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Cécile Muschotti
Question N° 34205 au Ministère de l’économie


Question soumise le 24 novembre 2020

Mme Cécile Muschotti appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur les dispositions prévues pour aider les titulaires de contrats publics à faire face aux conséquences de l'épidémie de covid-19. L'article 6 de l'ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d'adaptation des règles de passation, de procédure ou d'exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n'en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de covid-19 dispose que « lorsque le contrat emporte occupation du domaine public et que les conditions d'exploitation de l'activité de l'occupant sont dégradées dans des proportions manifestement excessives au regard de sa situation financière, le paiement des redevances dues pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public est suspendu » pendant la période courant du 12 mars 2020 jusqu'au 23 juillet 2020 inclus. Cette clause ne permet donc qu'un report du paiement de la redevance, qui plus est pour une période de 4 mois seulement. Cela revient donc à proratiser le minimum garanti au délégant sur 8 mois au lieu de 12. L'article 1er de la loi n° 2020-935 de finances rectificative pour 2020 prévoit par ailleurs une annulation des redevances domaniales dues à l'État et ses établissements publics pour 3 mois à compter du 12 mars 2020, mais son application est limitée aux micro, petites et moyennes entreprises. Ces dispositions spéciales applicables au contexte particulier du covid-19 apparaissent donc insuffisantes, puisqu'elles permettent de prendre en compte uniquement les conséquences de la période de fermeture, et non les charges liées au fonctionnement ultérieur du service public dans des conditions dégradées. Or c'est dans cette période que la majeure partie des pertes peut être réalisée. L'article L. 6 du code de la commande publique, qui codifie la théorie de l'imprévision, dégagée par l'arrêt du Conseil d'État « Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux » du 30 mars 1916, prévoit que « lorsque survient un élément extérieur aux parties, imprévisible et bouleversant temporairement l'équilibre du contrat, le cocontractant, qui en poursuit l'exécution, a droit à une indemnité ». L'indemnité d'imprévision doit, dans cette hypothèse, couvrir la part de déficit liée aux circonstances imprévisibles, ainsi qu'en a jugé le Conseil d'État dans l'arrêt « Alliance » du 21 octobre 2019. Alors que de nombreuses collectivités territoriales ont décidé d'exonérer de redevances d'occupation domaniale les exploitants d'une activité commerciale sur leur domaine public, elle lui demande si la théorie de l'imprévision a vocation à s'appliquer au contexte de la crise sanitaire, permettant ainsi à l'État et ses établissements publics de consentir une remise, en tout ou partie, sur le paiement de la redevance due par ses délégataires de service public sous la forme d'une indemnité et de préciser, le cas échéant, les voies et moyens que le Gouvernement entend emprunter afin de corriger les déséquilibres économiques des contrats de délégation dus au contexte sanitaire.

Réponse émise le 16 novembre 2021

L'ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 a permis, sous certaines conditions, la suspension du paiement des redevances par le titulaire d'un contrat portant occupation du domaine public pendant la période du 12 mars au 23 juillet 2020 (art. 6). En outre, les secteurs relevant du tourisme, de l'hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture et de l'évènementiel, étant particulièrement touchés par les conséquences des mesures prises pour limiter la propagation de l'épidémie de Covid-19, la loi n° 2020-935 de finances rectificative pour 2020 a annulé, pour les micro, petites et moyennes entreprises de ces secteurs, les redevances d'occupation du domaine public de l'État et de ses établissements publics pendant une période de trois mois à compter du 12 mars 2020 (art. 1er). Ce soutien aux entreprises se justifiait par l'absence de toute activité économique sur le domaine public durant cette période dès lors que le montant des redevances domaniales tient compte « des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation » (CGPPP, art. L. 2125-3). Après cette période, les personnes publiques et leurs cocontractants conservent la possibilité, en application des règles applicables aux contrats concernés, de procéder à des ajustements contractuels devenus nécessaires. S'agissant des conventions ayant pour seul objet l'occupation domaniale, l'occupant du domaine public, qui ne rend pas un service prescrit par une personne publique pour ses besoins, ne peut utilement invoquer la théorie de l'imprévision (TA Rouen, 28 août 1998, n° 951837, Sté Renault, T. Lebon). En revanche, il est possible de réviser le montant de la redevance, en particulier de la part variable, pour tenir compte de la baisse de recettes de l'exploitant du fait de l'arrêt d'activités, sous réserve de respecter notamment le principe d'égalité et l'équilibre financier du contrat. S'agissant des contrats de la commande publique, la redevance domaniale doit être calculée en tenant compte de l'économie générale du contrat (CGPPP, art. L. 2125). Le titulaire peut donc bénéficier d'une révision du montant de sa redevance si l'économie générale du contrat est bouleversée, à condition de respecter les règles relatives à la modification des contrats de la commande publique en plus des principes applicables à la révision du montant des redevances domaniales (Code de la commande publique, art. L. 2194-1 et R. 2194-1 à R. 2194-9 pour les marchés publics ; art. L. 3135-1 et R. 3135-1 à R. 3135-10 pour les contrats de concession). Enfin, la théorie de l'imprévision, lorsqu'elle est applicable, ne conduit pas à exonérer le titulaire du paiement de la redevance prévue au contrat, mais à l'indemniser des charges extra-contractuelles supportées pour poursuivre l'exécution du contrat malgré le bouleversement de son équilibre économique.

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