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Jean-Paul Dufrègne
Question N° 3289 au Ministère de la justice


Question soumise le 28 novembre 2017

M. Jean-Paul Dufrègne alerte Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les risques d'effets inverses que porte l'article 27 du projet de loi pour le redressement de la justice, à savoir la limitation des conditions d'éligibilité de mesures d'aménagements de peines. La mise en application de cet article va conduire à une réduction des peines alternatives à l'incarcération, dont on connaît pourtant les bénéfices notamment dans la prévention des récidives, et en même temps, elle va augmenter de façon significative les problèmes déjà inacceptables de surpopulation carcérale. Aujourd'hui, l'éligibilité à l'aménagement de peine par un juge de l'application des peines (JAP) est d'office pour les peines d'emprisonnement allant jusqu'à deux ans pour les primo délinquants et un an pour les condamnés en récidive. Dans l'état actuel de l'article 27, ces limites de peines sont réduites de moitié passant respectivement à un an et à six mois, réduisant d'autant le nombre de condamnations éligibles. De fait, l'effet immédiat sera d'augmenter les décisions d'incarcération et donc d'aggraver le phénomène de surpopulation carcérale symptomatique des prisons françaises. À la maison d'arrêt d'Yzeure dans l'Allier, le taux d'occupation atteint 120,6 % soit 164 détenus pour une capacité de 136 tandis qu'en moyenne, en France, ce taux est proche de 140 %. Il est nécessaire de rappeler que la surpopulation carcérale se concentre essentiellement dans les maisons d'arrêt qui accueillent des personnes en attente de jugement ou condamnées à de courtes peines. Alors que le Président de la République a affirmé à plusieurs reprises sa volonté de développer des alternatives à l'emprisonnement, cet article 27 dit tout le contraire et porte les signes d'une politique pénale qui mise plus sur l'incarcération que sur la déflation carcérale. Il souhaiterait donc savoir si le Gouvernement compte reconsidérer les conditions d'éligibilité de mesures à l'aménagement de peines afin d'une part de mieux prendre en compte l'individualisation de l'exécution des peines et d'autre part de ne pas accentuer le phénomène de surpopulation carcérale qui caractérise tristement les maisons d'arrêt françaises et fragilise des citoyens qui, confrontés à des conditions de vie indignes, sont tentés de développer en prison un esprit de revanche avec plusieurs corollaires dont la récidive.

Réponse émise le 4 septembre 2018

Le Gouvernement n'est pas favorable aux dispositions de l'article 27 de la proposition de loi adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 qui réduisent effectivement de façon très excessive les possibilités d'aménagement des peines. Il estime cependant que les dispositions actuelles du code pénal et du code de procédure pénale en matière d'individualisation et d'exécution des peines ne sont pas satisfaisantes. C'est la raison pour laquelle le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui a été déposé par le Gouvernement propose d'importantes modifications, destinées à renforcer l'efficacité et le sens de la peine. Il prévoit ainsi de redonner du sens à la peine, en développant les peines autonomes et alternatives de manière à sortir du systématisme de l'incarcération dès lors que l'emprisonnement ne constitue pas la sanction la plus adaptée. Ce projet de loi facilite le prononcé ab initio de peines alternatives à l'emprisonnement,  notamment en faisant de la détention à domicile sous surveillance électronique une peine autonome, en étendant le champ de la peine de travail d'intérêt général, en simplifiant le régime des peines de stages, en évitant les courtes peines par l'interdiction du prononcé des peines inférieures ou égales à un mois ferme, en prévoyant que, sauf exception, les peines de moins de six mois s'exécuteront hors des établissements pénitentiaires et en fusionnant la contrainte pénale et le sursis avec mise à l'épreuve dans le cadre rénové d'un sursis probatoire. Il prévoit également de renforcer l'efficacité des peines, en redonnant toute sa place au débat sur la peine en permettant au tribunal de faire un choix éclairé grace au renforcement des enquêtes de personnalité et en lui permettant de se prononcer sur les conditions d'exécution et d'aménagement de la peine. Il prévoit en outre de supprimer l'écart entre les peines prononcées et les peine exécutées, en prévoyant que les peines fermes de plus d'un an ne pourront plus être aménagées avant leur mise à exécution, et en permettant au tribunal de choisir, pour les peines de moins d'un an, entre un aménagement ou une incarcération, par la délivrance si nécessaire d'un mandat de dépôt à effet différé. Enfin, ce projet tend à éviter les sorties sèches, en rendant systématique, pour les peines de moins de cinq ans d'emprisonnement, la libération sous contrainte aux deux tiers de la peine sauf décision contraire du juge de l'application des peines.

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