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Brigitte Kuster
Question N° 35473 au Ministère de la justice


Question soumise le 12 janvier 2021

Mme Brigitte Kuster interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la proposition de résolution déposée par M. Sylvain Maillard visant à lutter contre l'antisémitisme et adoptée par l'Assemblée nationale le 3 décembre 2019. En effet, dans son article unique, elle rappelait que la définition utilisée par l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste permet de distinguer le plus précisément possible ce qu'est l'antisémitisme contemporain en y joignant l'antisionisme. Les actes antisionistes occultent parfois des réalités antisémites. Les députés ont estimé que critiquer l'existence de l'État d'Israël en cela qu'elle constitue la collectivité composée de citoyens juifs revient à exprimer une haine à l'égard de la communauté juive dans son ensemble, tout comme rendre collectivement responsables les juifs de la politique conduite par les autorités israéliennes est une manifestation de l'antisémitisme. La résolution invitait donc le Gouvernement à diffuser cette définition auprès des services éducatifs, répressifs et judiciaires. Plus d'un an après l'adoption de cette résolution, elle souhaite connaître le nombre d'affaires ayant eu pour trame de fond une manifestation de l'antisémitisme par recours à l'antisionisme et la réponse judiciaire qui y a été apportée. De même, elle demande quelles mesures précises ont été prises par le ministère de la justice pour une meilleure sensibilisation des acteurs de la justice dans la prévention et la répression de l'antisionisme.

Réponse émise le 18 janvier 2022

La lutte contre l'antisémite est une priorité pour l'ensemble du Gouvernement et le ministère de la justice en particulier. En effet, les discours antisémites sont susceptibles de constituer des faits de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, de diffamation, ou d'injure, réprimés par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Par ailleurs, la politique pénale menée par le ministère de la justice veille à ce que le discours antisioniste, qui relève de la seule opinion politique, ne cache pas un discours antisémite. Est ainsi sanctionné tout propos qui sous couvert de critique politique ou idéologique de l'Etat d'Israël, constituerait en réalité une expression haineuse à l'égard de la communauté juive. A ce titre, plusieurs dépêches, dont la dernière date du 20 octobre 2020, ont été prises pour appeler l'attention des parquets sur ces faits susceptibles de constituer le délit de presse de provocation à la discrimination à l'encontre d'une personne ou d'un groupe en raison de son appartenance à une nation. Cette dernière dépêche insiste, en outre, sur le renforcement de l'exigence de motivation des décisions de condamnation conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme. S'agissant du nombre d'affaires judiciaires en lien avec des faits traduisant de l'antisémitisme, il est nécessaire de rappeler que le droit pénal français n'établit aucune distinction entre les différents groupes de personnes visées. Ainsi, le phénomène antisémite est appréhendé par des qualifications prenant en compte un comportement ou un motif discriminatoire ou raciste en lien avec une origine, une race, une religion ou une ethnie, de manière générale, sans qu'il soit possible au regard de la seule qualification retenue, d'isoler les affaires portant spécifiquement sur de l'antisémitisme. En revanche, les services du ministère de l'Intérieur comptabilisent, au sein des infractions racistes, les différents motifs parmi lesquels figurent les actes antisémites. Ces données, recueillies par le SCRT (MININT), sont transmises à la commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) qui les publie dans son rapport. Par ailleurs, afin de sensibiliser les magistrats à la prévention et la répression de l'antisémitisme, l'école nationale de la magistrature dispense régulièrement des formations en la matière. Sans exhaustivité, en 2020, la formation intitulée « des discriminations à la haine : juger des préjugés et de l'hostilité » a été proposée sur une session de six jours. La question de la prise en compte de l'impact sur les victimes a été abordée dans la formation intitulée « l'impact sur les victimes : les conséquences psychologiques et psychiatriques des actes et des discours de haine ». Un projet de formation en partenariat avec la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) est également mené afin de dispenser aux magistrats parisiens, sur une demi-journée, et au sein des locaux du mémorial de la Shoah à Paris, une sensibilisation à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations. Ces formations continues viennent enrichir la formation initiale des auditeurs de justice qui comprend également des modules propres aux questions relatives à la discrimination et à l'antisémitisme, abordées notamment à l'occasion de la présentation de l'institution du Défenseur des droits. La sensibilisation des magistrats à la lutte contre l'antisémitisme passe enfin par la mobilisation des magistrats référents, qui devraient être de nouveau réunis en 2022 pour aborder les principaux enjeux, projets et difficultés rencontrées dans le traitement judiciaire de l'antisémitisme.

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