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Jean-Michel Mis
Question N° 35043 au Ministère de la justice


Question soumise le 15 décembre 2020

M. Jean-Michel Mis interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'interprétation de l'article 1er alinéa 2 de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice. Les huissiers de justice sont des officiers publics et ministériels exerçant une activité réglementée et monopolistique. Ces activités s'exercent dans le cadre d'une compétence territoriale. En matière de constatations, cette compétence territoriale est désormais nationale depuis la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 - article 54 (V) - portant réforme de l'article 3 alinéa 1 de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945. À ce jour, les constatations sont réalisées physiquement par l'huissier de justice sur le lieu du fait à constater. L'huissier de justice procède à ses constatations en certifiant la matérialité du fait constaté, l'horodatage et la localisation dudit fait. Les huissiers peuvent également procéder à toute constatation sur internet en respectant les impératifs de sécurité définis par la jurisprudence que sont : « la description précise du matériel utilisé, la mention de l'adresse IP de connexion, la désactivation de la connexion par serveur Proxy et la suppression de l'ensemble des fichiers temporaires stockés sur l'ordinateur ayant servi aux opérations de constat, en outre le constat devra contenir une copie du code source de la page depuis lequel est réalisé en constat. » Un huissier de justice peut aujourd'hui s'appuyer pour son activité de constat sur une plateforme internet utilisant les technologies actuelles de live streaming garantissant les informations telles que la qualité et l'identité de l'huissier de justice qui procède aux constatations, la géolocalisation précise du fait constaté, la matérialité du fait constaté, l'horodatage de la constatation et le respect des impératifs de sécurité tels que définis par la jurisprudence en matière de constat internet. Or les acteurs concernés s'interrogent sur la conformité de ces pratiques aux prescriptions de l'article 1er alinéa 2 de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945. Aussi, il lui demande de bien vouloir l'éclairer sur l'interprétation à donner de l'alinéa 2 de l'article 2 de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice.

Réponse émise le 7 septembre 2021

L'article 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers prévoit que : « Les huissiers de justice peuvent […], commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter ». Au sens de cet article, est une constatation purement matérielle toute situation personnellement constatée par l'huissier de justice au moyen de ses sens, en sa qualité de tiers neutre, indépendant et impartial. En application de ces dispositions, l'huissier de justice peut effectuer des constatations sur internet.  Le constat fait sur internet doit toutefois être distingué du constat fait par internet, c'est-à-dire effectué par l'intermédiaire d'une plateforme utilisant les technologies de retransmission en direct. En effet, dans ce second cas, les faits à constater ont une réalité physique propre que la plateforme est sensée retransmettre. Sous réserve de l'interprétation souveraine des juridictions, qui ne semblent pas avoir encore statué sur ce point, le constat d'huissier par l'intermédiaire d'une plateforme de retransmission en direct ne saurait avoir, s'agissant des faits ainsi retransmis, la force probante attachée aux constatations purement matérielles mentionnées à l'article 1er de l'ordonnance précitée, c'est à dire faisant foi jusqu'à preuve contraire. En effet, ces constatations sont réalisées par l'intermédiaire d'un outil susceptible d'occulter ou d'altérer partiellement la réalité des faits constatés : l'huissier constate la retransmission de l'événement, et non l'événement en lui-même. Dès lors, pour que des constatations matérielles aient la force probante prévue par l'article 1er précité, il appartient à l'huissier de se rendre physiquement sur les lieux des faits. L'alinéa 2 de l'article 2 de la même ordonnance confirme d'ailleurs que seules « les indications que les huissiers ont pu eux-mêmes vérifier » relèvent de leur responsabilité. En outre, selon les termes de leur serment, les huissiers jurent de remplir leurs fonctions, notamment, « avec exactitude ». L'exigence d'un déplacement aux fins de constater personnellement la matérialité des faits pourrait être rappelée dans les dispositions réglementaires en cours de rédaction qui régiront la profession de commissaire de justice qui regroupera les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires.

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