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Danielle Brulebois
Question N° 31341 au Ministère de la transition écologique


Question soumise le 28 juillet 2020

Mme Danielle Brulebois interroge Mme la ministre de la transition écologique sur la règlementation RE 2020 du bâtiment neuf. Cette règlementation inquiète les acteurs de la filière bois, particulièrement engagés dans la transition bas carbone du bâtiment. Cette règlementation va devoir préciser les modalités de calcul et d'information des futures constructions. Néanmoins, la méthodologie utilisée pour ce calcul est floue ; tous les matériaux ne voient pas leur impact carbone calculé de la même façon. Face à ce manque de transparence, la filière bois a mis en place un outil nommé « France bois traçabilité » qui permet aux promoteurs-constructeurs d'être informés sur l'impact carbone des bois d'origine française et provenant de forêts gérées durablement. Dans la lignée de la transparence voulue par les acteurs de la filière bois, ces derniers proposent d'intégrer une obligation d'exigences fortes dans cette règlementation RE 2020. Par elles est proposée l'instauration d'un plafond pour les émissions de gaz à effet de serre et un seuil pour le stockage du carbone de l'atmosphère dans les matériaux de construction. Comme Mme la ministre peut le constater, les acteurs de la filière du bois sont très mobilisés dans la transition écologique. Ils souhaitent que la règlementation RE 2020 y contribue et formulent de nombreuses propositions pour que l'on aille dans ce sens. Elle lui demande ainsi si le Gouvernement mettra en place une réflexion concertée avec les acteurs de la filière bois pour préciser et compléter la règlementation RE 2020, afin que celle-ci respecte les principes de transparence et d'équité face aux exigences environnementales qui s'imposent.

Réponse émise le 28 septembre 2021

Les modalités de calcul de la réglementation environnementale des bâtiments neufs (RE2020) ont été précisées lors de publication des premiers textes réglementaires : le décret n° 2021-1004 du 29 juillet 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine et l'arrêté du 4 août 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine et portant approbation de la méthode de calcul prévue à l'article R. 172-6 du code de la construction et de l'habitation. En particulier, nous avons retenu l'analyse de cycle de vie dite « dynamique » pour la comptabilité de l'impact carbone sur le cycle de vie des bâtiments. Le choix de l'approche d'analyse du cycle de vie (ACV) dite « dynamique », s'est fait à la suite d'une large concertation initiée en 2019. Un groupe d'expertise a proposé l'approche dynamique qui constituait la première piste du rapport qu'il a rendu début mars 2019. En novembre 2019, le comité technique de l'expérimentation E+C- a présenté des re-calculs de l'observatoire E+C- selon les méthodes statiques et dynamiques. Ceux-ci ont été rendus publics sur le site de l'expérimentation E+C-. Tout d'abord, il convient de noter que l'analyse en cycle de vie dynamique, comme l'analyse statique, prend bien compte l'ensemble du cycle de vie du matériau, en particulier durant la phase amont mentionné (impact carbone lié à l'importation et aux transports ou lié à son circuit de transformations successives). Dans les deux cas, statique ou dynamique, les données utilisées sont celles des fiches environnementales (Fiche de déclaration environnementale et sanitaire -FDES - ou Profil environnemental produits - PEP). Plus spécifiquement, la méthode dynamique a l'avantage de prendre en compte le moment des émissions de gaz à effet de serre (GES), ce que ne permet pas la méthode d'ACV dite « statique ». En effet, une tonne de CO2 émise aujourd'hui commence à réchauffer le climat dès aujourd'hui alors que la même tonne émise dans 25 ans ne commencera à produire ses effets que dans 25 ans. Les gaz à effet de serre restent des dizaines, voire des centaines ou des milliers d'années dans l'atmosphère, c'est la raison pour laquelle une molécule de CO2 émise aujourd'hui réchauffera l'atmosphère non seulement aujourd'hui, mais aussi demain et tous les jours jusqu'à ce qu'elle soit finalement captés par les océans, les forêts et disparaisse de l'atmosphère. On peut alors mesurer l'effet cumulé d'une émission de gaz à effet de serre sur le climat, ce que l'on appelle le forçage radiatif cumulé. Ainsi, les dynamiques physiques induisent un réchauffement climatique qui varie selon qu'on l'évalue à un horizon de 20 ans, de 100 ans ou de 500 ans. C'est ce qu'on appelle « l'horizon temporel ». Le choix de l'horizon temporel est donc directement lié à l'horizon des stratégies de lutte contre le changement climatique que l'on peut souhaiter mettre en place puisque c'est à l'aune de cet horizon temporel que l'impact du réchauffement climatique est ainsi évalué. L'urgence de la crise climatique actuelle, qui pousse à agir au plus vite, pourrait justifier une évaluation de l'impact des politiques publiques sur le réchauffement climatique à un horizon temporel très proche, à 10 ou 20 ans. Néanmoins, un tel choix présenterait le risque de privilégier des solutions court-termistes, qui pourraient se révéler négatives pour le climat à plus long-terme. C'est pour cela que le Gouvernement a choisi un horizon temporel plus lointain, de 100 ans, qui est cohérent avec l'engagement pris lors de l'Accord de Paris de limiter au maximum le réchauffement climatique en 2100. Ce choix est aussi cohérent avec les travaux du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), qui étudient différents scénarios climatiques à l'horizon 2100. Cet horizon temporel est d'ailleurs utilisé dans un grand nombre d'études scientifiques et est notamment privilégié dans le calcul de l'unité de mesure conventionnelle des émissions de gaz à effet de serre, le kilogramme « équivalent » CO2 (kgCO2eq). Le choix du Gouvernement de retenir la méthode dynamique est cohérent avec la volonté du législateur et l'article L. 111-9 du code de la construction qui indique qu'« un décret en Conseil d'Etat détermine […] à partir de 2020, pour les constructions nouvelles, en fonction des différentes catégories de bâtiments, le niveau d'empreinte carbone à respecter, évalué sur l'ensemble du cycle de vie du bâtiment, en intégrant la capacité de stockage du carbone dans les matériaux […] ». Dans son chapeau, ce même article indique : « Les performances énergétiques, environnementales et sanitaires des bâtiments et parties de bâtiments neufs s'inscrivent dans une exigence de lutte contre le changement climatique, de sobriété de la consommation des ressources et de préservation de la qualité de l'air intérieur. Elles répondent à des objectifs d'économies d'énergie, de limitation de l'empreinte carbone par le stockage du carbone de l'atmosphère durant la vie du bâtiment, de recours à des matériaux issus de ressources renouvelables, d'incorporation de matériaux issus du recyclage, de recours aux énergies renouvelables, de confort thermique et d'amélioration de la qualité de l'air intérieur. » À ce même titre, le stockage temporaire de carbone est d'ailleurs considéré comme un levier central de la Stratégie nationale bas carbone, et le stockage temporaire de carbone dans les produits bois est pris en compte dans les inventaires officiels de GES rapportés à la CCNUCC (Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques). L'intérêt du stockage de carbone dans les bâtiments ne fait donc pas de doute. Par ailleurs, une telle stratégie ne génère pas de pic d'émissions futures. Il s'agit en effet de stocker du carbone dans les bâtiments construits chaque année, et ainsi lorsque arrivera le temps de déconstruire les premiers bâtiments et d'éventuellement émettre le carbone qui y était stocké (il existe des solutions de recyclage, de réemploi, de valorisation énergétique qui évitent des émissions fossiles, …), ces émissions seront compensées par le stockage que constitueront les constructions neuves annuelles. Il en résultera donc une stabilisation du stock de carbone qui aura été constitué dans le parc de bâtiments. En complément, il convient de noter qu'il n'existe pas à ce jour de consensus international sur les normes d'analyse en cycle de vie, car plusieurs méthodes coexistent. Bien que les normes actuelles relatives à l'ACV dans le domaine du bâtiment ne prennent pas en compte le stockage temporaire du carbone, certaines laissent la possibilité d'ajouter une information à ce sujet. La RE2020 différera en partie de la norme européenne relative à l'ACV des bâtiments (EN15978), comme c'était le cas pour E+C- sur d'autres et pour la réglementation environnementale néerlandaise par exemple, autre pays pionnier en la matière. Compte tenu des débats liés à la méthode d'ACV dynamique mise en place dans le cadre de la RE2020, et sur les hypothèses qu'elle considère, le Gouvernement portera avec l'ensemble des parties prenantes un travail de normalisation de l'approche d'ACV dynamique à l'échelle française et européenne. La méthode pourra être ajustée lors d'étapes ultérieures de la réglementation si cela apparaissait nécessaire. Enfin, au-delà du choix de la méthode dynamique et de la valorisation du stockage du carbone, la RE2020 permet de valoriser l'ensemble des matériaux bas carbone et encourage la mixité des matériaux ainsi que la diversité des modes constructifs. Les travaux préparatoires à la RE2020 ont d'ailleurs montré que le recours au bois et aux matériaux biosourcés était un levier facilitant l'atteinte des exigences. Cependant, ces travaux font également apparaître que le bois d'œuvre n'est pas toujours le levier le moins coûteux pour réduire l'impact carbone des projets : l'ensemble des leviers en conception, en second œuvre, sur les équipements, ont vocation à être mobilisés.

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