Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pierre Dharréville
Question N° 34052 au Ministère auprès du ministre de l’économie


Question soumise le 24 novembre 2020

M. Pierre Dharréville alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur l'impact fiscal et social des réformes en cours à la Direction générale des douanes et droits indirects. Inspirées par le rapport relatif à la réforme du recouvrement fiscal et social remis par Alexandre Gardette le 31 juillet 2019, elles visent à abandonner ou transférer vers la Direction générale des finances publiques (DGFIP) à l'horizon 2022-2024, les principales taxes fiscales perçues par l'administration des douanes qui permet un apport de 34 milliards d'euros au budget de l'État (chiffres 2018 et 2019). Les agents alertent d'une part sur l'absence de dialogue puisque les groupes de travail réunissant les deux administrations ont été interrompus en raison de la situation sanitaire alors que le calendrier des réformes est maintenu et d'autre part, sur le transfert de la TICPE qui n'était pas prévu dans le rapport précité. Cette taxe rapporte à elle seule 33 milliards dont 17 milliards pour le compte de l'État. Pour un coût de 0,39 euros pour 100 euros recouvrés, le plus bas de l'OCDE, les douaniers assurent la traçabilité et un contrôle à la fois physique et documentaire des stocks des produits soumis au paiement de cette taxe. Ils assurent un service de proximité aux entreprises tout en fiabilisant les recettes de l'État. Selon les informations de M. le député, la direction des finances ne prévoit pas de mettre en place un dispositif similaire mais de faire appel à l'auto-contrôle des entreprises, ce qui compte tenu des sommes en jeu recouvrées aujourd'hui par les services des douanes lors de leurs opérations de contrôle, constituerait un manque à gagner considérable pour l'État et augmenterait le niveau de la fraude fiscale déjà si élevé. Les intentions affichées en la matière, déjà si faiblement traduites, en seraient encore plus démenties dans les faits. De manière générale, par sa maîtrise des particularités de la matière imposable et des subtilités réglementaires, la douane fournit, en proximité, un service de qualité tant en matière de contrôle que de conseil essentiel notamment aux entreprises qui souhaitent maintenir leur place dans le marché européen. À l'heure où le Gouvernement affirme mobiliser le budget de l'État pour amortir les effets de la crise sanitaire sur l'économie, le recouvrement des taxes apparaît comme indispensable. La dimension fiscale de ces réformes s'accompagne d'une dimension sociale. Si ce projet de transferts vient à se concrétiser, il impactera près de 700 agents voire 4 000 si à ces transferts s'ajoutent les transferts des contributions indirectes. Ces réformes participent d'un démantèlement progressif de l'administration des douanes qui, de restructurations en restructurations, est passée en quelques années du rôle de régulateur des flux de marchandises et capitaux à celui de facilitateur des échanges commerciaux dans un contexte de concurrence entre les États membres de l'Union européenne. Alors que la pandémie a révélé la nécessité pour la France de retrouver la maîtrise de la production industrielle, alimentaire et sanitaire par, notamment, la relocalisation des activités de production, les transferts des taxes vers la DGFIP, en portant atteinte à l'efficacité du seul service compétent pour le contrôle physique des marchandises en mouvement, porterait une atteinte grave à l'intérêt général. Il souhaiterait connaître l'avis et les intentions du Gouvernement sur cette question primordiale.

Réponse émise le 23 février 2021

Dans le cadre des réformes en cours relatives au transfert des taxes fiscales de la direction générale des douanes et droit indirect (DGDDI) à la direction générale des Finances publiques, le dialogue avec toutes les parties prenantes est essentiel, et bien pris en compte dans cette réforme du recouvrement fiscal : le ministre délégué chargé des Comptes publics a rencontré personnellement les fédérations syndicales ministérielles à la rentrée 2019 et leur a transmis le rapport de M. Gardette en toute transparence. Les groupes de travail réunissant les deux administrations et leurs représentants syndicaux se sont tenus jusqu'à leur interruption par la crise sanitaire, selon les modalités convenues dès septembre 2019. Après cette interruption, les contacts maintenus entre les directions générales et les organisations syndicales concluaient au besoin de remettre sur la table une vision globale des évolutions et transferts, ce qui a été fait fin octobre 2020 en groupe de travail dans chaque direction générale. Cette réforme du recouvrement fiscal s'est traduite par des dispositions successives en lois de finances pour 2019 et 2020. Cette dernière prévoit notamment, en son article 184, le transfert en 2022 de trois taxes intérieures de consommation de produits énergétiques, sur le charbon (TICC), le gaz naturel (TICGN) et pour l'électricité (TICFE). L'expertise menée conformément à la loi de finances précitée pour déterminer le périmètre précis des activités exercées respectivement par la DGDDI et la DGFiP après transfert a montré la nécessité de viser un schéma simple de répartition, notamment pour apporter plus de lisibilité vis-à-vis des redevables. Ainsi le transfert de la TICGN, de la TICC et celui de la TICFE se traduira par une reprise intégrale de leur gestion par la DGFiP. Dans le cadre de la poursuite de la simplification des procédures pour les redevables, et du recentrage de la DGDDI sur ses missions liées aux flux des marchandises et à la régulation de certaines filières économiques, la question du transfert de la TICPE a été examinée. Les travaux menés, en termes de répartition d'activité et de capacité des systèmes d'information notamment, ont conduit le Gouvernement à arbitrer l'intégration de la TICPE dans le champ des transferts de taxes à la DGFiP, au-delà du champ initial du rapport, et à l'inscrire dans le projet de loi de finances pour 2021. Dans le prolongement du transfert de la TICPE, seront également transférées à la DGFiP les taxes voisines actuellement perçues par la DGDDI : la taxe spéciale de consommation (TSC), la taxe locale sur les carburants perçue dans les départements d'outre-mer, et la taxe incitative relative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans les transports (TIRUERT, précédemment TIRIB) qui s'articulent directement avec la TICPE. Ces transferts sont mentionnés à l'article 161 de la loi de finances pour 2021. À l'expérience des premiers transferts et de sa gestion d'autres fiscalités, la DGFiP peut apporter la même efficacité à soutenir la compétitivité des entreprises et à recouvrer la TICPE, ressource majeure de l'État. Elle garantira la fluidité des opérations, la sécurité juridique et le contrôle des opérations. En effet, les grands groupes pétroliers constituent, avec la grande distribution, les principaux contributeurs de la TVA sur les produits pétroliers, dont la collecte est transférée à la DGFiP dès le 1er janvier prochain – la déduction de TVA s'effectuait déjà auprès de la DGFiP. Avec le transfert de la TICPE, de la TSC et de la TIRUERT, ils disposeront in fine d'un interlocuteur unique sur les taxes pétrolières et d'un traitement harmonisé des différentes énergies. Le transfert permettra en effet à ces entreprises de déclarer, liquider, payer, auprès de la direction des grandes entreprises de la DGFiP pour la plupart, et, si besoin, d'être contrôlées, dans les mêmes conditions harmonisées que les taxes sur le chiffre d'affaires. Les organisations syndicales douanières soulignent sur chaque taxe leur inquiétude quant à la poursuite des contrôles, au regard de la non-spécialisation taxe par taxe du contrôle fiscal DGFiP. Le Gouvernement partage cette extrême attention à la lutte contre la fraude. Le contrôle fiscal selon les modalités DGFiP a une performance elle aussi reconnue, elle sait recourir autant que de besoin à des contrôles thématiques, et dispose d'outils juridiques et techniques depuis 2020 pour prélever des échantillons de marchandises. Le transfert de la TICPE, comme ceux qui le précèdent, sera associé à une réingéniérie de cette taxe, déterminée en concertation avec les professionnels concernés, dans l'objectif d'assurer aux entreprises un service fiable et sécurisé, avec le souci de mettre au service des entreprises un interlocuteur fiscal unique, et d'assurer un niveau de contrôle efficace garantissant les recettes de l'État. Les difficultés ou les risques, évoqués dans la question, ont donc été pris en compte : ainsi, la loi de finances 2021 donnera le temps de la concertation avec les organisations professionnelles, de la mise en place de dispositifs adéquats et sécurisants, de la recherche de rationalisation, avec une date fixée à 2024 pour la TICPE, la TSC et la TIRUERT. Avec le transfert progressif d'ici 2024 de la majeure partie de sa mission fiscale vers la DGFiP, la Douane, cohérente et renforcée, assurera à la fois la facilitation des échanges, incluant la fonction d'accompagnement des entreprises et de gestion de filières, et la protection du territoire, des citoyens, des intérêts économiques et de l'environnement. Le recentrage de la DGDDI sur la marchandise et sa composante économique inclut légitimement la gestion et le contrôle des contributions indirectes et des filières économiques du tabac et de la viticulture. L'organisation de ce transfert, et tout particulièrement les aspects RH, font l'objet de la plus grande attention et seront soumis à la concertation. À ce titre, il faut souligner que le maintien des agents dans leur secteur géographique s'ils le souhaitent sera recherché. La DGFiP est ainsi pleinement mobilisée pour permettre l'accueil des agents de la DGDDI, souhaitant bénéficier de leurs compétences sur des réglementations parfois complexes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.