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Karine Lebon
Question N° 34216 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 24 novembre 2020

Mme Karine Lebon alerte M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les conséquences des importations des produits dits de dégagement sur le développement des filières animales des régions d'outre-mer, que les grandes filières productrices européennes considèrent comme des marchés de ventes à bas coût. Cette pratique déloyale perturbe considérablement les filières locales au point de bloquer le développement de leur activité et d'empêcher les créations d'emplois. Comment pourrait-il d'ailleurs en être autrement face à ces produits d'importation vendus à des prix inférieurs au prix du marché ? Les filières animales locales des outre-mer sont en effet confrontées à une concurrence faussée par des produits importés et vendus à des prix qui n'ont pas cours sur les marchés européens. À La Réunion, la production locale représente environ 40 % des parts de marché mais la volonté et les efforts de tous les acteurs de progresser se heurtent constamment à la concurrence des produits de dégagement. L'exemple de la volaille est parlant : les éleveurs locaux produisent 15 000 tonnes par an quand les produits d'importation représentent 21 000 tonnes. Or les filières locales sont pleinement en mesure de répondre à la demande, comme elles l'ont démontré lors de la crise sanitaire où leur croissance a dépassé les 20 % et leurs ventes ont été supérieures aux importations. La distorsion de concurrence créée par les produits de dégagement n'a pas manqué de susciter de multiples réactions. La plus significative est l'article 64 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer. Mais le dispositif prévu s'est avéré difficile à mettre en œuvre et même inapplicable car il prévoit notamment la nécessité d'apporter la preuve que les prix des produits proposés localement sont « manifestement inférieurs à ceux pratiqués dans l’Hexagone » alors qu'il s'agit de produits exclusivement destinés à l'exportation. Autrement dit, la comparaison est biaisée et à ce titre le relevé des écarts de prix des produits commercialisés à La Réunion et en France continentale a été déclaré irrecevable. Étant donné les conséquences sur le développement de la production locale et sur les créations d'emploi et considérant les légitimes interrogations sur la qualité nutritive de ces produits, elle lui demande de lui indiquer les initiatives qu'il compte prendre pour enfin venir à bout des distorsions de concurrence provoquées par ces importations à bas coût qui pénalisent l'agriculture des outre-mer et contredisent l'objectif de sécurité alimentaire désormais unanimement partagé.

Réponse émise le 9 mars 2021

Le Gouvernement est attaché à soutenir les agricultures des outre-mer, qui tiennent un rôle primordial dans l'économie de ces territoires, le maintien des équilibres environnementaux et l'approvisionnement alimentaire local de leurs habitants. Il partage en effet l'objectif d'augmenter l'autosuffisance alimentaire pour une meilleure résilience face aux aléas, dans un contexte marqué par les contraintes de l'insularité. Le développement de la production agricole des outre-mer contribue également à la création d'activité et d'emploi et à la qualité de l'alimentation disponible. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, le ministère des outre-mer et l'office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (ODEADOM), accompagnent le monde agricole ultramarin dans son développement durable, en étroite concertation avec les professionnels. L'ODEADOM suit avec attention les enjeux d'autosuffisance alimentaire et l'impact des différents segments de produits agricoles importés sur les marchés locaux. Attentif aux enjeux de compétitivité relative des agriculteurs d'outre-mer, le Gouvernement mobilise plusieurs outils pour soutenir la production agricole locale. L'agriculture des outre-mer est directement soutenue par l'État, les collectivités et l'Union européenne, de manière coordonnée, dans le cadre du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI), des programmes de développement ruraux et de divers dispositifs nationaux. L'article 64 de la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer donne la possibilité au préfet de mener des négociations entres distributeurs et producteurs et, en cas d'échec, de fixer par arrêté préfectoral l'intensité et la durée des périodes de mise à la distribution des produits de dégagement. La circulaire ministérielle du 5 mai 2017 a précisé ces dispositions qui sont néanmoins, en raison des problèmes de vie chère et d'une importante population à faibles revenus, parfois difficiles à appliquer. Dans son avis du 4 juillet 2019, faisant suite à la saisine du 11 juin 2018 par le ministre de l'économie et des finances, l'autorité de la concurrence a considéré que les produits n'étant pas similaires, la situation ne pouvait pas s'assimiler à une concurrence déloyale et a formulé des recommandations sur le développement des produits sous signe de qualité et sur la structuration des filières. Cette démarche est largement initiée à La Réunion, notamment au travers des 6 réunions du comité de transformation agricole qui se sont tenus en 2020 sous l'égide du préfet. Les professionnels du secteur ont également fait part de leur souhait de mieux protéger leurs productions en leur donnant la possibilité de mettre en place des cotisations interprofessionnelles étendues sur les produits d'importation pour financer des actions en faveur des productions locales. Le Gouvernement soutient cette démarche qui nécessite néanmoins l'aval de la Commission européenne. Les différentiels d'octroi de la mer, dont le Gouvernement soutient le maintien, sont également un outil de protection des produits locaux. Ces dispositifs de soutien comportent en particulier, s'agissant de l'élevage, des aides directes aux éleveurs et à la transformation des viandes, des aides à l'investissement, des aides à la structuration des filières ou encore des mesures destinées à compenser les coûts d'approvisionnement en alimentation animale ou en animaux reproducteurs. Ces mesures contribuent à structurer l'offre de produits animaux et accompagner la montée en qualité et la différenciation, permettant de mettre en avant et valoriser la qualité des productions locales. À ce titre, le secteur agricole de La Réunion a bénéficié de soutiens importants, à hauteur de près de 110 millions d'euros (M€) au titre du POSEI (dont 27 M€ pour les filières animales) et 55 M€ au titre du fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) en 2019. Les aides du POSEI sont un élément essentiel de soutien aux agriculteurs et le Gouvernement s'est pleinement mobilisé ces derniers mois, en lien avec les parlementaires et ses partenaires européens, pour éviter une baisse de l'enveloppe du POSEI pour la programmation 2021-2027. Grâce à cet engagement, le maintien des enveloppes annuelles du POSEI a été obtenu, soit 278 M€ pour les départements et régions d'outre-mer. En parallèle, les fonds de l'État en complément des crédits du fonds européen agricole de garantie dans le cadre du POSEI (dits crédits CIOM), ont été portés de 40 à 45 M€ au bénéfice des filières de diversification végétale et d'élevage, pour accompagner l'accroissement de la production. Ce montant a même été ponctuellement relevé à 46,3 M€ pour l'année 2020. De plus, les crédits FEADER ont été augmentés de plus de 20 % pour les années de transition 2021-2022. Enfin, les régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de Mayotte et de La Réunion, bénéficient d'un levier fiscal par le biais de l'octroi de mer. Les taux d'octroi de mer sont votés par les assemblées régionales compétentes. Les taux appliqués à un même produit animal peuvent être différenciés selon l'origine importée ou locale. Cette différenciation constitue un levier pour ajuster les prix relatifs des produits importés aux enjeux d'approvisionnement local, en fonction de la segmentation du marché et du contexte local.

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