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Jean-Paul Dufrègne
Question N° 34396 au Ministère de la transition écologique


Question soumise le 1er décembre 2020

M. Jean-Paul Dufrègne attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur les questionnements autour du projet Hercule de démembrement d'EDF et sur l'inquiétude partagée que cette transformation suscite. Le projet Hercule, c'est la fin d'EDF tel qu'il a été pensé et conçu en 1946, c'est-à-dire selon le principe que l'énergie constitue un bien public et que, à ce titre, sa gestion ne peut être laissée dans les mains de sociétés privées. Aujourd'hui, l'objectif gouvernemental est tout autre : il faut ouvrir les vannes des marchés et désengager l'État. Pour y parvenir, le projet Hercule vise à éclater EDF en une multitude de filiales regroupées en deux pôles : un pôle public, dit bleu, regroupant le nucléaire, l'hydraulique et le thermique et un pôle ouvert aux capitaux privés, appelé vert, tourné vers les énergies renouvelables, la commercialisation, le réseau de distribution, les services. Après 20 ans de libéralisation et de mise en concurrence du marché, le constat est sans appel : les prix de l'électricité et des énergies n'ont cessé d'augmenter tandis que les consommateurs sont confrontés à un système opaque et à des démarchages permanents voire malhonnêtes. À ce constat s'ajoutent d'autres conséquences, et non des moindres, comme une disparition en 2023 des tarifs régulés, des prix de marché volatiles, une baisse des budgets de recherche et d'ingénierie ou encore une mise en danger de la sûreté des installations, pour ne citer qu'elles. Une nouvelle fois, les grands gagnants sont les flux de capitaux contre l'intérêt général. De même, sous couvert d'une marche accélérée de la transition écologique, le choix de privatiser une entreprise dont l'État est actionnaire à 83,7 % est un contresens. Pour exemple, le développement anarchique des énergies renouvelables, notamment l'éolien, est une véritable catastrophe pour les territoires ruraux comme l'Allier et il faut au contraire renforcer l'intervention publique dans ce domaine pour structurer ce développement. Avec le projet Hercule, ce secteur essentiel et stratégique sera confié au privé. Alors que l'urgence climatique exige une planification à long terme incompatible avec le marché et que la crise sanitaire a rappelé l'importance d'avoir des services publics forts, le projet Hercule va livrer le système électrique aux intérêts privés contre l'intérêt de tous. Quel contrôle l'État exercera-t-il sur la stratégie industrielle concernant les moyens de production à moyen et long terme, afin de garantir une fourniture en adéquation avec la demande ? Comment respecter les émissions de CO2 alors que deux productions, nucléaire et hydraulique, entreront en concurrence avec l'ouverture des concessions des ouvrages électriques ? Quel contrôle l'État exercera-t-il en matière de sécurité industrielle ? Quelles garanties que le pôle dit vert, en ouvrant son capital, n'aboutisse pas à la situation actuelle de GRDF ? Comment s'assurer que le financement d'Enedis TURP (tarif d'utilisation des réseaux publics) ne soit pas détourné pour alimenter des intérêts privés ? Comment l'État s'assurera-t-il qu'il n'y ait pas d'envolée des tarifs ? Et quelle garantie apportera-t-il sur le maintien de la péréquation tarifaire, garant d'égalité de traitement sur le territoire en matière d'électricité ? Aussi, il souhaite savoir si le Gouvernement entend modifier le dossier Hercule en considération de ces questionnements et prendre toute autre disposition en la matière afin de développer un projet d'avenir pour réinventer un service public de l'électricité qui réponde à la crise climatique tout en garantissant l'accès à tous à l'énergie.

Réponse émise le 9 mars 2021

EDF est une grande entreprise française, un champion national, dont l'existence est indissociable de l'histoire française de ces dernières décennies. C'est un leader mondial dans le secteur énergétique, et plus spécifiquement dans la production, l'acheminement et la commercialisation d'électricité et l'offre de services innovants à destination des consommateurs finals. C'est aussi une entreprise présente dans tous nos territoires, qui contribue à leur aménagement et qui les accompagne dans leur développement et dans leur nécessaire transition énergétique ; que ce soit au travers d'un réseau électrique performant et intelligent ou que ce soit via des installations hydroélectriques respectueuses du climat et qui contribuent à la compétitivité de notre pays. Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour permettre à l'entreprise de préparer son avenir dans les meilleures conditions, de manière à ce qu'elle puisse faire face aux défis auxquels elle se trouve confrontée et qu'elle puisse continuer à jouer, demain, un rôle majeur dans la transition énergétique du pays. Le premier défi est celui de l'investissement dans la transition énergétique, dans un contexte financier contraint pour l'entreprise. EDF est aujourd'hui lourdement endettée et la soutenabilité de sa trajectoire financière est surveillée avec attention. Cette situation résulte de choix passés de l'entreprise, de l'environnement de marché dans lequel elle évolue, ainsi que des décisions des gouvernements précédents. EDF dispose d'un parc de production d'électricité parmi les plus décarbonés au monde, fondé sur le nucléaire, l'hydro-électricité et une part croissante d'autres énergies renouvelables. Elle doit pouvoir continuer de jouer un rôle central dans la transition énergétique en continuant d'investir à la fois dans le parc nucléaire existant, qui représente une grande partie du bouquet énergétique français et qui, pour cette raison, demeurera nécessaire encore de nombreuses années, et de façon massive dans les énergies renouvelables, les réseaux et dans tous les autres aspects de la transition énergétique : l'hydrogène propre, les services aux clients, l'efficacité énergétique et le stockage de l'énergie. Au regard de la situation de l'entreprise et de cet objectif, les mécanismes de régulation économique du nucléaire et de l'hydro-électricité, instaurés il y a plusieurs années, ne sont plus adaptés à la réalité des marchés de l'électricité et ne permettent pas de financer cette ambition. Dans le même temps, les grands concurrents d'EDF investissent massivement sur tous ces sujets. Le Gouvernement ne se résout pas à accepter qu'EDF soit reléguée au second plan sur ces enjeux majeurs et c'est la raison pour laquelle il a engagé, en lien étroit avec l'entreprise, des discussions avec la Commission Européenne pour donner EDF les moyens d'assumer un rôle clé dans la transition énergétique. En deuxième lieu, il s'agit de mettre un terme à un contentieux ouvert depuis plus de 6 années et qui paralyse les investissements dans des ouvrages hydroélectriques dont le développement, la maintenance, et l'exploitation ont été concédés à l'entreprise et pour lesquels les contrats de concession sont désormais échus. Il s'agit, enfin, conformément à la volonté du président de la République, de permettre aux Français de bénéficier dans la durée de la performance d'un outil de production qu'ils ont contribué à financer. Le projet que porte le Gouvernement a ainsi pour but de conforter le groupe EDF et de lui permettre d'assurer son rôle clef dans la transition énergétique. Il repose sur deux piliers : - d'un côté, une importante réforme de la régulation actuelle du parc nucléaire existant, dont la mise en œuvre remonte à 2010, et qui ne permet pas de garantir la couverture des coûts et des investissements nécessaires à son fonctionnement ; - de l'autre, une réorganisation du groupe, nécessaire tant pour permettre – au regard du droit européen – la mise en œuvre de cette nouvelle régulation, que pour solder le contentieux communautaire sur les concessions hydroélectriques et pour mobiliser de nouveaux financements pour le développement du groupe. Dans le cadre de cette réorganisation, seraient rassemblées dans une entité unique les activités liées aux énergies renouvelables, à la fourniture d'énergies, aux services aux clients, aux nouveaux usages de l'électricité et à la croissance internationale d'EDF, qui permet de nourrir son innovation. Parce que l'évolution du système électrique met le réseau de distribution au cœur de la transition énergétique, c'est dans cet ensemble qu'Enedis serait placé. Cette entité ainsi constituée, à l'image de plusieurs de ses grands concurrents européens, permettra de donner des perspectives de développement et de financer la croissance de toutes ces activités. Elle restera détenue très majoritairement par EDF, dans le cadre d'un groupe public et intégré. Ce projet vise à donner les moyens à l'entreprise intégrée de rester le premier électricien bas carbone d'Europe, en sécurisant le financement de son parc nucléaire et en lui permettant d'investir massivement dans les autres aspects de la transition énergétique. A ce stade, nous ne sommes pas encore parvenus à un accord global avec la Commission européenne et les échanges se poursuivent. Dès que les grands principes de la réforme auront fait l'objet d'un accord, le Gouvernement sera en mesure de communiquer sur les résultats de cette négociation. La proposition de réorganisation du Groupe EDF devra prendre en compte les éléments de la négociation au niveau européen. En particulier, compte tenu de la position d'EDF sur le marché français et de la sécurisation financière particulière qu'apporterait la régulation, des garanties en matière de séparation, au sein d'EDF, entre les activités nucléaires régulées et les autres activités concurrentielles, devront être apportées pour assurer que la régulation dont bénéficiera EDF sur son parc nucléaire ne puisse pas contribuer indûment à renforcer ses positions sur les autres segments de marché. La Commission européenne est particulièrement attentive à ces aspects.

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