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Christophe Blanchet
Question N° 35651 au Ministère auprès de la ministre de la transition écologique


Question soumise le 19 janvier 2021

M. Christophe Blanchet interroge Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, sur les conséquences environnementales, économiques et sociales de la « réglementation environnementale 2020 » (RE 2020), présentées par le Gouvernement le 24 novembre 2020. L'industrie de la terre cuite, au cœur de l'économie française, irrigue l'activité des territoires. Tuiles et briques, fabriquées à plus de 95 % en France, allient innovation, performance et tradition. Avec près de 135 sites de production répartis dans toute la France, plus de 4 500 emplois directs et près de 500 000 emplois de maçons et de couvreurs induits, la filière (constituée d'ETI et de PME TPE) répond efficacement à la demande de produits de construction dans le respect des réglementations. Elle est excédentaire en termes de commerce extérieur. La filière terre cuite est engagée dans la stratégie industrielle française, elle a réduit ses émissions de gaz à effet de serre de près de 35 % entre 2000 et 2019 et a élaboré une feuille de route « usine bas carbone » qui conduit à des projets de développement et de modernisation ambitieux qui nécessitent des investissements significatifs. Si la future règlementation environnementale du bâtiment, RE2020, présente de très nombreuses et indéniables avancées (sobriété énergétique des bâtiments renforcée, meilleure prise en compte du confort d'été, évaluation de la performance environnementale), elle vise également à favoriser la construction « tout bois » d'ici 2030, grâce à une méthode qui minimise, par le calcul, ses émissions de dioxyde de carbone. Les résultats de l'expérimentation nationale E+C- (bâtiments à énergie positive et réduction carbone), démarrée en 2016 pour préfigurer ladite règlementation, ne peuvent même pas être utilisés. En effet, la méthodologie de calcul dite d' « analyse de cycle vie (ACV) dynamique », qui figure dans le projet de règlementation, introduit un biais majeur en minorant fortement les émissions décalées dans le temps mais néanmoins bien réelles. Cette nouvelle méthode purement franco-française est d'ailleurs contestée par le conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE) et n'est reconnue dans aucune norme européenne ou internationale. On notera que certaines ambitions affichées sont contradictoires ou peu crédibles : une faible inertie inhérente à la construction en bois et un confort d'été sans climatisation, la conversion de la filière construction à une technique non traditionnelle en moins de 10 ans et ce que ça implique en termes de formations et d'emplois, sans omettre que la balance du commerce extérieur du bois construction est déjà déficitaire. Il est à craindre que cette règlementation ne fasse chuter drastiquement les chiffres de la construction tant elle désorganisera la filière sur un temps très court. Dans le contexte de l'épidémie de covid-19, de la relocalisation industrielle voulue par le Gouvernement, de la révision des feuilles de route de décarbonation des secteurs industriels, de l'importance de la préservation des emplois dans les territoires et du manque structurel de logements en France, M. le député s'étonne de la méthode de calcul utilisée qui menace la filière terre cuite, et plus particulièrement la pérennité de l'industrie séculaire et vertueuse des tuiles et briques en France. Il lui demande si le Gouvernement entend revoir cette méthode en vue de ne pas nuire à la pérennité d'une filière d'excellence.

Réponse émise le 28 septembre 2021

Les annonces du Gouvernement du 24 novembre 2020 sur la future Réglementation environnementale des bâtiments neufs (RE2020), ont suscité des réactions, interrogations et revendications émanant de divers acteurs nationaux et locaux du monde de la construction. Ces annonces ont, depuis, fait l'objet d'une intense et riche consultation de l'ensemble des parties prenantes et organisations professionnelles, notamment au sein du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE), qui a rendu son avis le 26 janvier 2021. L'ensemble des points ici soulevés ont été versés au débat et pris en compte dans le cadre de cette consultation. À l'issue de cette phase de concertation, le Gouvernement a pu annoncer, le 18 février 2021, les détails de la mise en œuvre de la RE2020 pour l'ensemble des logements neufs. (La présentation détaillée de ces éléments figure le site du ministère de la transition écologique dans le dossier de presse dédié du 18 février 2021 : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2021.02.18_DP_RE2020_EcoConstruire_0.pf) Globalement, les exigences fixées par la RE2020, reflet des orientations du Gouvernement pour la transition écologique dans le secteur du bâtiment, demeurent inchangées, qu'il s'agisse de sobriété énergétique, de sortie des énergies fossiles, d'amélioration du confort d'été ou de décarbonation de la construction tout le long du cycle de vie. La RE2020 sera ainsi l'une des réglementations les plus ambitieuses d'Europe pour les bâtiments neufs et contribuera directement à l'atteinte de nos objectifs de lutte contre le changement climatique et à la tenue de nos engagements internationaux en la matière. Cela étant, la concertation a permis de procéder à plusieurs ajustements du projet de réglementation afin d'en assurer sa mise en œuvre et son succès, tout en conservant son ambition initiale. En particulier, l'entrée en vigueur de la RE2020 a finalement été fixée au 1er janvier 2022, les principaux textes réglementaires ayant été publiés à l'été 2021. Conservant un calendrier rapide de mise en œuvre, cette date, qui fait l'objet d'un large consensus, laisse les quelques mois nécessaires à l'ensemble de la filière et notamment aux concepteurs et promoteurs pour mettre leurs projets à venir en conformité avec les nouvelles exigences. De la même manière et afin d'assurer que la trajectoire fixée par la RE2020 permette aux innovations et développements industriels nécessaires de se déployer à temps, les autres jalons prévus par la RE2020 seront décalés d'un an par rapport à ce qui était envisagé (les dates de 2024,2027 et 2030 devenant ainsi 2025, 2028 et 2031). En matière de construction, le Gouvernement avait souligné lors des annonces de novembre 2020 la place croissante que seront amenés à prendre le bois et les matériaux biosourcés dans le futur de la construction. Dans le même temps, il convient de rappeler que la réglementation reposera sur une exigence de résultat et non de moyens et permettra de faire place à la diversité des modes constructifs en favorisant la mixité des matériaux. Si les constructions futures recourront donc de manière accrue au bois et matériaux biosourcés, cette nouvelle réglementation encouragera également le recours aux matériaux géosourcés (comme la pierre de taille ou la terre crue) et aux matériaux plus usuels (brique et béton notamment) selon leur trajectoire de décarbonation. Toutes les filières et tous les métiers seront ainsi pleinement mobilisés par le mouvement engendré par la RE2020. À cet égard, la méthode d'analyse en cycle de vie dite « dynamique » (ACV), qui valorise le stockage du carbone, comme le prévoit la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi ELAN, du 23 novembre 2018, est bien conservée. Dans le même temps, des ajustements par rapport au projet initial concernant les seuils carbone en construction ont été présentés afin d'assurer qu'à l'horizon 2031 (dernier jalon fixé par la RE2020), des modes constructifs variés auront leur place et que, sous réserve de leurs engagements de décarbonation, tous les matériaux continueront d'être utilisés, selon leurs atouts respectifs. Entre autres signes de ce souci de la mixité des matériaux et des modes constructifs, j'ai lancé un appel à manifestations d'intérêt (AMI) spécialement dédié à la mixité des matériaux, financé par le Programme d'investissements d'avenir (PIA 4). Concernant plus précisément le choix de l'approche d'analyse du cycle de vie (ACV) dite « dynamique », il convient de rappeler que celui-ci s'est fait à la suite d'une large concertation initiée en 2019. Un groupe d'expertise a proposé l'approche dynamique qui constituait la première piste du rapport qu'il a rendu début mars 2019. En novembre 2019, le comité technique de l'expérimentation E+C- a présenté des recalculs de l'observatoire E+C- selon les méthodes statiques et dynamiques. Ceux-ci ont été rendus publics sur le site de l'expérimentation E+C-. Tout d'abord, il convient de noter que l'analyse en cycle de vie dynamique, comme l'analyse statique, prend bien compte l'ensemble du cycle de vie du matériau, en particulier durant la phase amont mentionnée (impact carbone lié à l'importation et aux transports ou lié à son circuit de transformations successives). Dans les deux cas, statique ou dynamique, les données utilisées sont celles des fiches environnementales (fiche de déclaration environnementale et sanitaire - FDES - ou profil environnemental produit - PEP -). Plus spécifiquement, la méthode dynamique a l'avantage de prendre en compte le moment des émissions de gaz à effet de serre, ce que ne permet pas la méthode d'ACV dite « statique ». En effet, une tonne de CO2 émise aujourd'hui commence à réchauffer le climat dès aujourd'hui alors que la même tonne émise dans 25 ans ne commencera à produire ses effets que dans 25 ans. Les gaz à effet de serre (GES) restent des dizaines, voire des centaines ou des milliers d'années dans l'atmosphère, c'est la raison pour laquelle une molécule de CO2 émise aujourd'hui réchauffera l'atmosphère non seulement aujourd'hui mais aussi demain et tous les jours jusqu'à ce qu'elle soit finalement captée par les océans, les forêts, etc. et disparaisse de l'atmosphère. On peut alors mesurer l'effet cumulé d'une émission de gaz à effet de serre sur le climat, ce que l'on appelle le forçage radiatif cumulé. Ainsi les dynamiques physiques induisent un réchauffement climatique qui varie selon qu'on l'évalue à un horizon de 20 ans, de 100 ans ou de 500 ans. C'est ce qu'on appelle « l'horizon temporel ». Le choix de l'horizon temporel est donc directement lié à l'horizon des stratégies de lutte contre le changement climatique que l'on peut souhaiter mettre en place puisque c'est à l'aune de cet horizon temporel que l'impact du réchauffement climatique est ainsi évalué. L'urgence de la crise climatique actuelle, qui nous pousse à agir au plus vite, pourrait justifier une évaluation de l'impact des politiques publiques sur le réchauffement climatique à un horizon temporel très proche, à 10 ou 20 ans. Néanmoins un tel choix présenterait le risque de privilégier des solutions court-termistes, qui pourraient se révéler négatives pour le climat à plus long-terme. C'est pour cela que le Gouvernement a choisi un horizon temporel plus lointain, de 100 ans, qui est cohérent avec l'engagement pris lors de l'Accord de Paris de limiter au maximum le réchauffement climatique en 2100. Ce choix est aussi cohérent avec les travaux du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) qui étudient différents scénarii climatiques à l'horizon 2100. Cet horizon temporel est d'ailleurs utilisé dans un grand nombre d'études scientifiques et est notamment privilégié dans le calcul de l'unité de mesure conventionnelle des émissions de gaz à effet de serre, le kilogramme « équivalent » CO2 (kgCO2eq). Le choix du Gouvernement de retenir la méthode dynamique est cohérent avec la volonté du législateur et l'article L. 111-9 du code de la construction qui indique qu'« un décret en Conseil d'État détermine […] à partir de 2020, pour les constructions nouvelles, en fonction des différentes catégories de bâtiments, le niveau d'empreinte carbone à respecter, évalué sur l'ensemble du cycle de vie du bâtiment, en intégrant la capacité de stockage du carbone dans les matériaux […] ». Dans son chapeau, ce même article indique : « Les performances énergétiques, environnementales et sanitaires des bâtiments et parties de bâtiments neufs s'inscrivent dans une exigence de lutte contre le changement climatique, de sobriété de la consommation des ressources et de préservation de la qualité de l'air intérieur. Elles répondent à des objectifs d'économies d'énergie, de limitation de l'empreinte carbone par le stockage du carbone de l'atmosphère durant la vie du bâtiment, de recours à des matériaux issus de ressources renouvelables, d'incorporation de matériaux issus du recyclage, de recours aux énergies renouvelables, de confort thermique et d'amélioration de la qualité de l'air intérieur. » À ce même titre, le stockage temporaire de carbone est d'ailleurs considéré comme un levier central de la Stratégie nationale bas carbone, et le stockage temporaire de carbone dans les produits bois est pris en compte dans les inventaires officiels de GES rapportés à la CCNUCC (Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques). L'intérêt du stockage de carbone dans les bâtiments ne fait donc pas de doute. Par ailleurs, une telle stratégie ne génère pas de pic d'émissions futures. Il s'agit en effet de stocker du carbone dans les bâtiments construits chaque année, et ainsi lorsqu'arrivera le temps de déconstruire les premiers bâtiments et d'éventuellement émettre le carbone qui y était stocké (il existe des solutions de recyclage, de réemploi, de valorisation énergétique qui évitent des émissions fossiles, …), ces émissions seront compensées par le stockage que constitueront les constructions neuves annuelles. Il en résultera donc une stabilisation du stock de carbone qui aura été constitué dans le parc de bâtiment. En complément, il convient de noter qu'il n'existe pas à ce jour de consensus international sur les normes d'analyse en cycle de vie car plusieurs méthodes coexistent. Bien que les normes actuelles relatives à l'ACV dans le domaine du bâtiment ne prennent pas en compte le stockage temporaire du carbone, certaines laissent la possibilité d'ajouter une information à ce sujet. La RE2020 différera en partie de la norme européenne relative à l'ACV des bâtiments (EN15978), comme c'était le cas pour E+C- sur d'autres et pour la réglementation environnementale néerlandaise par exemple, autre pays pionnier en la matière. Compte tenu des débats liés à la méthode d'ACV dynamique mise en place dans la cadre de la RE2020, et sur les hypothèses qu'elle considère, le Gouvernement portera avec l'ensemble des parties prenantes un travail de normalisation de l'approche d'ACV dynamique à l'échelle française et européenne. La méthode pourra être ajustée lors d'étapes ultérieures de la réglementation si cela apparaissait nécessaire. Enfin, au-delà du choix de la méthode dynamique et de la valorisation du stockage du carbone, la RE2020 permet de valoriser l'ensemble des matériaux bas carbone et encourage la mixité des matériaux ainsi que la diversité des modes constructifs. Les travaux préparatoires à la RE2020 ont d'ailleurs montré que le seul recours au bois d'œuvre dans un bâtiment ne permet pas d'atteindre automatiquement les exigences fixées pour 2031. Surtout, ces travaux font apparaître que le bois d'œuvre n'est pas toujours le levier le moins coûteux pour réduire l'impact carbone des projets : l'ensemble des leviers en conception, en second œuvre, sur les équipements, ont vocation à être mobilisés. En particulier, concernant les matériaux minéraux comme la brique ou la tuile, le calcul en analyse de cycle de vie encourage la réduction des émissions de gaz à effet de serre et donc les innovations technologiques concernant les process industriels ou la composition des matériaux. À ce titre, la filière brique s'est engagée sur sa capacité à abaisser ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 en parfaite cohérence avec la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) et engage de nombreux investissements dans cette direction. Ces investissements vont dans la bonne direction et sous réserve que ces objectifs de décarbonation soient tenus, les exigences de la RE2020 permettront toujours l'utilisation de briques et de tuiles de manière courante, même pour les jalons ultimes de la réglementation (à partir de 2031).

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