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François-Michel Lambert
Question N° 35644 au Ministère auprès du ministre de l’économie


Question soumise le 19 janvier 2021

M. François-Michel Lambert interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur la politique française en matière de garantie de souveraineté nationale sur les matières stratégiques et notamment la bauxite, les alumines et l'aluminium. La Commission européenne a publié le 3 septembre 2020 une communication sur la « Résilience des matières premières critiques : la voie à suivre pour un renforcement de la sécurité et de la durabilité » qui contient la liste 2020 des matières premières critiques, sur lesquelles un plan d'action fondé sur 4 objectifs principaux est défini. Cette liste, basée sur le changement d'importance économique et les défis d'approvisionnement pour le compte des applications industrielles, contient 30 matières premières critiques, dont la bauxite, le lithium, le titane et le strontium ajoutés en 2020. La France est pionnière mondiale de l'extraction d'alumines à partir de la bauxite avec le site de Gardanne où est née il y a 127 ans le procédé dit Bayer. Ce procédé, déployé à l'échelle industrielle depuis le site de Gardanne, est devenu la référence planétaire en matière d'extractions d'alumines de la bauxite. Ce procédé est décrié car il génère des déchets, dits « boues rouges » qui, sur le site de Gardanne, étaient rejetés en mer jusque fin 2015. Altéo n'a cessé de poursuivre ses efforts de recherches et développement. En 2019, l'usine inaugurait une nouvelle unité de production d'alumine dite de « haute pureté » destinée à conforter sa compétitivité notamment pour le compte de la filière de la micro-électronique. Avec une offre de plus de mille variantes d'alumines, Altéo répond aux besoins stratégiques dans les domaines de la santé (prothèses), de la télémédecine, de l'aérien, du spatial, de la défense (sécurité passive) ou de la transition énergétique (notamment composant crucial pour les batteries électriques). Depuis le 7 janvier 2021, la société Altéo, après une année de tutelle administrative sous le régime du redressement judiciaire, est propriété du consortium UMSI aux capitaux guinéens et chinois. Les nouveaux propriétaires ont clairement annoncé la fin de la partie de production amont de l'usine, celle de l'extraction d'hydrates d'alumines à partir de la bauxite, pour se concentrer sur la partie raffinage en alumines de spécialité. Dorénavant, la maîtrise française de toute la filière d'alumines est en grande partie aux mains d'une société qui n'a pas d'intérêt européen. Plus encore, d'ici quelques mois, il n'y aura plus d'extraction à partir de la bauxite, rendant le pays dépendant d'autres qui exploiteront la bauxite pour la transformer en hydrate d'alumine, avec des normes environnementales qui seront certainement moins contraignantes que celles appliquées par l'usine de Gardanne. En conséquence, il lui demande quelle sera la position du Gouvernement face à cette très probable perte de souveraineté nationale et européenne en contradiction avec les directives de la Commission européenne sur la politique de résilience des matières critiques, plus particulièrement sur la bauxite et ses dérivés comme les alumines de spécialité.

Réponse émise le 2 mars 2021

Altéo Gardanne est une entreprise suivie très attentivement par le Gouvernement à plusieurs titres : au plan économique compte tenu de l'importance de l'activité qu'elle génère directement ou indirectement sur ce bassin d'emplois, au plan environnemental compte tenu des contraintes liées à l'exploitation du procédé Bayer, au plan industriel car il s'agit d'un acteur stratégique de la filière de production d'alumines et enfin au plan humain au regard de l'attachement des salariés à cette activité industrielle historique. Dès l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire en décembre 2019, les services du ministère et ceux des autres ministères compétents se sont mobilisés pour aider l'entreprise à affronter la crise sanitaire (qui s'est déclenchée peu de temps après) et à chercher une solution de reprise pérenne. Force est de constater que, malgré une très large consultation par la banque d'affaires mandatée, presqu'aucun candidat ne s'est positionné sur un projet de reprise comprenant le maintien pérenne du procédé Bayer sur le site de Gardanne. Le passif environnemental n'a certes pas aidé, même si aujourd'hui le Bayer d'Altéo semble être l'un des moins polluants au monde, mais ce sont bien des considérations économiques et de rentabilité qui ont été mises en avant par les repreneurs potentiels comme réel frein à maintenir ce type d'activité sur site. Le projet d'UMSI, choisi par le tribunal en début d'année, prévoit ainsi un arrêt progressif du procédé Bayer d'ici 12 mois environ. Cette offre de reprise a été autorisée par les services du ministère en charge du contrôle des investissements étrangers en France après avoir instruit en détail les implications d'un arrêt de ce procédé de transformation de la bauxite en hydrate d'aluminium de spécialité, voire même d'une perte de compétences sur la production d'alumines métallurgiques ou de spécialité. La souveraineté nationale sur ce type de production ne dépend pas aujourd'hui du seul site de Gardanne, d'autres sources d'approvisionnement étant envisageables, au sein de l'Union européenne. La communication de la Commission Européenne concerne la question de la résilience des approvisionnements de bauxite pour l'Europe, ce problème dépassant largement la situation particulière d'Altéo, étant indiqué que l'approvisionnement d'hydrate d'aluminium ne semble pas plus critique que celui de la bauxite. Une attention particulière devra cependant être portée sur le maintien à Gardanne d'une capacité de production d'alumines de spécialité de qualité (y compris à partir d'un approvisionnement en hydrate d'aluminium) ce qui est un axe stratégique du projet d'UMSI.

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