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Jean-Paul Dufrègne
Question N° 31717 au Ministère de la culture


Question soumise le 4 août 2020

M. Jean-Paul Dufrègne alerte Mme la ministre de la culture sur les règles de l'exercice du droit d'auteur européen applicable à la diffusion de musique dans un contexte numérique unique international dominé par le marché anglo-saxon. Aujourd'hui, les producteurs et diffuseurs indépendants de musique français poussent un véritable cri d'alarme face à la concurrence du marché international, qu'ils estiment déloyale. En effet, à l'ère du numérique et de la diffusion d'œuvres musicales sur les plateformes, le système du droit d'auteur européen montre ses limites et du coup, c'est le modèle anglo-saxon qui s'impose. Pour mémoire, le droit d'auteur européen est basé sur deux principes : un droit économique, ou patrimonial, basé sur la diffusion, et un droit moral qui permet à l'auteur de garantir le respect de son œuvre. Or le droit d'auteur anglo-saxon est plus restrictif et n'accorde qu'un droit patrimonial qui permet une libre exploitation de l'œuvre sans droit de regard de l'auteur. Par ailleurs, alors que les producteurs et diffuseurs indépendants de musique français proposent la vente de licences sous la forme d'un temps d'usage, les grandes plateformes anglo-saxonnes basent leur marché sur le principe d'un abonnement annuel avec un temps illimité d'utilisation. À ces différences majeures, la directive européenne adoptée en mars 2019 octroie par ailleurs de nombreuses exceptions et limitations du droit d'auteur dans l'environnement numérique et ce, sous couvert de simplification. C'est particulièrement vrai pour la gestion des licences, où l'on passe d'un régime d'autorisation préalable à un régime de consentement implicite. Dans ce contexte, les plateformes, qui s'appuient sur le droit d'auteur anglo-saxon axé sur la seule valorisation commerciale de l'œuvre, ont tous les outils en main pour détourner le droit d'auteur européen et siphonner le marché international. Il lui demande quelle est la position de la France sur cette question afin de lutter contre cette concurrence déloyale en matière de licences musicales qui, si rien n'est fait, risque de conduire d'une part à la fin du droit français sur la propriété intellectuelle mais aussi à la disparition des producteurs et diffuseurs indépendants français.

Réponse émise le 27 avril 2021

La directive 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique vise à remédier à la perte de valeur que constitue, pour les titulaires de droits, et notamment les producteurs et diffuseurs de musique, la diffusion de contenus protégés par le droit d'auteur et les droits voisins par les plateformes de partage. En effet, l'incertitude concernant la qualification juridique de cette diffusion affaiblit la capacité des titulaires de droits à obtenir une rémunération appropriée en contrepartie de l'utilisation de leurs œuvres et objets protégés sur ces plateformes. L'article 17 de la directive a pour objet principal de remédier à cette perte de valeur en posant le principe que ces fournisseurs de services de partage de contenus en ligne, lorsqu'ils donnent au public l'accès à une quantité importante d'œuvres ou autres objets protégés qui ont été téléversés par leurs utilisateurs, accomplissent un acte de communication au public et ne peuvent dès lors se prévaloir du principe de responsabilité limitée posée par la directive « commerce électronique ». La directive 2019/790 contribue donc à renforcer la situation des titulaires de droit vis-à-vis de ces plateformes de partage qui, tout particulièrement dans le domaine de la musique, contribuent à une part très importante de la diffusion des œuvres. Cette disposition relative au « partage de la valeur » place les licences au cœur de la relation entre les titulaires de droits et ces plateformes là où, avant l'adoption de ce texte, certaines plateformes de partage refusaient de conclure des licences en se présentant comme « simples intermédiaires » de services grâce auxquels les utilisateurs téléversaient des contenus afin de les partager. La directive ne peut donc être analysée comme consacrant un régime de consentement implicite pour la gestion des licences. En l'absence de conclusion de licences, ce n'est que dans des conditions très strictes que la responsabilité des plateformes diffusant des œuvres protégées peut ne pas être engagée : lorsque ces dernières ont fourni leurs meilleurs efforts pour obtenir des autorisations, pour garantir l'indisponibilité des œuvres pour lesquelles les titulaires de droits ont fourni les informations pertinentes et nécessaires, et lorsqu'elles ont retiré les contenus non autorisés sur notification tout en accomplissant leurs meilleurs efforts pour empêcher que ces contenus soient de nouveau accessibles à l'avenir. Le droit de l'Union européenne a donc répondu aux préoccupations très légitimes des titulaires de droits, et en particulier des producteurs de musique, qui demandaient une intervention pour remédier à ce problème de « partage de la valeur ». Il propose désormais un cadre qui renforce leur capacité à conclure des licences avec les plateformes de partage de contenus. La transposition de cette directive dans le droit français est en cours. La France fait partie des États membres qui ont soutenu, tout au long du processus de négociation du texte, l'adoption de l'article 17 et est aujourd'hui très attentive à ce que la mise en œuvre de cet article se fasse conformément aux équilibres issus de la négociation de cette disposition-clé.

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