Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Jean-Louis Thiériot
Question N° 35664 au Ministère de l’éducation nationale


Question soumise le 19 janvier 2021

M. Jean-Louis Thiériot attire l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, sur la question de la prise en charge financière des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) sur le temps de restauration scolaire. Par une décision du 20 avril 2011, le Conseil d'État a considéré « qu'il incombe à l'État, au titre de sa mission d'organisation générale du service public de l'éducation, de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que le droit à l'éducation et l'obligation scolaire aient, pour les enfants handicapés, un caractère effectif ; qu'à cette fin, la prise en charge par celui-ci du financement des emplois des assistants d'éducation qu'il recrute pour l'aide à l'accueil et à l'intégration scolaires des enfants handicapés en milieu ordinaire n'est pas limitée aux interventions pendant le temps scolaire » (n° 345434). La cour administrative d'appel de Nantes, faisant application de cet arrêt de principe, a précisé que « dès lors que l'accès aux activités périscolaires apparaît comme une composante nécessaire à la scolarisation de l'enfant et que ces activités sont préconisées à ce titre par la CDAPH, il incombe à l'État (...) d'assurer la continuité du financement des accompagnants des élèves en situation de handicap pendant les activités périscolaires, et ce, alors même que l'organisation et le financement de celles-ci ne seraient pas de sa compétence ; qu'en conséquence, dès lors que la CDAPH a émis de telles préconisations, ni le fait que ces activités périscolaires auraient un caractère facultatif, ni le fait que les textes applicables ne prévoient pas la prise en charge par l'État des moyens financiers afférents à ces activités périscolaires, ne sauraient dégager l'État de sa responsabilité que les textes lui confèrent dans ces cas spécifiques » (15/05/2018, 16NT02951). Dans une réponse à une question écrite sur le sujet, Mme la secrétaire d'État en déduisait que « les personnels chargés de l'aide humaine individualisée ou mutualisée pendant les temps scolaires peuvent accompagner les élèves en situation de handicap pendant la pause méridienne dès lors que cet accompagnement a été notifié par une décision de la CDAPH » (JO 16/04/2019 page 3669). Jusque récemment, il était donc clair que la mission des AESH s'étendait à l'accompagnement pendant le temps de cantine des enfants bénéficiaires d'une notification de la CDAPH en ce sens et que sa prise en charge financière incombait dès lors à l'État dans la mesure où cet accompagnement pendant la pause méridienne était nécessaire pour assurer l'effectivité de l'obligation scolaire des enfants en situation de handicap. Cependant, une décision du Conseil d'État en date du 20 novembre 2020 est venue semer le trouble sur la question en affirmant que « lorsqu'une collectivité territoriale organise un service de restauration scolaire ou des activités complémentaires aux activités d'enseignement et de formation pendant les heures d'ouverture des établissements scolaires, il lui incombe de veiller à assurer que les élèves en situation de handicap puissent, avec, le cas échéant, le concours des aides techniques et des aides humaines dont ces élèves bénéficient au titre de leur droit à compensation, y avoir effectivement accès », et que les AESH « peuvent notamment être mis à la disposition de la collectivité territoriale dans les conditions prévues à l'article L. 916-2 du code de l'éducation, c'est-à-dire sur le fondement d'une convention conclue entre la collectivité intéressée et l'employeur dans les conditions prévues à l'article L. 216-1 du même code, lequel précise qu'il revient à la collectivité territoriale d'assurer la charge financière de cette mise à disposition » ou « peuvent également être directement employés par la collectivité territoriale pour ces heures accomplies "en dehors du temps scolaire" » (n° 422248). M. le député indique à Mme la secrétaire d'État que ce revirement de jurisprudence opère de fait un transfert sans compensation de l'État vers les collectivités territoriales des charges relatives à l'emploi des AESH sur le temps de restauration scolaire. Il lui fait part de ses inquiétudes quant aux conséquences de ce transfert de fait : l'emploi d'AESH représente en effet un coût substantiel auquel toutes les collectivités, notamment les petites communes, ne sont pas en mesure de faire face. Il craint dès lors que l'absence de compensation financière compromette en pratique l'accueil en cantine scolaire des enfants en situation de handicap, et partant l'effectivité de leur accueil sur les bancs de l'école de la République. Il lui demande de bien vouloir lui faire part de son analyse sur le revirement de jurisprudence et le transfert de charges opérés et il l'interroge sur les mesures qu'elle compte prendre pour assurer la prise en charge financière des accompagnants d'élèves en situation de handicap pendant le temps de restauration scolaire.

Réponse émise le 20 juillet 2021

L'accompagnement des élèves en situation de handicap durant les temps périscolaires relève d'une réglementation complexe, qui a donné lieu à différentes interprétations et a été la source de plusieurs contentieux. Le Conseil d'État, par une décision de section rendue le 20 novembre 2020 (https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2020-11-20/422248">n° 422248, publiée au recueil Lebon), a précisé l'interprétation des textes législatifs et réglementaires. Il a jugé qu'il appartient aux collectivités territoriales de prendre en charge l'accompagnement des enfants en situation de handicap lorsqu'elles organisent un service de restauration scolaire ou des activités complémentaires aux activités d'enseignement et de formation pendant les heures d'ouverture des établissements scolaires ou encore des activités périscolaires. La compétence des collectivités territoriales pour la prise en charge financière des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) appelés à intervenir sur la pause méridienne et plus généralement sur le temps périscolaire est ainsi clairement affirmée. Le Conseil d'État précise par ailleurs qu'il appartient à l'État, lorsqu'il recrute un AESH pour le temps scolaire, de déterminer avec la collectivité territoriale concernée si une prise en charge de l'enfant doit être prévue pendant la pause méridienne et lors des activités périscolaires et, le cas échéant, les modalités de cette prise en charge. L'objectif est évidemment de garantir la continuité de l'accompagnement, dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Cette responsabilité, qui incombe à l'État, ne remet toutefois pas en cause le principe de la prise en charge, par les collectivités territoriales, de la rémunération des accompagnants dans le cadre des activités qu'elles organisent. Dans sa décision, le Conseil d'État évoque également les solutions envisageables pour une intervention des AESH hors temps scolaire. Les AESH, recrutés par l'État sur le fondement d'une décision d'une commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, peuvent intervenir « y compris en dehors du temps scolaire ». A ce titre, ils peuvent notamment être mis à disposition de la collectivité territoriale dans les conditions prévues à l'articleL. 916-2 du code de l'éducation, c'est-à-dire sur le fondement d'une convention conclue entre la collectivité intéressée et l'employeur dans les conditions prévues à l'article L. 216-1 du même code, lequel précise qu'il revient à la collectivité territoriale d'assurer la charge financière de cette mise à disposition. Ils peuvent également être directement employés par la collectivité territoriale pour ces heures accomplies en dehors du temps scolaire. Enfin, ils peuvent être recrutés conjointement par l'État et par la collectivité territoriale ainsi que le prévoient désormais les dispositions de l'article L. 917-1 du code de l'éducation, dans leur rédaction issue de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance. Les services du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports se sont rapprochés du secrétariat d'État chargé des personnes handicapées et de la direction générale des collectivités locales et des échanges vont intervenir avec les représentants des collectivités territoriales, afin d'assurer la bonne coordination de l'ensemble des acteurs concernés (État, collectivités territoriales, CDAPH, etc.) et ceci dans le but de privilégier l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans l'attente, il a été demandé aux services rectoraux de ne pas remettre en cause, pour cette année scolaire, les décisions par lesquelles l'État a accepté de prendre en charge l'accompagnement des enfants en situation de handicap pendant la pause méridienne ou le temps périscolaire. L'État ne manquera pas à ses obligations quant à la scolarisation des enfants en situation de handicap mais il doit pouvoir s'appuyer, comme le Conseil d'État l'a rappelé, sur les collectivités territoriales lorsque les activités auxquelles les enfants en situation de handicap doivent avoir accès, relèvent de leurs compétences.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.