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Fabien Matras
Question N° 33158 au Ministère auprès de la ministre de la transition écologique


Question soumise le 20 octobre 2020

M. Fabien Matras attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur la nécessité de renforcer la politique d'une plus juste attribution des logements sociaux situés dans les quartiers attractifs, en vue de répondre aux objectifs de mixité sociale et d'égalité des chances. De jure, la loi a consacré la nécessité d'accroître l'offre sociale et de mieux la répartir spatialement pour mieux lutter contre les formes de ségrégation résidentielle, entendue comme l'inégale répartition géographique de l'habitat des populations ou des catégories sociales. Depuis les années 2000, cette problématique a été au cœur des politiques publiques. La loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, notamment, a permis à l'État d'apporter une première série de réponses face aux exigences de mixité sociale et du droit au logement en imposant un pourcentage d'offres de logement social, sous peine de sanctions pour les communes qui ne s'y soumettraient pas. Cette loi a été la première étape dans la juste répartition du parc social à l'échelle nationale. Elle a permis de créer un parc social important mais qui souffre néanmoins d'un défaut de répartition. La loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, en plus de renforcer le dispositif juridique déjà présent en la matière, a considéré la problématique à l'échelle locale, c'est-à-dire en tentant de mieux répartir les ménages dont les statuts sociaux diffèrent dans le parc existant. En instituant l'obligation pour un bailleur social d'attribuer à 25 % des ménages les plus modestes un logement se situant hors d'un quartier prioritaire de la ville, les pouvoirs publics ont permis une réelle avancée et ont, au demeurant, dévoilé toutes les conséquences que pouvait engendrer un parc social dans lequel les ménages ayant un statut social précaire seraient surreprésentés et concentrés. Enfin, l'ordonnance n° 2019-453 du 15 mai 2019 autorise les organismes d'habitation à loyers modérés à mettre en place, à titre expérimental et pendant une durée de cinq ans, une politique des loyers dérogatoire par rapport au droit en vigueur. Les organismes HLM peuvent ainsi, s'ils le souhaitent, fixer des loyers indépendamment du mode de financement initial du logement afin, en particulier, d'accueillir dans certains quartiers des ménages modestes. Ces avancées considérables sont la démonstration des réels enjeux qui se cachent derrière l'état du parc social. De facto la situation est néanmoins plus nuancée : la tendance à la concentration des ménages aux revenus les plus modestes dans des zones géographiques où la sociologie des ménages compose de manière homogène un groupe social plus exposé aux précarités, et notamment celles résultant des politiques de logement, est encore une réalité. Aujourd'hui, pour la combler, il ne suffirait pas seulement de créer davantage de logements mais également de les attribuer autrement : jusqu'alors aux ménages dont les revenus sont les plus faibles sont généralement attribués des logements sociaux dans des quartiers prioritaires, à l'inverse, les ménages aux revenus plus élevés bénéficient de logements sociaux dans les quartiers attractifs. En effet, la répartition des habitations à loyers modérés sur un même espace de vie a un impact direct sur la mixité sociale. La question d'une ségrégation résidentielle cristallise ainsi les problématiques liées au modèle de réussite intrinsèquement associé à l'idéal méritocratique, ainsi qu'à la cohésion entre les territoires. Or, pour les ménages à faibles revenus, on observe que les quartiers prioritaires de la ville constituent bien souvent la principale offre de logement. En ce sens, cette politique d'attribution ne porte pas encore toutes les ambitions en matière d'égalité des chances républicaines. En effet, cette inégalité spatiale a des conséquences très nettes dans le secteur de l'éducation, de l'enseignement supérieur ainsi que du travail : du fait de la politique de sectorisation, les collèges et lycées les plus proches de ces quartiers accueillent les étudiants dont le statut social des parents est similaire. Parallèlement, des études ont révélé que le lieu de résidence était également source de discrimination dans le marché du travail, ce qui en conséquence fragilise les parcours en matière de mobilité sociale alors même que les pouvoirs publics mettent en œuvre d'importants dispositifs pour la favoriser. Ainsi, cet état de fait participe à une homogénéisation des profils sur une même zone géographique et tend à créer une société à deux vitesses. En ce sens, il l'interpelle quant aux possibilités de renforcer les dispositions du droit qui sont certes nécessaires mais insuffisantes pour arriver à l'égalité réelle des territoires. Il la questionne notamment sur la possibilité d'étendre le dispositif mis en place par la loi égalité et citoyenneté, en augmentant le pourcentage d'attribution des logements sociaux existant hors quartiers prioritaires aux ménages dont les revenus sont les plus faibles.

Réponse émise le 19 avril 2022

L'objectif consistant à permettre l'accès des ménages les plus modestes en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville est un enjeu fondamental pour la mixité sociale, l'égalité des chances et le vivre ensemble. En premier lieu, la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU) a pour principal objectif de permettre un rééquilibrage de l'offre en logements sociaux, en développant une offre de logements abordables dans les communes qui en sont le moins pourvues, et impose notamment un minimum de 30 % de PLAI (Prêt locatif aidé d'intégration) dans la programmation en logement social de ces communes afin de favoriser l'accueil des ménages les plus modestes. La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (dite "3DS") a par ailleurs pérennisé l'objectif de 25 % de logements sociaux dans le parc de résidences principales pour les communes soumises à la loi SRU, garantissant le développement et le maintien d'une offre sociale pérenne dans les communes où les besoins en logement abordable sont les plus importants. En outre, la loi Egalité et citoyenneté a imposé un objectif de 25 % d'attributions aux ménages modestes en dehors d'un Quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) qui est loin d'avoir été atteint sur l'ensemble des territoires, avec une moyenne à 17 % en 2020. Pour respecter cet objectif de 25 %, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre comportant au moins un QPV sont notamment tenus de se doter d'une convention intercommunale d'attribution (CIA). Ce document contractuel et opérationnel décline sur le territoire les obligations imposées par la loi, en fixant notamment pour chaque bailleur social des objectifs d'attribution en dehors des QPV pour les ménages du premier quartile de ressources. Cette CIA doit comporter pour chacun des autres signataires, parmi lesquels les réservataires de logements sociaux, des engagements relatifs à leur contribution à l'atteinte des objectifs d'attributions précités. À ce jour et malgré son caractère obligatoire, seul un tiers des territoires concernés dispose d'un tel document. Au regard de ces constats, le Gouvernement a fait le choix d'introduire dans la loi « 3DS » des mesures qui devraient faciliter le respect de ces différentes obligations. Les EPCI concernés par l'obligation d'élaborer une CIA disposent ainsi de 8 mois pour conclure cette convention. Dans le cas contraire, il revient aux EPCI la responsabilité de fixer aux bailleurs et réservataires des objectifs d'attribution hors QPV aux ménages les plus modestes. À défaut, le taux de 25 % s'appliquera uniformément à l'ensemble des bailleurs. D'autre part, les bailleurs devront désormais notifier au préfet, chaque semestre, les attributions intervenues hors QPV. En cas de non-atteinte de l'objectif fixé au bailleur, le préfet pourra procéder à l'attribution de logements hors QPV aux demandeurs du 1er quartile jusqu'à atteindre cet objectif. Plutôt que de réhausser les obligations actuelles en matière d'attributions hors QPV aux ménages les plus modestes alors même qu'elles ne sont aujourd'hui pas respectées, le Gouvernement a ainsi choisi de mettre en place les conditions et garanties pour permettre un réel rééquilibrage des attributions et l'atteinte des objectifs fixés jusqu'à présent par le législateur.

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