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Jean Lassalle
Question N° 31681 au Ministère de l’europe


Question soumise le 4 août 2020

M. Jean Lassalle alerte M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur une situation très inquiétante des chrétiens vivant aux confins sud-est de la Turquie et plus précisément concernant tous les actes de violence envers cette population. En effet, alors que le monde est occupé à lutter contre la pandémie de covid-19, à faire face au chômage de masse et à une récession mondiale, tout laisse à croire que le gouvernement turc profite de la situation pour faire pression sur les minorités, et plus particulièrement sur la population chrétienne. La région de Tur'Abdin au sud-est de la Turquie a toujours été habitée par des chrétiens. Il s'agit d'Araméens de confession syriaque-orthodoxe, aussi dénommés « chrétiens assyriens ». Dans les années 1960, leur population était encore largement autour de 30 000 individus. Mais, à la suite des discriminations, face aux difficultés socio-économiques et surtout à l'accusation quasi constante d'être des alliés des séparatistes kurdes, beaucoup d'entre eux ont émigré vers l'Occident. Aujourd'hui cette population de près de deux mille chrétiens dans la région est victime d'affrontements permanents entre les nationalistes turcs et les indépendantistes kurdes, et très régulièrement accusée sans preuve de soutenir le PKK. Ainsi, ce pays enregistre une augmentation permanente des arrestations ou des disparitions des chrétiens ces derniers temps, ce qui inquiète la communauté internationale. La dernière en date a particulièrement bouleversé les observateurs internationaux car il s'agit d'un couple âgé d'agriculteurs qui a été enlevé par des hommes non identifiés. Houmouz Diril et sa femme habitaient dans leur village de Meer dans le Hakkâri depuis dix ans et n'ont jamais voulu partir, malgré toutes les pressions. C'est ainsi que leur fils Remzi Diril, un prêtre de l'église chaldéenne catholique d'Istanbul, a trouvé la maison paternelle vide, sans ses parents. Le corps de sa mère a été enfin retrouvé mais sans vie deux mois plus tard à quelques mètres de la demeure familiale. Par ailleurs, plusieurs vignes de chrétiens ont récemment été incendiées ainsi que sept cents oliviers d'un monastère de la région, le fameux monastère de safran dédié au Saint Ananias (Mor Hanonyo) et situé à trois kilomètres au sud-est de Mardin. C'est pourquoi les observateurs de l'ONU appellent à la paix. La France a un grand rôle à jouer dans le dialogue entre la Turquie et ses communautés et doit honorer sa vieille promesse de défendre les chrétiens d'Orient qui date de 1535, accord entre François Ier et la Sublime Porte, première alliance entre un Roi Très Chrétien et un monarque musulman. Ainsi, il lui demande quelles sont les actions envisagées par le Gouvernement dans l'immédiat pour apporter en urgence un soutien à cette communauté chrétienne en Turquie, qui apparaît comme un devoir au vu des accords internationaux passés par la France.

Réponse émise le 3 août 2021

La France est particulièrement préoccupée par la détérioration de la situation des personnes appartenant à des minorités religieuses, dont les droits sont violés dans différentes parties du monde. Elle défend sans relâche la liberté de religion ou de conviction, telle qu'énoncée à l'article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, à l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et à l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, instruments internationaux auxquels la Turquie est partie. Cette liberté implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seul ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites. La France est ainsi engagée pour la promotion et le respect de la liberté de religion ou de conviction, tant au plan multilatéral qu'à titre national. Elle promeut une conception universaliste et indivisible de la lutte contre toutes les discriminations quelles qu'elles soient, y compris celles fondées sur l'appartenance à une religion ou une conviction, sans distinction. La France condamne ainsi l'ensemble des violences et persécutions à l'encontre des individus en raison de leur religion ou de leurs convictions. La politique de la France vis-à-vis des chrétiens d'Orient persécutés s'inscrit dans cette politique à portée universelle, sans parti pris pour une religion ou une conviction en particulier. Au plan bilatéral, la France saisit régulièrement les occasions de rencontres avec les autorités des pays concernés, y compris la Turquie, pour condamner fermement les violations des droits de l'Homme dont sont victimes les personnes appartenant à certaines minorités religieuses et évoquer les cas individuels les plus préoccupants. Elle incite les États qui ne l'ont pas fait à signer et ratifier l'ensemble des instruments internationaux relatifs aux droits de l'Homme, y compris ceux qui consacrent la liberté de religion ou de conviction, dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et à assurer la pleine conformité de leur législation à leurs engagements internationaux. Avec ses partenaires de l'Union européenne, elle invite la Turquie, notamment dans le cadre du dialogue entretenu dans le cadre de l'accord d'association, à honorer ses engagements, y compris ceux relatifs à la liberté de religion ou de conviction. Le nombre de chrétiens présents aujourd'hui en Turquie est estimé à 80 000 personnes, soit 0,1% de la population turque. Ce nombre résiduel reflète mal la richesse d'une histoire qui a fait du territoire de l'actuelle Turquie l'un des berceaux du christianisme. C'est dans ce cadre que peut être évoquée la vitalité théologique, spirituelle et pastorale de l'Église syriaque dans la région de Tur Abdin, dans le sud-est de la Turquie. La ville de Mardin abrita le siège du Patriarcat syriaque-orthodoxe de 1293 à 1924 et celui du Patriarcat syriaque-catholique de 1851 à 1920. Reconnues sous l'Empire ottoman, les diverses communautés chrétiennes ont ensuite connu un déclin brutal au début du XXe siècle, notamment lors du génocide des Arméniens en 1915, dont les assyro-chaldéens furent également victimes. Les chaldéens, par exemple, qui ne sont plus qu'environ 2 000 en Turquie, font partie des communautés qui, à l'inverse des membres de l'Église orthodoxe apostolique arménienne, des orthodoxes grecs et des juifs, ne bénéficient pas de la reconnaissance officielle de l'État turc (garantie par le traité de Lausanne de 1923). Ces derniers connaissent des difficultés d'intégration du fait de la domination en Turquie d'une vision homogénéisatrice autour de la langue turque et de l'islam sunnite, et font l'objet de discriminations fréquentes. Cette situation, aggravée par les affrontements entre l'armée turque et la rébellion kurde dans lesquelles elles étaient victimes à leur corps défendant, a conduit une partie des communautés chrétiennes à émigrer : par exemple, la plupart des chaldéens ont fui la Turquie, notamment pour la France, d'où la présence d'une communauté chaldéenne de 15 à 20 000 personnes dans le triangle de Gonesse dans le Val-d'Oise, aujourd'hui parfaitement intégrée. Dans ce contexte, la France restera attentive à la situation des minorités religieuses, et notamment des chrétiens en Turquie, et à passer, chaque fois que cela sera nécessaire, les messages appropriés aux autorités turques, pour que leurs droits soient respectés.

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