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Jean Lassalle
Question N° 34406 au Ministère de l’éducation nationale


Question soumise le 1er décembre 2020

M. Jean Lassalle alerte M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports sur les inquiétudes des parents et de nombreux professionnels concernant certaines mesures du « projet de loi confortant les principes républicains » intégrant la modification du droit à l'instruction en famille. En effet, selon les dispositifs de ce projet transmis aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat 17 novembre 2020, le Gouvernement souhaite mettre fin à la scolarisation à domicile pour tous les enfants dès 3 ans, sauf « pour des motifs très limités tenant à la situation de l'enfant ou à celle de sa famille », et plus précisément pour des raisons médicales. En conséquence, les familles qui ont fait un choix pédagogique alternatif au système scolaire dénoncent une atteinte à la liberté d'instruction. En effet, si l'article L. 131-1-1 du code de l'éducation estime que « l'instruction obligatoire est assurée prioritairement dans les établissements d'enseignement », l'article L. 131-2 laisse l'opportunité de donner l'instruction « dans les familles », en contrepartie (voir l'article L. 131-5) d'une « déclaration annuelle » et d'une « enquête de la mairie compétente » tous les deux ans, la mairie réalisant une enquête sociale, alors que « la qualité de l'instruction » est de la compétence de l'éducation nationale. Bien que cette loi prévoie d'y mettre fin, l'État n'est pas prêt à remplacer efficacement ce système qui a fait ses preuves, là où celui de l'éducation nationale a manqué. Car pour de très nombreuses raisons et dans de très nombreux cas, l'enseignement en famille reste souvent une dernière solution afin de garantir pleinement l'éducation à un enfant. Premièrement, si on retient la règle d'une raison médicale, à l'heure actuelle, certaines maladies rares ou invisibles restent très complexes à diagnostiquer par des professionnels, donc à les faire reconnaître par le système et la société, comme dans le cas de l'autisme, régulièrement dénoncé par l'association « Autisme France ». De ce fait, le recours à l'instruction en famille est donc souvent la seule solution pour ces enfants, mal intégrés dans le milieu scolaire. Par ailleurs, même si les moyens budgétaires consacrés à l'accompagnement des enfants handicapés ou malades par des AVS (des assistants d'éducation, l'accompagnement individuel ou collectif) ont augmenté, ils restent néanmoins insuffisants pour abandonner totalement le dispositif alternatif en vigueur. Enfin, des raisons valables du choix de « l'école à la maison » sont multiples et toutes aussi indispensables à la réussite de la continuité de l'enseignement, par exemple dans le cas de l'expatriation avec le recours à l'enseignement par correspondance, dans le cas des enfants avec des difficultés d'adaptation à la norme collective scolaire générant des maux psychologiques chez certains ou la précocité intellectuelle qui peut nécessiter un enseignement adapté, ou encore dans des cas de familles itinérantes ou les mineurs sportifs de haut niveau. De surcroît, certains établissements dédiés à un enseignement spécifique, publics ou sous contrats privés, sont parfois éloignés des lieux de vie des familles et de ce fait peuvent générer des coûts financiers trop élevés, ou encore offrent peu de places en structure. Enfin, selon ces familles, s'il est justifié de vouloir réadapter la méthodologie et les contrôles de ce système alternatif, il est inacceptable de leur retirer définitivement ce droit « à l'éducation à la maison » et d'abandonner ces enfants à un système, en l'occurrence sans solutions pour eux. C'est pourquoi les parents qui, pour toutes ces raisons valables et louables, ont dédié leur vie et leurs efforts à l'éducation de leurs enfants avec le système alternatif et de droit, attendent du Gouvernement que cette mesure soit réexaminée en urgence. Aussi, il lui demande s'il envisage de prendre en considération ces revendications des familles, mais également l'avis du Conseil d'État qui, dans deux décisions récentes, a reconnu le droit des parents de faire le choix d'une éducation alternative, et les préconisations de l'article 26 de la déclaration universelle des droits de l'Homme qui affirme, en outre, que « les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants », et de lui indiquer s'il compte revenir sur sa position.

Réponse émise le 4 mai 2021

Le Président de la République a annoncé, lors de son discours sur le thème de la lutte contre les séparatismes du 2 octobre 2020, que la scolarisation serait rendue obligatoire pour tous les enfants âgés de trois à seize ans. Ceci implique la restriction de l'instruction dans la famille aux cas pour lesquels la scolarisation de l'enfant est impossible ou pour lesquels la situation particulière de l'enfant justifie une autorisation d'instruction en famille. Il y a lieu, en préambule, de relever que l'instruction en famille augmente fortement chaque année avec une accélération marquée pour la période 2016-2020 pendant laquelle le nombre d'enfants concerné a doublé. Sur dix ans, ce nombre a plus que triplé puisqu'il est passé de 19 000 enfant à la rentrée 2010 à 62 000 à la rentrée 2020. On précisera également que, il y a dix ans, 70 % de ces enfants étaient inscrits au Centre national d'enseignement à distance (CNED) dit « réglementé », c'est à dire en vue de suivre à distance, pour des motifs objectifs (maladie, handicap, itinérance de la famille, éloignement géographique ou activités sportives ou artistiques de haut niveau…) une scolarité conforme aux programmes de l'éducation nationale. En 2020, ils ne représentent plus que 25% de l'effectif total, les 3/4 des enfants étant instruits à domicile pour ce que l'on qualifiera de convenances personnelles puisque les familles n'ont aucune justification à fournir lorsqu'elles procèdent à la déclaration informant l'autorité académique de leur décision. Plusieurs affaires récentes ont montré les limites du dispositif actuel de l'instruction dans la famille ainsi que des risques de persistance du non-respect du droit à l'éducation. Certaines inspections ont ainsi mis en évidence les lacunes d'une part non négligeable des enfants instruits à domicile (10 % des enfants contrôlés présentent des lacunes majeures) ; d'autres ont révélé, indépendamment du niveau scolaire, un repli d'ordre communautaire ou sectaire ; d'autres enfin ont permis de détecter l'existence d'écoles de fait, ouvertes à l'initiative de familles préférant éviter de scolariser leurs enfants dès l'âge de trois ans ou permettre à ces derniers de suivre un enseignement à caractère confessionnel plus marqué voire exclusif d'autres enseignements fondamentaux, empêchant leurs enfants d'acquérir à l'âge de seize ans les connaissances du socle commun de connaissances, de compétences et de culture prévu à l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation. Or l'École, qui est au cœur de la promesse républicaine, est le lieu des apprentissages fondamentaux et de la socialisation, où les enfants font l'expérience des valeurs de la République et du vivre ensemble. L'instruction à l'école – qui constitue un droit fondamental de l'enfant – comme l'intérêt supérieur de celui-ci commandent que soient satisfaits deux objectifs : - d'une part, que l'enfant reçoive une instruction effective et complète lui permettant d'acquérir les connaissances, la méthode et l'esprit critique requis à chaque niveau d'enseignement. Il en va à la fois de son épanouissement intellectuel et psychique, et de sa future insertion dans la vie professionnelle. Ceci implique que les enseignements soient dispensés par des professionnels compétents, à même de penser des modalités d'individualisation, régulièrement formés et inspectés ; - d'autre part, la socialisation de l'enfant. Le développement psychologique de l'enfant et la construction de soi passent par de multiples interactions, à la fois avec ses pairs et avec des tiers adultes, qui incarnent une autorité différente de celle des parents. La construction de citoyens libres et éclairés implique qu'un enfant puisse faire la double expérience de l'altérité et de la collectivité, dans un cadre neutre et protecteur, respectueux de ses convictions comme de sa santé. Cette socialisation est d'autant plus importante qu'elle est synonyme d'apprentissage du respect des règles communes : rituels en maternelle, règles de vie à l'école et au collège. Il convient enfin d'ajouter que la scolarisation des enfants relève également d'un enjeu de santé publique et de protection de l'enfance. En termes de prévention, l'école contribue au dépistage de certains troubles et permet de vérifier le respect des obligations vaccinales dans le cadre plus général de l'éducation à la santé : éducation à l'alimentation mais aussi à la sexualité, afin de promouvoir le respect du corps et de l'autre. Le projet de loi n° 3649 confortant le respect des principes de la République pose le principe de la scolarisation obligatoire de l'ensemble des enfants aujourd'hui soumis à l'obligation d'instruction, soit les enfants âgés de trois à seize ans. Il ne pourra être dérogé à cette obligation de fréquenter un établissement d'enseignement public ou privé que sur autorisation délivrée par les services académiques, pour des motifs tirés de la situation de l'enfant et définis par la loi. Les demandes d'autorisation d'instruction dans la famille ne pourront reposer sur les convictions politiques, philosophiques ou religieuses de la famille. L'autorisation ne pourra être accordée que pour les motifs suivants : - l'état de santé de l'enfant ou son handicap ; - la pratique d'activités sportives ou artistiques intensives ; - l'itinérance de la famille en France ou l'éloignement géographique d'un établissement scolaire ; - l'existence d'une situation particulière propre à l'enfant, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de leur capacité à assurer l'instruction en famille dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant.  Synonyme à la fois de qualité de l'instruction et de socialisation, la mesure rendant la scolarisation obligatoire pour les enfants âgés de trois à seize ans dans un établissement d'enseignement public ou privé s'inscrit dans la continuité de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, notamment son article 11 qui a étendu l'instruction obligatoire aux enfants âgés de trois à seize ans, et constitue ainsi un levier de justice sociale et de réussite pour tous les élèves, visant à leur offrir les mêmes chances de réussite dans leur scolarité.

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