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Loïc Prud'homme
Question N° 35706 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 19 janvier 2021

M. Loïc Prud'homme appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'accomplissement de la saisine interministérielle du 28 mars 2018 de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) pour l'évaluation du caractère cancérogène pour l'humain du glyphosate. Outre le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, cette saisine interministérielle est signée également par le ministre de la santé et des solidarités et la ministre de la transition écologique, affirmant ainsi son caractère transversal impactant également la santé publique et l'environnement. Pour rappel, le consortium d'équipes de recherche, choisi au terme de l'appel à candidature de l'ANSES, s'est retiré en juillet 2020 en raison d'une procédure d'appel à candidature particulièrement controversée qui avait abouti le 30 avril 2020 au choix d'un consortium de sept laboratoires, coordonné par le chef de service génotoxicologie de l'IPL (Institut Pasteur de Lille). Ce point avait fait l'objet d'une question écrite (n° 32096) qui appelait à la vigilance du Gouvernement au regard des conflits d'intérêts signalés sur ce dossier pour que les études scientifiques puissent tout de même être réalisées dans des conditions sereines, indépendantes, éthiques et objectives, afin que la puissance publique ait une réponse claire sur le caractère cancérogène pour l'humain du glyphosate. Depuis, le Centre international de recherche sur le cancer de l'Organisation mondiale de la santé (CIRC), qui avait été retenu par l'ANSES pour réaliser le deuxième volet du cahier des charges de l'ANSES, a également renoncé à réaliser les études demandées, du fait des exigences de collaboration avec les firmes agro-chimiques qui lui étaient imposées par l'intermédiaire de l'ANSES. Or la saisine ministérielle exigeait des études indépendantes. Par ailleurs, le CIRC a considéré que les études de génotoxicité telles que demandées par l'ANSES avaient déjà été réalisées en 2015, avaient conclu au caractère de cancérogène probable du glyphosate et avaient, depuis, été corroborées par d'autres études. L'ANSES avait choisi de ne pas financer l'autre partie de l'étude proposée par le CIRC, visant à apporter des données de qualité sur les mécanismes d'action épigénétiques du glyphosate liés au développement du cancer. Pourtant, la saisine gouvernementale demandait d'éclairer la controverse sur la cancérogénicité du glyphosate et ne prévoyait pas de restriction aux seules études de génotoxicité. Que penser alors de l'appréciation de l'indépendance et des conflits d'intérêts par l'ANSES vis-à-vis des lobbies, quand elle demande la collaboration des laboratoires scientifiques avec les industriels et restreint le champ d'investigation de l'étude ? Plus de deux ans et demi après la saisine interministérielle sur la question de la cancérogénicité du glyphosate et devant l'incapacité de l'ANSES à y apporter une réponse et à éclairer la controverse, il lui demande s'il compte saisir l'Institut national du cancer (Inca) afin qu'il puisse apporter une réponse appropriée à cette question avant 2022, qui correspond à la date de l'étude de réévaluation du glyphosate en tant que substance active.

Réponse émise le 24 août 2021

En 2018, le Gouvernement a saisi l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) pour rédiger un cahier des charges afin de lancer des études pour améliorer les connaissances sur la cancérogénicité du glyphosate. Sur la base de ce cahier des charges, l'Anses a lancé en août 2019 un appel à candidatures pour la réalisation de plusieurs études complémentaires visant à rassembler des données scientifiques les plus complètes possible sur le potentiel cancérogène du glyphosate en vue de la réévaluation européenne de la substance active en 2022. L'examen des candidatures reçues a porté à la fois sur la pertinence des propositions en réponse au cahier des charges et sur le caractère innovant des solutions proposées. Le guide d'analyse des liens d'intérêt que l'Anses applique à ses experts et à ses personnels a été utilisé afin de vérifier l'absence de liens constitutifs de conflits d'intérêts au regard du travail demandé, notamment vis-à-vis des industriels commercialisant des produits phytopharmaceutiques. À titre exceptionnel, une déclaration d'intérêt a été demandée à chaque responsable scientifique des projets sélectionnés. Au terme du processus d'analyse des candidatures, l'agence avait annoncé le 30 avril 2020 la sélection de deux projets portés par : - un consortium coordonné par l'institut Pasteur de Lille, constitué de sept laboratoires -l'institut Pasteur de Lille, le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies, l'université de Lille, l'institut national de la recherche et de la santé médicale (Institut NuMeCan), l'université de Toulouse, l'agency for prevention, environment and energy, Italie et le laboratoire d'études des résidus et contaminants des aliments (LABERCA) - dont le programme couvrait l'ensemble du cahier des charges, avec des garanties en matière d'intégration des différents résultats et de comparabilité avec les données produites par les industriels dans un cadre réglementaire ; - le centre international de recherche sur le cancer (CIRC), qui proposait une étude originale visant à explorer d'éventuels effets génotoxiques du glyphosate suite à une exposition de longue durée de cultures cellulaires. Cette sélection, bien que scientifiquement pertinente, a été également pour l'Anses un choix par défaut puisque, malgré ses efforts pour promouvoir largement l'appel à candidatures à l'international, l'Anses a reçu uniquement quatre réponses dont deux consortiums (un consortium étant le profil de candidature recherché par l'Anses). Ces deux consortiums étaient liés à des membres du comité d'experts de l'Anses ayant participé à la construction du dispositif d'études, ce qui a suscité les questions évoquées dans un article du Monde en date du 16 juin 2020. Compte tenu de l'enjeu de disposer des études complémentaires dans le cadre du processus européen de réévaluation à actualiser, l'Anses a décidé de donner suite à l'appel à candidatures. Toutefois, les questions soulevées risquant de créer un climat de suspicion sur le résultat des études peu propice à la sérénité des débats scientifiques, la coordination du consortium lauréat, suivie par plusieurs laboratoires impliqués, a fait part du retrait de sa participation, avec une annonce faite par l'agence en juillet 2020. Cette situation a conduit de facto au retrait du consortium, dont l'approche intégrée était un élément clé pour garantir la qualité du dispositif d'études. En octobre 2020, le CIRC a fait part à l'Anses de sa décision de retirer son programme d'étude sur la toxicité du glyphosate afin de se recentrer sur de nouvelles priorités de recherche. La procédure suivie par l'Anses pour élaborer les cahiers des charges et lancer les appels à projets répond aux standards internationaux et aux règles de déontologie en matière de recherche, et le Gouvernement est attaché à ce que les travaux de l'Anses se poursuivent dans le respect des règles d'indépendance et d'impartialité, avec le haut niveau d'exigences qui est le sien. La modification éventuelle de la classification harmonisée de danger du glyphosate sera examinée par le comité d'évaluation des risques (RAC) de l'agence européenne des produits chimiques (ECHA), parallèlement à l'évaluation des risques par l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) dans le cadre de la procédure de renouvellement de la substance. Comme le prévoit la réglementation, l'évaluation prendra en compte les études soumises par les demandeurs ainsi que les données publiées dans la littérature scientifique. Dans son projet de rapport remis à la Commission européenne, à l'EFSA et à l'ECHA le 15 juin 2021, le consortium de quatre États membres chargés de la réévaluation du glyphosate ne propose pas de modification de sa classification harmonisée. L'ECHA devrait soumettre à la consultation publique une proposition de classification d'ici la fin de l'année, pour un avis final attendu en 2022. Sur la base des conclusions de l'EFSA et de l'ECHA, la Commission européenne proposera aux États membres une décision à prendre sur la demande de renouvellement de l'approbation du glyphosate.

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