Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Sébastien Jumel
Question N° 34712 au Ministère du travail


Question soumise le 8 décembre 2020

M. Sébastien Jumel interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur la dégradation de la situation de l'emploi et ses conséquences sociales en Seine-Maritime. Il souhaite demander à M. le ministre de réfléchir à des mesures visant à suspendre la mise en place des plans de sauvegarde de l'emploi durant toute la période de la crise sanitaire. Le territoire seinomarin est fortement impacté par la crise économique et sanitaire : un très grand nombre d'entreprises au cœur du bassin havrais, dans la vallée de la Bresle et en périphérie de Saint-Étienne-du-Rouvray ont d'ores et déjà annoncé la mise en place de dispositifs dits de « sauvegarde de l'emploi ». Ces mesures interviennent après les deux confinements qui ont largement fragilisé le tissu économique local. La DARES a d'ailleurs indiqué récemment que le nombre de plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) initiés poursuit sa hausse avec 528 PSE initiés entre le 1er mars et le 11 octobre 2020, contre 295 pour la même période de 2019, multipliant par trois le nombre de contrats de travail rompus dans ce cadre par rapport à l'année dernière. Au sein d'une très grande partie de ces entreprises impactées, les salariés respectent les mesures sanitaires en appliquant le télétravail lorsque c'est possible ou bénéficient de l'activité partielle ; d'autres sont éloignés et placés en confinement, quand certains demeurent en arrêt maladie, frappés par la covid-19. Dans ce cadre, il est difficile, voire quasiment impossible, pour eux et les organisations syndicales présentes au sein des entreprises, de s'organiser et d'échanger sur la mise en place de ces plans sociaux. Les décisions sont ainsi annoncées verticalement par les employeurs, au mépris de toute démocratie sociale et de la démocratie en entreprise. Alors que l'industrie normande est une des plus dynamique du pays, qu'elle représente 21 % de la production de la région, que des savoir-faire fondamentaux sont en jeu, aucune mesure n'est prise pour suspendre ces plans qui interviennent sans que puissent émerger des solutions crédibles en Normandie, comme partout en France. La crise a largement freiné les reprises d'entreprises, l'Insee a indiqué en ce sens que l'industrie manufacturière prévoit un recul de ses investissements de l'ordre de 14 % en valeur en 2020 par rapport à 2019. Sans mesures de protection administrative des emplois, le risque d'hécatombe est fort : déjà 715 000 emplois ont été détruit durant l'année 2020, et de nombreux observateurs estiment que « le point bas » devrait être atteint vers le premier semestre 2021. Laisser cours à ces plans massifs de délocalisation ou de restructuration va entraîner une destruction économique qui n'est justifiée ni par une quelconque innovation technologique, ni par une plus grande compétitivité étrangère : car c'est bien l'asphyxie de la demande et les appétits de rentabilité sur l'appareil productif qui conduisent à une telle situation. Les effets d'aubaine pour les grandes entreprises sont également sous-estimés, alors que beaucoup bénéficient d'aides publiques et exigent en interne ou auprès de leurs sous-traitants des mesures de réduction de coût dans la période. M. le député souhaite connaître les intentions de M. le ministre sur les dispositions qu'il compte prendre pour placer sous protection administrative l'ensemble des salariés visés par un plan de sauvegarde de l'emploi durant la crise sanitaire et pour toute l'année 2021 au moins. Il souhaite connaître son avis à propos d'un moratoire sur les licenciements économiques et les PSE durant la crise sanitaire, ainsi que sur l'octroi d'un droit de veto au comité social et économique (CSE) sur l'application de ces plans.

Réponse émise le 7 septembre 2021

Il convient tout d'abord de souligner que la sauvegarde des entreprises et de l'emploi est une priorité qui sous-tend toutes les actions initiées à ce jour par le ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion et de manière générale par le gouvernement. Le dispositif d'allocation partielle de longue durée (APLD) permet ainsi de maintenir les emplois et les compétences dans les entreprises durablement affectées par une baisse d'activité. Ce dispositif permet de prévenir les plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) ou de réduire significativement leur ampleur. Ainsi, certains accords négociés entre les partenaires sociaux d'entreprises ayant engagé des plans de sauvegarde de l'emploi ont permis de diminuer très significativement le niveau des suppressions d'emplois prévu initialement par les entreprises voire même de les annuler. Dans certains cas, c'est la pérennité de l'entreprise qui est en jeu et procéder à une suspension générale des procédures de restructuration ne saurait résoudre les difficultés économiques rencontrées par les entreprises, et pourrait même avoir pour effet de les aggraver et d'amplifier les licenciements nécessaires dans les mois à venir. Les restructurations d'entreprises en France sont très encadrées par la loi, notamment lorsqu'elles conduisent à des licenciements économiques importants. Ainsi, l'employeur doit obligatoirement informer et consulter le comité social et économique (CSE) sur le projet de restructuration ainsi que sur le contenu du PSE avant de pouvoir soumettre son projet au contrôle préalable de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) devenue, à compter du 1er avril 2021, la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS). Le CSE dans le cadre de cette procédure ne dispose pas de véto, ou d'avis conforme. Un tel véto serait contraire à la liberté d'entreprendre de l'entreprise, et le rendrait co-responsable du devenir de l'entreprise y compris en cas de défaillance de l'entreprise. Or cette responsabilité est celle de l'entreprise qui doit seule l'assumer. Pour cette même raison il n'appartient pas à l'administration de se prononcer au préalable sur le bien-fondé du motif économique du PSE, seul le juge judiciaire pouvant exercer son contrôle a posteriori. Par ailleurs, au vu des contraintes dues à la pandémie, le gouvernement a pris des mesures pour favoriser la poursuite du dialogue social au sein des entreprises malgré la situation de crise sanitaire actuelle, en cas de difficultés de tenue des réunions en présentiel. A ce titre, dans la continuité de l'ordonnance n° 2020-389 du 2 avril 2020, l'ordonnance n° 2020-1441 du 25 novembre 2020 portant adaptation des règles relatives aux réunions des instances représentatives du personnel, prévoit des dispositions dérogatoires au code du travail qui permettent la tenue de visio-conférences et audioconférences. De plus, celle-ci prévoit en cas d'impossibilité de la tenue de telles réunions, le recours à la messagerie instantanée, pour l'ensemble des réunions du comité social et économique, à condition que l'employeur en ait préalablement informé leurs membres. Ces mesures exceptionnelles s'appliqueront jusqu'à l'expiration de l'état d'urgence sanitaire. Les modalités d'application de cette ordonnance sont précisées par le décret n° 2020-1513 du 3 décembre 2020 relatif aux modalités de consultation des instances représentatives du personnel pendant la période de l'état d'urgence sanitaire. Les services du ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion veillent au respect de ces mesures exceptionnelles garantissant notamment le maintien d'un dialogue de qualité au sein des entreprises, particulièrement nécessaire dans les cas de mise en place de plans de sauvegarde de l'emploi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.