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Frédérique Dumas
Question N° 35308 au Ministère de l’économie (retirée)


Question soumise le 29 décembre 2020

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Mme Frédérique Dumas attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur ce qui pourraient constituer de graves dysfonctionnements dans l'application des règles de gouvernance et de gestion du groupe public France Télévisions. À l'origine de ces dysfonctionnements, se trouve un contrat de prestation qui a été signé par la présidente de France Télévisions, avec la société Air Production et un animateur producteur , pour la commande de plusieurs programmes sur la période 2017-2020. Ce contrat a été renouvelé en juin 2020, les programmes qu'il concerne sont toujours diffusés sur les antennes du groupe France Télévisions.   Cette commande pluriannuelle a été conclue pour un montant de près 100 millions d'euros (33 millions d'euros par an) sans que ne soit a priori strictement respectée la procédure d'engagement normalement applicable pour cette catégorie de contrat. En effet, selon les statuts de la société, « le conseil d'administration adopte un règlement intérieur ayant pour objet de préciser son mode de fonctionnement ainsi que celui des comités spécialisés qu'il institue dans le respect des dispositions législatives et règlementaires applicables. Le règlement intérieur détermine notamment les engagements dont la nature ou le montant justifient qu'ils soient soumis au conseil d'administration ». À ce titre, « le sous-comité des engagements est chargé d'émettre un avis consultatif sur les acquisitions de programmes, avant la signature des contrats, dès lors que leur montant dépasse certains seuils fixés en fonction de la nature des programmes, 15 millions d'euros pour le sport, 10 millions d'euros pour les programmes de stock et de flux ». Selon les informations recueillies, il semblerait que la présidente n'ait pas respecté cette procédure, soit en ne sollicitant tout simplement pas ce comité, soit en ne présentant qu'une infime partie de ce contrat et non son entièreté ce qui s'apparenterait à un dévoiement pur et simple des règles. Les représentants notamment du ministère de l'économie et des finances, la direction du budget et l'Agence des participations de l'État n'ont pas relevé cette importante entorse aux règles de gestion publique ou n'en ont pas été informés par la dirigeante de l'entreprise, pas plus que le contrôleur général économique et financier qui aurait dû alerter sa hiérarchie de cette défaillance et ne pas autoriser la mise en œuvre de ce contrat pourtant exécuté durant ces dernières années. De surcroît, au vu des éléments qui ont été portés à sa connaissance, il ressort d'une clause du contrat que la présidente de France Télévisions se serait expressément engagée, à consulter pour avis son conseil d'administration compte tenu des montants en jeu. Cet engagement n'aurait pas été suivi d'effets. Outre le très probable non-respect des procédures prévues par les statuts de la société, il semble de surcroît que le contrat en question comporterait des dispositions peu conformes aux règles internes et seraient contraires aux intérêts de l'entreprise. Il dérogerait même dans son exécution aux clauses qu'il contient. Ainsi certaines émissions de première partie de soirée seraient commandées sur des montants très importants sans concept véritable, sans justification des budgets de production alloués à leur production et enfin avec des clauses d'audience minimum. Ces « clauses d'audience » sont pourtant imposées à tout producteur. Ces clauses prévoient notamment un arrêt des émissions si elles ne sont pas atteintes. Ces pratiques constituent de fait des affermages d'antenne au profit d'un seul producteur. Ces dernières avaient été pourtant interdites en 1996 suite à des dérives. Figurent également dans ce contrat l'engagement d'acquisition de séries de fiction et de documentaires auprès de la maison mère d'Air Production, la société Banijay, là encore sans respecter le principe d'appel d'offres qui, a minima, devrait prévaloir alors qu'il existe un tissu national de production indépendante auquel France Télévisions impose par ailleurs des réductions budgétaires drastiques au nom des économies demandées au service public par l'actionnaire qu'est l'État. Enfin, à ce jour, les comptes annuels de la société Air Production ne sont pas disponibles. Outre que le fait de contracter avec des entreprises qui ne satisfont pas à ces mesures de publication révèle un manque notoire de transparence incompatible avec la gouvernance du service public, la connaissance de ces informations financières seraient utiles pour déterminer le montant des marges que génèrent de telles relations commerciales avec France Télévisions. Au demeurant, selon l'aveu même de ses dirigeants dans la presse, le groupe public n'a pas pris soin de pratiquer un audit des comptes de la société Air Production pendant l'exécution de son contrat. L'ensemble de ces informations revêt une telle gravité qu'une question a été posée à la Mme la ministre en séance publique à l'Assemblée nationale lors de l'examen des crédits de la mission « Médias, Livre et Industries culturelles » et du compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public » le 6 novembre 2020. La ministre avait alors répondu : « je ne dispose pas des éléments qui me permettraient de vous répondre immédiatement. Je m'engage devant la représentation nationale à vous donner tous les éléments nécessaires ». Cette question a été suivie dans la foulée d'un courrier circonstancié. À l'instar de toute la profession qui traverse une période particulièrement difficile liée à la crise sanitaire, Mme la députée reste en attente d'une réponse la plus rapide possible sur certains éléments de sa question qui restent purement factuels et sur ce que le Gouvernement compte faire pour se donner les moyens de répondre à ces interrogations plus que légitimes. Les téléspectateurs s'acquittent de leur redevance, ils sont eux aussi en droit d'attendre une conduite exemplaire des entreprises audiovisuelles publiques dont ils assurent le financement. L'État se doit d'être leur garant en matière de contrôle et de transparences des sociétés qu'il a sous sa tutelle. Or cela n'a pas été le cas et l'opacité continue de régner sur l'attribution de ce contrat aux sociétés Air Production comme à sa maison mère Banijay dont le volume de chiffre d'affaires avec le groupe France Télévisions est en forte croissance comme l'a constaté le CSA dans son dernier rapport annuel. Rappelons que cette société de production vient d'accueillir l'ancien directeur général délégué aux antennes de France Télévisions, à peine deux mois après qu'il ait quitté le groupe public, posant la question d'une éventuelle interférence d'intérêts. Ces faits sont d'une extrême gravité. Ils relèvent, s'ils étaient définitivement avérés, d'une mauvaise gestion et rompent le principe d'équité qui doit régir les relations entre un groupe audiovisuel public et les entreprises de production indépendantes. Elle lui demande donc de diligenter une enquête qui pourrait être menée par l'Inspection générale des finances comme cela a été le cas récemment dans d'autres entreprises du secteur public de l'audiovisuel.

Retirée le 21 juin 2022 (fin de mandat)

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