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Stéphane Peu
Question N° 32141 au Ministère de l’éducation nationale


Question soumise le 15 septembre 2020

M. Stéphane Peu attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports sur le phénomène inédit et extrêmement préoccupant de déscolarisation massive des élèves de la Seine-Saint-Denis en cette rentrée 2020. Le jeudi 3 septembre 2020, le rectorat de l'académie de Créteil a annoncé que 3 900 élèves de la Seine-Saint-Denis ne se seraient pas présentés dans leur établissement le 1er septembre, jour de la rentrée, dont près de 3 100 dans les seuls établissements primaires et 500 pour la seule commune de Saint-Denis. Ce chiffre est particulièrement élevé puisqu'il concernait ces dernières années environ 800 élèves, usuellement en raison des évolutions démographiques et des déménagements. Si l'ampleur du phénomène est particulièrement préoccupante, elle n'est malheureusement pas un coup de tonnerre dans un ciel serein puisque des déscolarisations massives, en particulier dans les quartiers populaires, ont été observées dans le département, pendant le confinement (continuité pédagogique) et à l'issue de celui-ci (seul 8 % des élèves ont retrouvé le chemin de l'école lors de la réouverture de juin 2020). Cette situation témoigne d'abord du manque d'anticipation du ministre qui n'est, pour l'heure, pas en capacité de donner des explications sur les causes de cette déscolarisation. Après que nombre d'élèves se sont trouvés en rupture de continuité scolaire pendant le confinement, puis avec un faible taux de rescolarisation à l'issue de celui-ci, comment ne pas voir dans ces défections le résultat du flou sur le caractère obligatoire de l'école (le retour en classe sur la base du volontariat ayant jeté le trouble parmi les familles) comme celui du manque d'accompagnement des familles pour que cette obligation soit respectée. Il incombe au rectorat et au délégué départemental de l'éducation nationale de Seine-Saint-Denis (DDEN 93) de s'assurer que tout soit mis en œuvre pour rétablir en urgence le contact avec les familles concernées, afin d'éclaircir l'ensemble de ces situations et de permettre un retour rapide des enfants en classe. Un recensement qui doit également être l'occasion, en lien avec les établissements, d'engager avec les élèves qui ont eu à connaître une rupture de scolarisation, l'indispensable processus de rattrapage dont ils doivent bénéficier. Il est de ce point de vue tout à fait incompréhensible que la Seine-Saint-Denis ne bénéficie d'aucune des 1 200 créations de postes annoncées par le Gouvernement en vue de réduire les inégalités scolaires consécutives à la crise sanitaire, en dehors des créations régulières. Alors même que des moyens exceptionnels devraient être déployés sur ce département pour contrebalancer la rupture d'égalité républicaine qu'il a à subir, il serait en outre tout à fait choquant que ces déscolarisations, si elles devaient en partie se poursuivre, ne conduisent le rectorat à envisager de nouvelles fermetures de classes et de suppressions de poste. Il souhaite savoir quelles dispositions il entend prendre pour que la Seine-Saint-Denis bénéficie enfin des moyens permettant la rescolarisation de tous les élèves et la mise en place d'un plan de rattrapage scolaire.

Réponse émise le 20 juillet 2021

Il convient tout d'abord de rappeler que le chiffre de 3 900 élèves absents le jour de la rentrée, communiqué par le rectorat, a été très rapidement corrigé, puisqu'il résultait d'une erreur dans le recueil des données prévisionnelles, rendu plus compliqué par le confinement. Après vérification, il est apparu que 170 élèves étaient finalement absents dans le département. Au-delà de ces éléments ponctuels, l'éducation est une priorité nationale du Gouvernement, avec la poursuite de l'effort significatif en faveur du premier degré, afin de traiter la difficulté scolaire à la racine. Ainsi, après une première étape engagée en 2013 avec la refonte de l'éducation prioritaire dont a tout particulièrement bénéficié la Seine-Saint-Denis, le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports (MENJS) a poursuivi son effort en faveur de l'académie de Créteil, et en particulier de la Seine-Saint-Denis, pour lutter contre les inégalités scolaires. Plus de 1 000 emplois en moyens d'enseignement ont été attribués au département au cours des dernières rentrées (500 ETP en 2017, 469 EPT en 2018 et 284 ETP en 2019). Ces dotations ont permis d'améliorer, entre autres points, la capacité de remplacement, de renforcer l'accueil des enfants de deux ans et de créer des emplois dédiés à la prise en charge d'enfants à besoins particuliers. Le ratio « nombre de professeurs pour 100 élèves » (P/E) qui était, en Seine-Saint-Denis à la rentrée 2012 de 5,22 (pour une moyenne nationale de 5,20) est passé à 6,15 à la rentrée 2019 (pour une moyenne nationale de 5,64) et à 6,25 à la rentrée 2020 (pour une moyenne nationale de 5,74). Malgré une baisse démographique de plus de 1 000 élèves à la rentrée 2020, le département a reçu une dotation supplémentaire de 107 emplois. Cette dotation a permis d'améliorer les conditions d'enseignement et l'offre éducative du département, confirmant ainsi la priorité donnée au premier degré en Seine-Saint-Denis. Lors de la dernière phase d'ajustement de la carte scolaire départementale pour l'année 2020-2021 qui s'est effectuée quelques jours après la rentrée, le nombre de classes a varié à la hausse de + 14. Le taux d'encadrement dans les écoles du département s'est amélioré de 0,4 passant à 20,8 élèves par classe pour cette année scolaire (dont 23,6 en préélémentaire et 19,4 en élémentaire). Il était de 21,2 élèves par classe à la rentrée 2019 (dont 24,2 en préélémentaire et 19,7 en élémentaire). Il convient de rappeler que l'instruction étant obligatoire pour chaque enfant dès l'âge de trois ans et jusqu'à l'âge de seize ans, les effectifs d'élèves sont calculés sur la base de cette obligation et servent à définir les besoins en matière d'enseignement. L'absentéisme scolaire n'a donc aucun impact sur les moyens d'enseignement nécessaires, puisqu'il intervient par définition après la rentrée scolaire. S'agissant de l'enseignement scolaire public du second degré, le MENJS veille à l'équité des dotations qu'il répartit entre académies. L'analyse des moyens tient compte notamment du poids de l'académie, de la démographie des élèves et des disparités géographiques et sociales. Ces trois dernières années, l'académie de Créteil a bénéficié de la création de 122 ETP d'enseignant dans le second degré d'enseignement public à la rentrée 2018, de 130 ETP à la rentrée 2019 et de 120 ETP à la rentrée 2020. Il est à souligner que ces mesures sont intervenues dans un contexte de maintien global des moyens d'enseignement dans le second degré public, ce qui traduit bien l'attention portée notamment à la Seine-Saint-Denis. La répartition des moyens entre établissements relève ensuite des autorités académiques, qui s'attachent naturellement à assurer la plus grande équité au profit de la réussite des élèves. Les mesures d'aménagement de la carte des formations et du réseau scolaire sont soumises à l'avis des instances consultatives locales. Les moyens d'enseignement sont répartis en fonction des besoins de l'ensemble des structures scolaires. L'académie de Créteil prend en compte dans les attributions des moyens opérés les fragilités et spécificités des EPLE de la Seine-Saint-Denis. En outre, le plan gouvernemental pour la Seine-Saint-Denis annoncé le 31 octobre 2019 prévoit 23 mesures spécifiques pour renforcer l'intervention de l'État dans ses missions régaliennes et accompagner la transformation du département dans les dix années à venir. Parmi ces mesures, il convient de souligner la création d'une prime de fidélisation afin de renforcer l'attractivité du département et la fidélisation des agents publics. En outre, 20 M€ supplémentaires de dotation de soutien à l'investissement public local ont été consentis en faveur de l'immobilier scolaire pour accompagner notamment le dédoublement des classes. De plus, le Gouvernement a annoncé le 29 janvier 2021 la labellisation de 46 nouvelles cités éducatives dont quatre en Seine-Saint-Denis dans les communes d'Aubervilliers, Epinay-sur-Seine, Pantin et Saint-Denis, qui s'ajoutent aux cinq premières cités éducatives du département (Aulnay-sous-Bois, Bondy, Clichy-sous-Bois, La Courneuve, Sevran). Ce programme, doté de 100 M€ sur la période 2020-2022 auxquels s'ajoute une intensification des moyens de droit commun de l'éducation nationale pour les actions d'accompagnement pédagogique et éducatif, vise à intensifier les prises en charge éducatives sur tous les temps de l'enfant (scolaire, péri-scolaire et extra-scolaire) grâce à un renforcement des coopérations locales entre tous les acteurs locaux mobilisés autour de l'enjeu éducatif. Enfin, en réponse à la situation provoquée par la crise sanitaire dans la période de mars à mai 2020 durant laquelle les écoles et les établissements n'ont pu accueillir les élèves en présentiel, il convient tout d'abord de préciser que le MENJS s'est organisé avec le soutien et la mobilisation de toute la communauté éducative avec une remarquable réactivité afin d'assurer la continuité pédagogique. Le risque de décrochage scolaire lié à des difficultés techniques de connexion ou tout simplement à la perte de contact physique avec l'école a été mesuré et pris très au sérieux dès le début de la période. C'est la raison pour laquelle le ministère a d'abord mené une série d'enquêtes pour identifier les élèves concernés par des problèmes de connexion et des élèves décrocheurs. Les autorités académiques se sont ensuite fortement mobilisées aux côtés des collectivités territoriales compétentes et les partenaires de la politique de la ville, notamment dans les quartiers les plus défavorisés pour soutenir l'équipement des familles, repérer les élèves fragiles, assurer un accompagnement adéquat. Les guides pédagogiques à destination de la communauté enseignante et éducative ont été rédigés avec cette préoccupation constante de ne pas perdre le fil avec les élèves en particulier les plus fragiles. Toutefois, et les évaluations nationales réalisées en début d'année scolaire 2020 le confirment pour les niveaux de CP et CE1, l'effet du confinement sur les apprentissages reste un sujet de préoccupation qui guide les mesures qui ont été prises depuis le mois de juin 2020 avec la réouverture des écoles. En particulier, une opération ambitieuse a été réalisée dès l'été 2020 avec le programme « Vacances apprenantes » afin de rétablir le lien avec les élèves fragilisés par le confinement, remobiliser les connaissances et recréer du lien social à travers l'organisation d'activités culturelles et sportives en insistant sur les activités de plein air et l'organisation de séjours à la mer ou à la campagne avec les « parcours buissonniers » et ce, sans attendre la rentrée de septembre. Mis en œuvre grâce à une enveloppe budgétaire de 200 M€ votée en loi de finances rectificative du 31 juillet 2020, ce programme a bénéficié à 950 000 jeunes au total. « École ouverte » est un dispositif préexistant qui a été renforcé dans ce cadre et qui consiste à ouvrir les établissements scolaires pendant les congés scolaires pour proposer aux élèves fragilisés un programme associant renforcement scolaire le matin et activités sportives et culturelles l'après-midi. 3 800 écoles et établissements ont ouvert en 2020, soit sept fois plus qu'en 2019, avec un total de 250 000 enfants inscrits. Dans l'académie de Créteil plus précisément, le dispositif École ouverte a permis d'accueillir sur le temps des vacances scolaires près de 16 000 élèves, mobilisant environ 1 500 personnels afin de mieux préparer le retour en classe de la rentrée de septembre 2020. Compte tenu de la réussite du programme et du nécessaire accompagnement des élèves, le dispositif École ouverte a été prorogé durant les vacances d'automne et a mobilisé près de 620 écoles et établissements, permettant d'accueillir un peu plus de 50 000 élèves. La pertinence du dispositif Vacances apprenantes a conduit le Premier ministre à annoncer sa poursuite en 2021. Dès les congés de février 2021, l'opération École ouverte a pu être proposée dans l'ensemble des territoires fragilisés par la crise sanitaire et aux élèves de tous niveaux, du CP à la terminale. Les académies ont reçu pour instruction de maintenir voire d'amplifier les actions notamment de soutien pédagogique mais en distanciel, comme pour les stages de réussite. En effet, des stages de réussite, visant en priorité à consolider les acquis fondamentaux et à combler d'éventuelles lacunes préjudiciables à la poursuite de la scolarité des élèves, ont été organisés en complément d'École ouverte sur le temps des congés scolaires. 25 000 stages ont ainsi été organisés et plus de 176 000 stagiaires y ont participé sur les premier et second degrés confondus. En complément d'École ouverte, ces stages de réussite sont reconduits en 2021 et proposés aux élèves volontaires durant les vacances de printemps (sous forme de classe virtuelle) et seront reconduits pendant les vacances d'été. Enfin, il convient de rappeler que, compte tenu de l'effet extrêmement préjudiciable de la fermeture des écoles pour les élèves et en particulier pour les plus fragiles d'entre eux, la France a fait le choix de maintenir les écoles ouvertes aussi longtemps qu'il l'était possible en demandant à la communauté éducative un effort d'adaptation et de réorganisation très important pour garantir le respect des mesures de distanciation et de sécurité sanitaire, faisant ainsi figure d'exception en Europe et dans le monde.

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