Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Agnès Thill
Question N° 31662 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 4 août 2020

Mme Agnès Thill interroge M. le ministre de l'intérieur sur la recrudescence des attaques au mortier d'artifice sur les forces de l'ordre et les représentants de l'État. L'actualité quotidienne du pays informe des attaques et des guets-apens journaliers auxquels les forces de l'ordre, les représentants de l'État voire le personnel soignant sont confrontés lors de leurs opérations dans les quartiers dits « sensibles » ou « difficiles ». Ces attaques inadmissibles constituent non seulement un affront gravement symbolique à l'encontre de l'autorité de l'État dans ces territoires, mais portent aussi une atteinte grave à la sécurité des agents qui risquent véritablement leur vie dans ce type d'affrontements. Face à cette situation, il est à constater que ces agents sont totalement désarmés matériellement et juridiquement pour répondre de manière proportionnée à la violence qui leur est imposée. Au cours de ces attaques, le mortier d'artifice constitue une arme artisanale par destination, très prisée par les assaillants et qui se révèle d'une extrême dangerosité, comme peuvent en témoigner les nombreuses vidéos et retours de terrain faisant état de blessures irréversibles ou d'incendies importants. Il apparaît évident qu'il n'est que trop facile pour de tels individus de se procurer ces artifices et ces engins pyrotechniques qui deviennent des véritables armes de guérilla urbaine. Dans le cadre de la directive du 12 juin 2013 relative à l'harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché d'articles pyrotechniques, les marges de manœuvre de la France semblent trop étroites pour mettre en place un mécanisme de contrôle voire, le cas échéant, de sanction de l'obtention, de la détention et de l'utilisation de ce type de matériel à destination non professionnelle. Aussi, elle lui demande quels moyens de contrôle et quelle évolution de la règlementation sont envisagés afin de remédier à ce fléau qui nuit gravement à la sécurité des forces de l'ordre et des représentants de l'État.

Réponse émise le 8 décembre 2020

L'emploi de feux d'artifices détournés de leur emploi festif pour devenir des projectiles utilisés contre les forces de l'ordre, parfois à l'aide de tubes plus communément appelés « mortiers » est un sujet au coeur des travaux du Gouvernement. Rappelons que les artifices de divertissement sont classés par l'article R. 557-6-3 du code de l'environnement en quatre catégories (F1, F2, F3 et F4) selon leur dangerosité par ordre croissant et que leur port et transport sans motif légitime sont réprimés de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende (article L. 2353-10 du code de la défense). Est, par ailleurs, sanctionné d'une peine d'amende prévue par des contraventions de 5ème classe le fait pour un commerçant de vendre des feux d'artifices soit à des personnes ne détenant pas un certificat de formation ou une habilitation nécessaire à l'acquisition de certains types de matériels classés dans des catégories particulières, soit à des personnes n'ayant pas l'âge requis pour l'achat de certains articles. La même sanction est prévue pour réprimer le fait de manipuler ou utiliser certains articles pyrotechniques sans être titulaire des autorisations nécessaires. Si la réglementation des artifices s'inscrit dans un cadre européen (directive européenne n° 2013/29/UE du 12 juin 2013 relative à l'harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché d'articles pyrotechniques) qui pose comme principe l'absence d'interdictions ou d'entraves à leur mise à disposition sur le marché, la France a fait le choix, pour des raisons d'ordre et de sécurité publique et dans le respect des règles communautaires, d'adopter des mesures plus restrictives. Ainsi, n'est autorisé l'achat d'artifices de catégorie F2 qu'à partir de l'âge de 18 ans (alors que la directive européenne le permettait dès l'âge de 16 ans) et a complété l'encadrement des mortiers de catégorie F4 par l'obligation pour le titulaire d'un certificat de qualification d'obtenir un agrément délivré par le préfet, après enquête de moralité (décret n° 2019-540 du 28 mai 2019 relatif à l'agrément technique des installations de produits explosifs et à la mise en œuvre d'articles pyrotechniques). Afin de lutter contre le détournement de ces feux d'artifices et à la suite de l'attaque du commissariat de Champigny-sur-Marne survenue le 10 octobre 2020, le ministère de l'Intérieur a annoncé des mesures répressives et préventives lors de l'examen de la proposition de loi sur la sécurité globale, notamment en ce qui concerne la vente par internet. Certains pays disposent en effet d'une législation plus souple permettant la vente en ligne d'articles dont l'acquisition est strictement réglementée en France. L'aggravation de la répression pourrait, par ailleurs, se traduire par la transformation des incriminations contraventionnelles du code de l'environnement en délits punis d'une peine d'emprisonnement, permettant ainsi le placement en garde à vue des mis en cause ainsi que des perquisitions de nature à conduire à la saisie éventuelle d'autres articles prohibés. Pour l'heure, au plan opérationnel, les forces de l'ordre en lien avec les autorités préfectorales et judiciaires et avec l'appui d'équipes cynophiles spécialisées dans la détection des armes, poudres et munitions, mettent régulièrement en place des contrôles de personnes et de véhicules, notamment avant les périodes de festivités, afin de faire respecter la réglementation édictée par le code de l'environnement et les arrêtés préfectoraux qui peuvent, dans un espace-temps limité, interdire la vente et le transport d'articles pyrotechniques. En outre, des vérifications sont souvent faites, en accord avec les bailleurs sociaux et syndics de copropriété, dans les parties communes et sur les toits de certains immeubles, qui peuvent servir de lieux de stockage des feux d'artifices. Enfin, la recherche du renseignement au travers de sources humaines et la veille sur internet sont des axes d'effort qui doivent être poursuivis. Au plan pénal, lorsque des personnes sont blessées par des tirs de mortiers et que des biens publics sont dégradés, les enquêtes sont généralement diligentées, sous le contrôle du parquet, par des unités spécialisées en matière de police judiciaire. Outre une attention particulière aux opérations de police techniques et scientifiques, les gendarmes et policiers en charge des investigations effectuent une enquête d'environnement poussée afin d'identifier d'éventuels témoins et exploitent les images de vidéo-protection. En matière d'incrimination, l'utilisation de mortiers contre des gendarmes ou des policiers est assimilée à l'usage d'une arme et peut conduire à aggraver les peines encourues et à retenir des qualifications pouvant aller jusqu'à la tentative d'homicide, si la volonté de tuer ainsi que la préméditation sont établies. Ce sont toutefois plus fréquemment des faits de violences avec armes sur dépositaires de l'autorité publique qui sont retenus.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.