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Fabrice Brun
Question N° 34232 au Ministère des solidarités


Question soumise le 24 novembre 2020

M. Fabrice Brun attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur les pénuries de médicaments. La hausse du nombre de ruptures de stock est aujourd'hui exponentielle. Alors que le phénomène était encore marginal avant 2010 (44 ruptures de stock recensées en 2008), il a connu une forte croissance depuis le début de la décennie 2010. Les pénuries de médicaments concernaient ainsi environ 400 médicaments par an avant 2016, puis 1 200 médicaments en 2019. Alors que la crise du covid-19 a mis en évidence cette pénurie, 1 200 médicaments ont été en rupture de stock en 2019 et l'Autorité nationale de sécurité du médicament (ANSM) envisage le doublement de ce nombre en 2020, ce qui correspond à une rupture de stock de près de 2 400 médicaments, soit six fois plus qu'il y a quatre ans. Dans une étude publiée le 9 novembre 2020, l'UFC-que choisir a analysé les différentes solutions apportées par les industriels aux situations de pénuries. Il ressort de cette étude que dans près de deux tiers des cas elles sont insuffisantes. Il apparaît ainsi que dans seulement 37 % des situations les laboratoires proposent une solution acceptable en mettant dans le circuit français des produits initialement destinés à alimenter d'autres pays, et que pour 30 % des pénuries les industriels renvoient vers une alternative thérapeutique, solution pas systématiquement satisfaisante. Plus grave, cette étude met en évidence que dans 12 % des cas, les propositions des industriels sont totalement insatisfaisantes (diminution des doses et impossibilité d'accéder au traitement pour certains usagers) et que pour 18 % des pénuries, les industriels n'apportent aucune solution aux professionnels et aux patients. Cette étude révèle également que l'indépendance sanitaire nationale et européenne est mise à mal puisque 80 % du volume de principes actifs est maintenant fabriqué dans des pays hors Union européenne, contre 20 % il y a 30 ans. Le 6 mai 2020, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a d'ailleurs souligné qu'il n'était « pas normal que l'Europe ne produise pas le moindre gramme de paracétamol et que la Chine concentre 80 % de la production mondiale d'antibiotiques ». Dans cette perspective, il est indispensable de relocaliser sur le continent européen une industrie pharmaceutique capable d'approvisionner les Européens en médicaments et principes actifs pharmaceutiques essentiels à la sécurité sanitaire. À l'initiative de l'auteur de la présente question, la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale a adopté, à l'unanimité, le 18 juin 2020, une résolution relative à la relocalisation de la fabrication des médicaments et des principes actifs pharmaceutiques en Europe. Cette résolution : premièrement, souligne la nécessité d'exiger de la part des entreprises du secteur privé, dans le cadre des projets importants d'intérêt européen commun, des garanties touchant à la localisation de la production et à la sécurité de l'approvisionnement du marché européen ; deuxièmement, appelle à établir au niveau européen une définition de la rupture d'approvisionnement et du surstockage ainsi qu'une grille standard d'évaluation du risque associé à une situation de tension ou de rupture ; troisièmement, demande la création d'une réserve stratégique européenne des médicaments d'intérêt sanitaire et stratégique critique et à créer un établissement pharmaceutique capable de produire, si nécessaire, ces médicaments. Il lui demande d'une part si le Gouvernement entend donner une suite aux propositions de cette résolution parlementaire afin de favoriser la relocalisation de l'industrie pharmaceutique en Europe. Il lui demande d'autre part de lui indiquer les mesures concrètes envisagées par le Gouvernement pour éviter à l'avenir les ruptures de stocks de médicaments.

Réponse émise le 25 mai 2021

D'une façon générale, les ruptures de stock de médicaments ainsi que les tensions d'approvisionnement ont des origines multifactorielles susceptibles d'intervenir tout au long de la chaîne de production et de distribution. Dans ce cadre, les laboratoires pharmaceutiques sont tenus de prévenir et de gérer les ruptures de stock des médicaments et des vaccins qu'ils commercialisent. Ils doivent assurer un approvisionnement approprié et continu du marché national et prendre toute mesure utile pour prévenir et pallier toute difficulté d'approvisionnement. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) est également mobilisée afin d'assurer la continuité de l'accès aux médicaments pour les patients et les professionnels de santé. Pour autant, compte tenu de l'augmentation des signalements de ruptures et risques de ruptures de stock constatée ces dernières années, différents textes sont venus encadrer la gestion de ces ruptures. Dans un premier temps, la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé et son décret d'application du 20 juillet 2016 relatif à la lutte contre les ruptures d'approvisionnement de médicaments a introduit des mesures de prévention et de gestion des ruptures de stock au niveau national afin de redéfinir les instruments à la disposition des pouvoirs publics et de renforcer les obligations qui pèsent sur les acteurs du circuit de fabrication et de distribution. Dans un second temps, la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé a rendu possible le remplacement de médicaments par les pharmaciens d'officine en cas de rupture d'un médicament d'intérêt thérapeutique majeur (MITM), facilitant ainsi la continuité du traitement des patients. Dans un troisième temps, le ministère des solidarités et de la santé a élaboré une feuille de route 2019-2022 pour lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France. A cet égard, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a considérablement renforcé la lutte contre les ruptures de stock de médicaments par la mise en place d'un plan de gestion des pénuries pour chaque médicament d'intérêt thérapeutique majeur. En outre, a été adoptée l'importation des alternatives thérapeutiques dans certains cas de pénuries et la constitution d'un stock de couverture des besoins en médicaments. A ce titre, les industriels doivent constituer un stock qui ne peut excéder quatre mois de couverture des besoins en médicaments, calculés sur la base du volume des ventes de la spécialité au cours des douze derniers mois glissants. Les sanctions financières entourant ces obligations ont été renforcées. Un comité de pilotage, sous l'égide du ministère des solidarités et de la santé, regroupant l'ensemble des parties prenantes, se réunit régulièrement pour partager les différentes mesures qui seront mises en place. Enfin, le Gouvernement a présenté, le 18 juin 2020, un plan d'action pour la relocalisation en France de projets de recherche et de sites de production de produits de santé. A ce titre, des initiatives destinées à favoriser la recherche française ont vu le jour notamment dans le cadre de la lutte contre la COVID-19. Par ailleurs, près de 200 millions d'euros ont été mobilisés pour développer les industries de santé et soutenir la localisation des activités de recherche et de production en France dans le cadre de la lutte contre la COVID-19. Cette enveloppe sera réévaluée en 2021 pour financer de nouveaux projets. En outre, un travail d'accompagnement vers l'industrialisation, la production et le stockage des produits de santé en France est en cours de réalisation. A cet égard, sur la base du rapport commandé à M. Jacques Biot par le Gouvernement en 2019, le Comité stratégique de filière (CSF) des « Industries et Technologies de Santé » va élaborer un plan d'actions reposant sur le recensement de projets industriels pouvant faire l'objet de relocalisations. La relocalisation de la production de principes actifs de paracétamol sur le territoire national constituera un premier exemple de cette démarche. Pour finir, un travail de coordination à l'échelle européenne est en cours afin de renforcer la capacité de l'Union européenne à faire face aux crises sanitaires et l'autonomie stratégique européenne pour la santé.

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