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Clémentine Autain
Question N° 35672 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 19 janvier 2021

Mme Clémentine Autain interroge M. le ministre de l'intérieur sur la manifestation qui s'est tenue à Paris le 12 décembre 2020. Dans la rue, des milliers de personnes ont souhaité manifester leur opposition à la loi dite de « sécurité globale ». Cette loi pose de nombreuses questions quant au respect de la liberté de conscience et d'opposition politique puisqu'elle empêche, entre autres, de filmer des forces de l'ordre dans l'exercice de leurs fonctions. L'objectif affiché de cette loi est de protéger les policiers. Les multiples expériences des dernières années laissent à penser qu'il s'agit davantage de masquer les comportements dangereux de certains membres de la police pour les protéger d'une condamnation judiciaire en empêchant la production de preuve. Au-delà de la nature de la manifestation du 12 décembre 2020, Mme la députée souhaite ici interroger M. le ministre concernant les méthodes supposées de maintien de l'ordre qui ont été employées à cette date. Dans un reportage détaillé, le site internet Médiapart relate pas moins d'une trentaine de charges policières sur les manifestants, dans un contexte de calme apparent sur les images. Ces charges se sont répétées tout au long du cortège le long du boulevard Sébastopol, sur des manifestants visiblement dans l'incompréhension en l'absence de tension au sein des participants. Dans le même temps, ces charges policières effectuées sans sommation, qui semblaient n'avoir d'autre objectif que de provoquer la montée de tension et la peur chez les manifestants, ont conduit à l'interpellation de dizaines de personnes. Les faits de violences des manifestants arrêtés sont si faibles que l'immense majorité des manifestants n'a pas été placé en garde-à-vue, a bénéficié d'un placement sans suite ou a fait l'objet d'un rappel à la loi qui bien souvent s'opère en l'absence de preuve particulière en lien avec un acte condamnable. Mme la députée souhaite donc connaître les modalités de cette nouvelle doctrine du maintien de l'ordre : ces méthodes d'intimidation à l'égard des manifestants s'apparentent davantage à de l'oppression politique qu'à l'encadrement de manifestations dans le but d'y assurer la sécurité. Quels sont donc les objectifs de ces forces de police ? S'agissait-il de « faire du chiffre » à des fins politiques ? D'assurer la communication d'un ministère ? Ou bien de faire respecter le droit à manifester en France ? Mme la députée rappelle à M. le ministre que la liberté de manifester est inscrite dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et qu'il serait de bon aloi de ne pas la bafouer obstinément à des fins politiques délétères pour la cohésion du pays. Elle souhaite connaître ses réponses à ces questions.

Réponse émise le 27 juillet 2021

Le maintien de l'ordre à Paris répond à des enjeux spécifiques. En effet, la Ville de Paris est une métropole de 2,3 millions d'habitants, très fréquentée et attractive, épicentre des mouvements de revendication – environ 2500 par an hors période de pandémie – et lieu d'événements festifs, culturels et sportifs de grande ampleur. Elle est également le siège des institutions et des représentations diplomatiques. La doctrine en matière de maintien de l'ordre a profondément évolué ces dernières années, du fait notamment de l'infiltration de groupes violents dans les cortèges pacifiques et de mobilisations parfois imprévisibles, non déclarées et dépourvues de service d'ordre. Dans ce contexte particulier, un nouveau schéma national du maintien de l'ordre (SNMO) arrêté par instruction ministérielle du 16 septembre 2020, fixe le nouveau cadre d'exercice du maintien de l'ordre commun aux différentes forces de sécurité. Il vise deux objectifs prioritaires : permettre à chacun de s'exprimer librement dans les formes prévues par la loi et empêcher tout acte de violence contre les personnes et les biens à l'occasion des manifestations. S'il développe une doctrine plus protectrice envers les manifestants et prévoit notamment le renforcement de la communication avec les organisateurs, il est en revanche plus ferme avec les auteurs de violences. Sur le plan opérationnel, il se traduit par une plus grande mobilité des forces de l'ordre afin de contenir rapidement les éventuels débordements et d'être en capacité de neutraliser les fauteurs de troubles, tout en limitant le nombre de blessés. Les interpellations effectuées au cours d'une manifestation reposent sur la constatation d'une infraction délictuelle, en particulier les jets de projectiles, les violences ou outrages. Ces interpellations ne nécessitent pas qu'il soit procédé à une sommation. Dans ce nouveau schéma, la déontologie occupe une place prépondérante. Ainsi, les agents engagés dans le maintien de l'ordre sont soumis à une exigence de professionnalisme et d'exemplarité, notamment s'agissant de la maîtrise de la force. En outre, une attention particulière est portée à la formation des agents, à la transparence de leurs actions et au respect des règles. La contestation contre la loi dite de « sécurité globale » a débuté par un rassemblement le 17 novembre 2020 aux abords de l'Assemblée Nationale, suivi de manifestations les 21 et 28 novembre, 5 décembre et 12 décembre 2020. Ces rassemblements ont été émaillés de violences (13 véhicules et 42 biens publics ou privés dégradés ou détruits) qui ont donné lieu à 296 interpellations. Compte tenu des violences constatées lors des précédentes manifestations, celle du samedi 12 décembre 2020 a été encadrée selon la stratégie suivante : - Mise en œuvre d'un maillage de zone resserré permettant de nombreux contrôles préventifs aux abords de la manifestation, afin de dissuader et empêcher l'introduction d'objets pouvant constituer des armes par destination. - Déploiement d'effectifs, principalement des unités de forces mobiles, pour assurer le suivi du cortège tout au long de son cheminement, avec notamment comme objectif d'empêcher toute constitution de cortèges sauvages et dégradations de commerces en marge de la manifestation. - Capacité des policiers à intervenir au cœur des cortèges pour réaliser des interpellations rapides et ciblées : de nombreux manifestants ont été appréhendés pour jets de projectiles, violences ou outrages. Ainsi, alors que les précédentes manifestations avaient été émaillées de nombreuses dégradations et destructions, la stratégie de maintien de l'ordre mise en œuvre le 12 décembre 2020 a conduit à 156 interpellations et permis d'éviter les débordements (un seul véhicule a été dégradé ce jour-là). La majorité des interpellations a donné lieu à des poursuites ou rappels à la loi. Dans une minorité de cas seulement, les infractions se sont avérées insuffisamment caractérisées.

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