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Stéphanie Atger
Question N° 32521 au Ministère de l’éducation nationale


Question soumise le 29 septembre 2020

Mme Stéphanie Atger attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports sur la nécessité d'évaluer l'enseignement de l'histoire des outre-mer dans les programmes scolaires sur l'ensemble du territoire. Cette proposition est évoquée dans les recommandations concluant le rapport d'information « Outre-mer : discriminations » (2018) déposé au nom de la délégation aux outre-mer durant la présente législature. En effet, les récents évènements témoignent des difficiles détermination et appropriation d'un récit commun, dans les départements et régions d'outre-mer comme dans l'Hexagone. Ainsi, penser l'impératif de transmission doit s'inscrire sur le long terme. Cette initiative nécessiterait bien entendu au préalable l'avis d'institutions rompues au travail pédagogique à travers divers outils, à l'instar de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage, fortement investie dans les activités pour une meilleure compréhension des mécanismes de cette mémoire. Plusieurs avancées sont notables depuis la promulgation de la loi du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité, dite « loi Taubira », qui inscrira l'obligation pour les enseignants d'étudier avec leurs élèves la question de l'esclavage. Depuis, même si cet enseignement est dispensé, force est de constater qu'il est soumis à des contraintes, dans l'Hexagone comme dans les outre-mer. Ainsi, plusieurs enseignants relaient l'incomplétude des programmes dédiés à cette histoire dans les établissements scolaires situés dans l'Hexagone. Dans les outre-mer, même si différentes adaptations ont permis une intégration continue de cette histoire dans les programmes scolaires en primaire, au collège et au lycée, le rapport d'information susmentionné précise que « le manque de temps et la nécessité de dispenser des cours ayant un lien direct avec les examens dissuadent les enseignants de mettre pleinement en œuvre cette faculté ». En conséquence, cette question sensible mérite une évaluation concrète pour identifier les points faibles de cette transmission et y apporter des solutions pérennes parvenant à relever le défi que constitue la détermination d'une histoire commune où tous les concitoyens auraient leur place.

Réponse émise le 12 janvier 2021

La place des outre-mer dans les programmes scolaires a connu depuis le début des années 2000 des évolutions importantes, qui témoignent de l'attachement du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports (MENJS) à développer la connaissance et la réflexion sur ces territoires. Dans le cadre des programmes généraux, la connaissance des outre-mer est essentiellement portée par les enseignements d'histoire et de géographie. Les évolutions récentes forment un parcours cohérent, renforcé par les nouveaux programmes issus de la réforme du lycée, pour mettre en évidence cette place autour de moments importants et dans leur cadre spatial. En histoire, les territoires ultramarins apparaissent à l'époque moderne, avec pour fondement les conditions de leur intégration à l'espace français, d'abord en CM1 avec « une présentation de la formation du premier empire colonial français, porté par le pouvoir royal, et dont le peuplement repose notamment sur le déplacement d'Africains réduits en esclavage ». Cette question est reprise et approfondie dans l'enseignement secondaire, notamment autour des questions spécifiques de l'économie de plantation et de l'esclavage, dans les classes de 4e (« Bourgeoisies marchandes, négoces internationaux et traites négrières au XVIIIe siècle ») et de 2nde générale et technologique, où la thématique des ports français et du développement de l'économie de plantation et de traite doit être obligatoirement traitée. Les outre-mer ont également une place importante en 2nde professionnelle avec le thème « L'expansion du monde connu », et notamment l'étude des effets de la Révolution française dans les colonies à travers l'exemple de la révolution de Saint-Domingue, son déroulement et son retentissement. Les programmes de géograhie abordent la question de différentes manières : les professeurs ont, pour construire leur cours, organisé autour de notions comme le développement ou la mondialisation, la liberté de choisir des études de cas sur l'outre-mer. Certains thèmes s'y prêtent particulièrement, comme « Habiter un littoral touristique » en 6e. Dans le cadre des nouveaux programmes de lycée, chaque objet d'étude comporte une question spécifique sur la France, question qui doit intégrer les territoires ultramarins, comme par exemple dans le thème de 2nde « La France : dynamiques démographiques, inégalités socio-économiques ». Les DROM sont l'objet d'un chapitre dédié dans le programme de 3e sous le titre « Les territoires ultra-marins français : une problématique spécifique » avec pour finalités une étude des traits communs de ces territoires (distance et discontinuité par rapport à la métropole, fragilité des milieux, fragilités socio-économiques, attachement à la République) et une analyse au moyen d'exemples précis sur ces questions et sur les aménagements pour y répondre. La place des DROM est affirmée dans les programmes de terminale qui insistent sur le rôle des DROM-COM pour la place de la France dans le monde, notamment à travers sa zone économique exclusive, son domaine maritime, le deuxième du monde. En classe terminale technologique, il est proposé un sujet d'étude sur le centre spatial guyanais de Kourou, présenté comme « moteur économique de la Guyane », et « vitrine de la coopération européenne et internationale dans le domaine aérospatial ». Outre ces évolutions, le principe d'adaptation, mis en place en 1999-2000, s'est étendu, avec pour vocation la prise en compte des spécificités de chaque territoire ultramarin tout en maintenant la nécessité de maintenir le caractère national des programmes et des examens. Cela implique de ne pas transformer l'architecture des programmes, mais de contextualiser et éclairer les thématiques quand cela est jugé opportun dans le cadre de deux disciplines : histoire-géographie et sciences et vie de la Terre (SVT). Ces adaptations se font selon plusieurs modalités, la plus fréquente étant l'intégration d'exemples liés au DROM dans le cadre des thématiques de programmes, comme en histoire-géographie, avec la demande de choisir, quand cela est possible, un exemple ou un cas dans l'aire géographique du DROM concerné ou sur une période donnée, ou en SVT, où l'appui sur des exemples locaux doit permettre de contextualiser les éléments du programme (contexte géodynamique, faune et flore, politiques de santé publique). Un autre mode d'adaptation, l'intégration du DROM à la période traitée en histoire, avec parfois des propositions de substitution, s'est renforcé dans les derniers programmes, selon différentes modalités, comme l'élargissement de certaines questions, comme en 4e avec le remplacement de la mention aux « traites atlantiques » par la formulation « traites océaniques », ou encore l'ajout d'éléments spécifiques aux territoires ultramarins : naissance de la culture swahilie dans le premier chapitre de 5e pour Mayotte, révoltes d'esclaves et processus long d'abolition de l'esclavage dans le chapitre de 4e sur les Lumières et la Révolution française. Ces logiques sont poursuivies et amplifiées dans le cadre des projets d'adaptation pour les nouveaux programmes de lycée, avec l'existence de déclinaisons régionales, comme en cycle 4 de SVT (Guadeloupe-Martinique, Guyane, Réunion, Mayotte) et des propositions d'adaptations plus ciblées autour d'événements et de personnages locaux, par exemple. Elles sont en cours de construction pour les programmes de terminale. Enfin, si les programmes donnent un cadre obligatoire, la façon de les mettre en œuvre relève de la liberté pédagogique des professeurs. À ce titre, l'enjeu à mobiliser est moins celui d'une éventuelle réécriture des programmes que de la mobilisation et de la formation des professeurs, afin de leur montrer comment mieux intégrer cette question dans leurs progressions, leurs cours et leurs projets. Dans ce but, le MENJS et la Fondation pour la mémoire de l'esclavage ont établi le 15 novembre 2019 une convention pluriannuelle, renforcée par un partenariat scellé le 2 décembre dernier. Le MENJS est un des principaux soutiens financiers de la Fondation, et ses services échangent actuellement avec les responsables de la Fondation afin de : - participer à l'élaboration et la publication, notamment par le site Éduscol et Canopé, de contenus mettant en avant la place des outre-mer pour mieux comprendre certaines thématiques des programmes, comme la Révolution française par le lien avec celle de Saint-Domingue, ou les processus d'abolition de l'esclavage par une analyse de plus longue durée ; - participer à la diffusion d'outils et dispositifs de médiation et de formation élaborés ou diffusés par la Fondation, et soutenir et accompagner des projets pédagogiques, comme le concours de la Flamme de l'égalité. L'ensemble des éléments décrits et les engagements du MENJS avec ses partenaires signalent des efforts conséquents pour faire connaître aux élèves ces aspects de l'histoire de France, la séquence historique menant à l'abolition de l'esclavage par l'avènement de la République, et ainsi en renforcer les valeurs, le tout se plaçant dans une volonté de donner aux outre-mer une place correspondant à leur importance.

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