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Emmanuelle Ménard
Question N° 34253 au Ministère de la culture


Question soumise le 24 novembre 2020

Mme Emmanuelle Ménard interroge Mme la ministre de la culture sur la question des aides directes et indirectes que touche la presse chaque année. Selon la Cour des comptes, le chiffre d'affaires annuel de la presse avoisinait les 10 milliards d'euros en 2000. Aujourd'hui, il serait tombé à 7,5 milliards d'euros. Cette baisse s'explique en partie par la numérisation de l'information et donc la diminution significative des journaux imprimés. Parallèlement à la chute libre des ventes de journaux constatée depuis les années 1990, passant de 7 milliards à 4,3 milliards d'exemplaires, les recettes publicitaires sont elles passées de 3,8 milliards à 2,4 milliards d'euros sur la même période. Dès lors, il est intéressant de constater que le montant total des aides dont bénéficie le secteur est élevé en valeur absolue et représente une part croissante de son chiffre d'affaires. Chaque année, la Cour des comptes fait d'ailleurs le point sur cette situation. Récemment, elle préconisait une révision du régime spécifique des provisions pour les sociétés de presse, prévues aux articles 39 bis A et B du code général des impôts qui prévoient un régime spécial en faveur des entreprises de presse dans le but de leur permettre de financer elles-mêmes, au moyen des bénéfices qu'elles réalisent, l'acquisition des éléments indispensables à leur exploitation. La Cour des comptes s'interrogeait également sur le régime de l'abattement pour frais professionnels des journalistes qui permet à un journaliste qui gagne moins de 6 000 euros net par mois de défalquer 7 650 euros de son revenu annuel. Concrètement, un journaliste qui gagne, par exemple, 30 000 euros par an, n'en déclarera que 22 350 euros. La Cour des comptes s'était également penchée sur la question du taux de TVA super-réduit de 2,1 % qui s'applique sans distinction à l'ensemble des familles de presse, y compris la presse en ligne, une véritable incohérence étant donné que la valeur ajoutée de la presse écrite et de la presse en ligne sont significativement différentes. La liste de ces avantages n'est pas exhaustive. Selon certaines estimations, la presse papier recevrait la coquette somme de 2,5 milliards d'euros d'aides indirectes, soit 32 % de son chiffre d'affaires. Il s'agirait tout simplement de la profession la plus subventionnée de France. Ces chiffres alertent car ils permettent de douter non seulement de l'indépendance de la presse mais aussi de sa pluralité. De plus en plus contestées, ces aides doivent être complètement remises à plat. C'est dans cette perspective qu'elle lui demande de bien vouloir faire la lumière sur l'ensemble des aides, directes et indirectes, touchées par le secteur de la presse afin de pouvoir éclairer les Français sur un système bien peu transparent et permettre, le cas échéant, de supprimer les aides qui ne sont pas nécessaires, parce qu'elles soutiennent de grands groupes déjà bien installés au lieu de permettre l'émergence de nouveaux titres en France ; les journalistes étant une des professions en laquelle les Français ont le moins confiance, avec les politiques, une totale transparence sur les subventions qui leur sont allouées contribuerait à ce que celle-ci retrouve un peu de confiance et de crédibilité auprès de ses lecteurs.

Réponse émise le 21 juin 2022

La presse contribue de manière essentielle à l information des citoyens et à la diffusion des courants de pensées et d opinions. Elle permet une appropriation active de l information, une mise en perspective des événements, une confrontation des commentaires et des analyses et aboutit ainsi à la construction d une véritable conscience culturelle et politique. C est la raison pour laquelle l État s attache, de longue date, à soutenir le secteur. La politique publique d aides à la presse poursuit des objectifs explicités dans la présentation des crédits du programme 180 « Presse et médias » de la mission « Médias, livres et industries culturelles » : soutenir le développement de sa diffusion, conforter les conditions de son pluralisme et de sa diversité et favoriser sa modernisation, l innovation et l accompagnement des nouveaux usages. Pour rappel, les titres de presse souhaitant bénéficier d aides directes et indirectes doivent se voir attribuer un certificat par la commission paritaire des publications et agences de presse. Cette commission indépendante procède à une analyse objective des médias. Ce système garantit une égalité de traitement au nom du pluralisme de la presse. Les crédits votés en loi de finances pour 2022 relatifs aux aides directes (hors plan de relance) représentent un montant total d environ 181 M , dont : l aide au portage de la presse (26,5 M ), l aide à l exemplaire pour les titres de presse postés (62,3 M ), les aides au pluralisme (22 M ), le fonds stratégique pour le développement de la presse (16,47 M ), l aide à la modernisation de la distribution de la presse quotidienne nationale (27,85 M ), l aide à la modernisation des diffuseurs de presse (6 M ), le fonds de soutien aux médias d information sociale de proximité (1,83 M ), le fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse (FSEIP) (5 M ). En 2022, les aides indirectes en faveur de la presse sont réparties entre les dispositifs suivants : le taux super-réduit de la TVA (2,1 % en métropole, 1,05 % en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion) constitue la principale dépense fiscale, pour un montant estimé à 161 M en projet de loi de finances pour 2022 ; l exonération de CET pour les diffuseurs de presse (estimée à 5 M ) ; l exonération de la TVA des publications des collectivités publiques et des organismes à but non lucratif ; la déduction spéciale prévue en faveur des entreprises de presse ; la réduction d impôt des entreprises et des particuliers pour souscription en numéraire au capital des sociétés de presse ; la réduction d'impôt au titre des dons. En outre, conformément à l article 81 du code général des impôts, les journalistes bénéficient d un abattement forfaitaire sur leurs revenus d un montant de 7 650 pour leur déclaration de revenus, qui correspond aux dépenses spécifiques liées au travail de journaliste. Cet abattement est toutefois réservé aux professionnels dont le revenu brut annuel ne dépasse pas un plafond annuel fixé à 93 510 bruts. Différentes mesures d exonérations sociales existent par ailleurs, comme le régime dérogatoire des taux de cotisation de sécurité sociale des vendeurs colporteurs et porteurs de presse (évalué à 12,89 M en 2022), l abattement de 20 % appliqué aux taux de cotisations de sécurité sociale des journalistes ou encore l affiliation aux régimes sociaux facultative des correspondants locaux de presse dès lors que leur rémunération n'excède pas un certain niveau. En outre, l État contribue au financement de la mission de service public de transport postal de la presse. Le coût de la compensation versée à La Poste au titre de cette mission s est élevé à 87,8 M en 2021. L État apporte, enfin, un soutien financier à l Agence France-Presse (AFP) de 135 M en 2022. Depuis 2015, la contribution financière de l État en faveur de l AFP se décompose en un abonnement aux services de l Agence, d une part, et une subvention pour compensation du coût net des missions d intérêt général, d autre part. Ces données sont publiques et sont mises à jour régulièrement sur le site internet du ministère de la culture, tout comme les tableaux annuels des titres et groupes de presse aidés. Les données pour l année 2020 seront publiées dans le courant du premier semestre 2022. Le ministère de la culture publie également sur data.gouv.fr les données essentielles des conventions de subvention. Il est également à noter qu en août 2020, dans un contexte de relance économique, le président de la République a annoncé la mise en place d un plan de filière. Celui-ci est constitué d'un volet d'urgence, lié à la crise et spécifique au secteur, et d'un volet de mesures de plus long terme, visant à consolider l'avenir de la presse. Dans le cadre de ce plan, l'État s'est mobilisé pour accompagner et préserver la distribution de la presse au numéro en apportant un soutien financier à hauteur de 187 M en 2020 pour assurer la continuité d'activité de Presstalis et accompagner le lancement de France Messagerie. Par ailleurs, le ministère de la culture a mis en place trois aides exceptionnelles, instituées par le Parlement dans la loi de finances rectificative pour 2020 du 30 juillet 2020 : l'aide au bénéfice de certains diffuseurs de presse (19 M ), l'aide au bénéfice des éditeurs d'information politique et générale les plus fragilisés par la liquidation de Presstalis (8 M ) et enfin l'aide aux titres ultramarins d'information politique et générale (3 M ). Outre ces mesures d'urgence, le plan de filière comprend des mesures de long terme. Ainsi, en loi de finances pour 2021 ont été instituées deux nouvelles aides au pluralisme : une aide au pluralisme des services de presse en ligne (4 M ) et une aide au pluralisme des titres ultramarins (2 M ). Ces aides ont vocation à être pérennes et ont donc été reconduites en loi de finances initiale pour 2022. De plus, dans le cadre du plan « France Relance », près de 140 M seront mobilisés entre 2021 et 2022 pour le secteur de la presse à travers différentes mesures : la mise en place d'un fonds de lutte contre la précarité dans le secteur (36 M sur deux ans) ; la mise en place d'un fonds pour la transition écologique (16 M sur deux ans) ; la mise en place d'un fonds pour la réforme industrielle des imprimeries (31 M sur deux ans, en plus de 5 M déjà votés en loi de finances rectificative pour 2020 pour amorcer ce fonds) ; le renforcement des crédits du fonds stratégique pour le développement de la presse (45 M sur deux ans, en plus de 5 M supplémentaires déjà votés en loi de finances rectificative pour 2020) ; le doublement de l'aide à la modernisation des diffuseurs (12 M sur deux ans). C'est aussi dans le cadre du plan de filière qu'a été annoncée la mise en place d'un crédit d'impôt pour les premiers abonnements à la presse d'information politique et générale, prolongé en loi de finances pour 2022 jusqu au 31 décembre 2023.

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