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Agnès Thill
Question N° 33876 au Ministère des armées


Question soumise le 17 novembre 2020

Mme Agnès Thill alerte Mme la ministre des armées sur le conflit en cours en Artsakh. La guerre débutée le 27 septembre 2020 dans le Haut-Karabagh a déjà fait de nombreuses victimes, tant civiles que militaires, et a été marquée par une utilisation massive et inédite de drones de combat. Un reportage de Radio France Internationale (RFI) de mai 2017 exposait déjà l'investissement considérable de l'Azerbaïdjan dans son appareil de défense, notamment dans les drones et les munitions rôdeuses, ou « drones suicides ». Le Comité de défense de la cause arménienne (CDCA) en France a affirmé que les drones turcs Bayraktar déployés par l'Azerbaïdjan sont équipés en batteries-missiles par la société française ASB Group, filiale d'Airbus. Aussi, elle lui demande si certains drones utilisés dans la guerre du Haut-Karabagh utilisent effectivement des composants français, et le cas échéant, de quel type de drones il s'agit, et si la France envisage de bloquer cet approvisionnement.

Réponse émise le 9 février 2021

La politique menée par la France en matière d'exportation d'armement repose sur un principe de prohibition, énoncé à l'article L 2335-3 du code de la défense, assorti d'un régime de dérogation prenant la forme d'autorisations ou de licences délivrées par le Premier ministre, après avis de la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG). Les licences individuelles sont délivrées pour une durée de trois ans. Elles peuvent faire l'objet de demandes de prorogation mais peuvent également être suspendues, modifiées ou abrogées par l'autorité administrative. Ces licences peuvent également être assorties de conditions visant à obtenir des engagements sur la destination finale des équipements vendus et, le cas échéant, leur intégration dans un système (preuve d'arrivée à destination, certificat d'utilisation finale), ainsi que sur l'absence de réexportation depuis l'État destinataire (certificat de non-réexportation ou CNR). En vertu du CNR, la réexportation de ces équipements vers un État tiers est en effet soumise à l'accord des autorités de contrôle françaises. Ces conditions visent à prévenir tout risque de dissémination et d'utilisation non souhaitée des équipements exportés, risque qui est évalué à partir d'une évaluation in concreto de chaque demande de licence. Seules sont accordées les autorisations qui correspondent à la satisfaction des besoins légitimes des États concernés et qui ne contreviennent ni aux engagements internationaux de la France, ni aux embargos décidés par les organisations internationales. S'agissant de la Turquie, pays allié, membre de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, la France a historiquement accordé des licences pour l'exportation de matériels de guerre et matériels assimilés (cf. rapport annuel au parlement sur les exportations d'armement de la France), notamment vers la société ASB, qui fabrique des piles thermiques dont la durée de vie, limitée, est uniquement adaptée au vol d'un missile. Toutefois, les autorités de contrôle exercent la plus grande vigilance concernant les ventes d'armes vers ce pays. À cet égard, il convient en effet de rappeler qu'à la suite de l'action militaire menée par ce pays dans le nord-est de la Syrie, les ministres des affaires étrangères des États membres de l'Union européenne avaient adopté plusieurs conclusions, lors de la réunion du Conseil du 14 octobre 2019. Les États membres s'engageaient notamment « en faveur de positions nationales fortes en ce qui concerne leur politique d'exportation d'armements vers la Turquie, en se fondant sur la disposition de la position commune 2008/944/PESC concernant le contrôle des exportations d'armements, y compris l'application stricte du quatrième critère, relatif à la stabilité régionale ». Dès le 12 octobre 2019, la France avait ainsi décidé l'adoption de mesures restrictives concernant l'exportation d'armements pouvant être utilisés par la Turquie dans son offensive en Syrie. Près de 500 licences en cours de validité ont été suspendues et un travail a été conduit sur l'harmonisation des politiques de contrôle au niveau européen autour d'une approche très restrictive sur les nouvelles demandes de licence potentiellement concernées par cette offensive dans le nord-est syrien. La même approche a été suivie depuis le 27 septembre 2020 pour les demandes de licences concernant des matériels turcs potentiellement utilisés dans le conflit du Haut-Karabagh. À ce jour, les licences pour la société ASB pour des piles pour applications dans des missiles air-sol ou sol-sol sont soit suspendues, soit refusées. Ces applications incluent notamment l'emport de missiles à partir de drones. Dès le début du conflit et jusqu'à l'accord tripartite de cessez-le-feu conclu entre le Président azerbaïdjanais, le Premier ministre arménien et le Président russe le 9 novembre, la France a appelé, en tant que co-président du groupe de Minsk, au strict respect du droit international des conflits par les belligérants. La fin des combats doit désormais permettre de reprendre des négociations de bonne foi, afin de protéger la population du Haut-Karabagh et d'assurer le retour de dizaines de milliers de personnes ayant fui leurs habitations ces dernières semaines dans de bonnes conditions de sécurité. Le Président de la République a annoncé l'effort d'aide humanitaire porté par la France et sa volonté que des mesures fortes soient prises pour protéger le patrimoine religieux et culturel de cette région.

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