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Fabien Gouttefarde
Question N° 3403 au Ministère de l'agriculture


Question soumise le 5 décembre 2017

M. Fabien Gouttefarde interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la transparence des cessions de parts ou actions de sociétés détenant du foncier agricole. Les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, les SAFER, ont pour mission de dynamiser l'agriculture et les espaces forestiers, favoriser l'installation des jeunes ; de protéger l'environnement, les paysages et les ressources naturelles ; et d'accompagner le développement de l'économie locale. Ce sont des sociétés sans but lucratif (sans distribution de bénéfices) qui agissent sous tutelle des ministères de l'agriculture et des finances sur le territoire métropolitain et trois DOM. Comme il vient de l'indiquer, l'une de leurs missions consiste à dynamiser l'agriculture et à favoriser l'installation des jeunes. Plusieurs cas d'accaparement de terres agricoles par des montages de structures sociétaires sans que les SAFER, ni même le contrôle des structures, puissent intervenir, lui ont été rapportés. Le montage est tout ce qu'il y a de légal : un acheteur, intéressé par des terres agricoles, crée une société, un groupement familial agricole par exemple, avec le propriétaire vendeur. Au bout d'une année, celui-ci commence progressivement à racheter les parts sociales de la société jusqu'à en être le seul et unique actionnaire. Ce montage permet par exemple à un exploitant agricole, dont la ferme est souvent conséquente, de s'agrandir au détriment de jeunes désireux de s'installer, ou d'exploitations plus petites qui auraient pu bénéficier d'un arbitrage favorable de la SAFER locale. Cet agrandissement abusif est de fait réalisé sans passé par le contrôle des structures et l'autorisation d'exploiter du préfet, autorité de contrôle et d'arbitrage dans le cas d'un agrandissement au-delà du seuil d'agrandissement excessif défini localement. Ces méthodes, certes légales mais néanmoins peu conformes à l'esprit de la loi, posent très clairement un problème d'équité et d'égalité de traitement entre agriculteurs, celui de la concentration des moyens de production entre une poignée d'individus, et contribuent à la flambée du prix des terres dans certaines régions agricoles. Le 8 décembre 2016, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions foncières du projet de loi Sapin 2 pour un motif de forme. Ces dispositions visaient à assurer une meilleure transparence des cessions de parts ou actions de sociétés détenant du foncier agricole et à permettre aux Safer d'intervenir afin d'éviter des concentrations excessives d'exploitations et des accaparements de terre au sein d'une même société. Ce volet foncier était le fruit d'un travail entre les organisations professionnelles agricoles, les syndicats et l'ensemble des groupes politiques. Il avait été validé par le ministère de l'agriculture, alors déterminé à trouver les moyens de préserver l'agriculture familiale française, la souveraineté alimentaire et le dynamisme des territoires ruraux. Alors que se termine la consultation publique des états généraux de l'alimentation et que l'on est en pleine réflexion sur l'avenir du modèle agricole et alimentaire français, il semble que cette problématique foncière ait été oubliée. Il lui demande s'il peut lui indiquer si une réflexion est prévue sur ce sujet qui met à mal le modèle d'agriculture familiale français.

Réponse émise le 13 février 2018

Les opérations d'acquisition massive de terres agricoles par des investisseurs étrangers ont mis en évidence que les outils existants de régulation du foncier peuvent ne pas être adaptés aux diverses situations rencontrées actuellement, notamment au phénomène de concentration par le biais sociétaire. S'agissant de la législation relative au contrôle des structures des exploitations agricoles, la seule prise de participation financière dans une société par une personne morale n'est pas une opération soumise à autorisation préalable d'exploiter. En effet, en application de l'article R. 331-1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM), la personne morale entrante ne peut être regardée comme participant à la mise en valeur des terres dès lors qu'elle ne participe pas, par nature, aux travaux « de façon effective et permanente ». En application de l'article L. 143-1 du CRPM, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) peuvent exercer leur droit de préemption en cas d'aliénation à titre onéreux de la totalité des parts ou actions d'une société ayant pour objet principal l'exploitation ou la propriété agricole, lorsque l'exercice de ce droit a pour objet l'installation d'un agriculteur. Ce droit est aujourd'hui contourné en n'organisant qu'une cession partielle des parts sociales. Une proposition de loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles avait été déposée le 21 décembre 2016 pour instaurer une plus grande transparence dans l'achat de terres par des sociétés et étendre le droit de préemption des SAFER aux parts sociales ou aux actions en cas de cession partielle. Cette dernière disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel dans une décision no 2017-748 DC du 16 mars 2017. Néanmoins, la loi no 2017-348 du 20 mars 2017 relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle permet de renforcer la transparence dans l'acquisition de foncier agricole par les sociétés dans la mesure où elle leur impose de rétrocéder, sous certaines conditions, ce bien à une société dédiée au portage du foncier. Cela démontre la complexité d'un sujet qui doit être appréhendé dans sa globalité. Le Gouvernement lancera ainsi en 2018 une mission d'ensemble pour faire évoluer les outils de régulation du foncier. L'assemblée nationale lance une mission sur le foncier qui viendra également alimenter cette réflexion.

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