine, le Congo, la Côte d'Ivoire, Haïti, Madagascar, le Malawi, la Mauritanie, l'Ouganda, le Rwanda, la Tanzanie et le Togo ; en 2011, la Bolivie, le Burundi, le Cameroun, le Congo, la Côte d'Ivoire, la Guinée-Bissau, Madagascar, le Malawi, la Mauritanie, l'Ouganda, le Rwanda, la Tanzanie, le Togo et la République Démocratique du Congo ; en 2012, le Burundi, le Cameroun, le Congo, la Côte d'Ivoire, la Guinée, le Honduras, le Liberia, Madagascar, le Malawi, la Mauritanie, le Mozambique, le Rwanda, la Tanzanie ; en 2013, le Cameroun, les Comores, le Congo, la Côte d'Ivoire, la Guinée, le Honduras, le Libéria, le Malawi, la Mauritanie, le Mozambique, le Rwanda, la Tanzanie et la République Démocratique du Congo; en 2014, la Bolivie, le Cameroun, le Congo, la Côte d'Ivoire, la Guinée, le Honduras, le Libéria, le Malawi, la Mauritanie, le Mozambique, la Tanzanie, le Tchad et la République Démocratique du Congo; en 2015, la Côte d'Ivoire, la Guinée, le Honduras, le Libéria, le Malawi, le Mozambique, les Seychelles, la Tanzanie, le Tchad et la République Démocratique du Congo ; en 2016, le Cameroun, la Guinée, le Honduras, le Libéria, la Tanzanie et la République Démocratique du Congo ; en 2017, la Guinée ; en 2019, la République Démocratique du Congo.

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